Charles Baudelaire, Les fleurs du Mal, « spleen et idéal », 1861 Eléments pour

Charles Baudelaire, Les fleurs du Mal, « spleen et idéal », 1861 Eléments pour une introduction : - Le poème « l’ennemi » est le 10ème poème de la section « spleen et idéal », des Fleurs du Mal, dans l’édition 1861. - c’est un sonnet avec un système de rimes croisées, avec une paire de rimes suivies au début du premier tercet. Abab / cdcd/ eef/gfg - chaque strophe représente une phrase, qui va amener une étape dans la présentation de « l’ennemi » du titre, titre énigmatique, avec l’article défini « le » qui renvoie à quelque chose de connu, d’essentiel, et le nom « ennemi » qui pose le poème dans un contexte de combat, de conflit, de guerre. - la « lecture – survol » nous oriente vers le nom allégorique, avec une majuscule à la fin du poème : le Temps. → nous sommes dans le registre de la poésie lyrique : expression des sentiments, de l’état d’âme intérieur // le Romantisme → il va s’agir d’un ennemi intérieur, d’un poète rongé par un ennemi = le Temps dévorateur. - [projet de lecture ] Le poème va être un crescendo dans l’expression de l’angoisse qui en découle, une angoisse qui va devenir objet de poésie, qui va devenir poésie Mouvements du poème : crescendo strophe 1 : bilan du passé et du présent strophe 2 : Les conséquences strophe 3 : Les questions strophe 4 : la déploration l’angoisse devient objet de poésie par crescendo. D’abord, strophe 1 : bilan du passé et du présent - le poète prend pour point de départ le passé de la « jeunesse », ramassée en un tout, au passé simple « fut » → pour aller vers constat au présent : « il reste » en passant par le passé composé « ont fait » = accompli du présent. Au moment où le poète parle, les faits sont accomplis, on n’y peut plus rien. - bilan sur le plan des sentiments // poésie lyrique Et sentiments liés à un âge particulier, la « jeunesse », considérée comme promesse, souvent idéalisée et lieu de souvenirs heureux chez les Romantiques Hugo ou Lamartine par exemple. - Ici, c’est exactement le contraire : la restriction « ne que » réduit la jeunesse du poète à un « ténébreux orage » = métaphore météorologique liée à la description du spleen, métaphore qui va être filée deux strophes. → le poète joue sur les connotations liées à l’ »orage », le bruit et la fureur des éléments, les sensations d’étouffement, d’obscurité et de colère qu’on associe à des éléments naturels déchainés. → jeunesse en proie au mal de vivre, au déchainement de passions douloureuses et tragiques, conformes à l’idée de « mal du siècle », comme le René de Chateaubriand se reconnaissant dans les « orages désirés qui dev[aient] emporter René dans un autre vie ». Le poète est frère de Chateaubriand. - Le tableau du passé est peint avec des effets de clair- obscur, avec le deuxième vers , « traversé ça et là par de brillants soleils », qui crée un contrepoint lumineux, avec le pluriel « brillants soleils », pouvant renvoyer aux éclairs, ou aux brillances éphémères que l’on aperçoit au cours des orages. C’est bien la métaphore filée de la tempête, avec des éclairs qui illuminent et qui ravagent par leur violence. → le sentiment intérieur du poète prend les dimensions du cosmos // la nature est reflet de la tempête intérieure mais n’existe que dans la métaphore : On ne nous décrit pas d’abord la nature PUIS le poète, c’est le poète qui se sert de la nature pour décrire son paysage intérieur → l’angoisse devient un paysage romantique de tempête, avec déchainement des forces naturelles - les deux derniers vers nous mènent au résultat au passé composé « ont fait » : le constat, c’est la dévastation de la jeunesse, rendue par la métaphore filée des éléments météorologiques « tonnerre », « pluie », assimilés aux émotions intérieures qui ont disparu de l’énonciation = l’esprit et l’âme du poète sont devenues le paysage → l’esprit du poète est le jardin ; ses sentiments ou pensées sont « fruits vermeils » = contrepoint lumineux, coloré mais rendu fragile par l’adverbe « bien peu » → fragilité de la vie dans la désolation qui suit la jeunesse. Persistance mais rareté = métaphore des saisons continue, l’été est la saison des fruits mais il donne l’impression d’avoir été bien rapide, et les deux premières saisons n’occupent que 4 vers. →on constate aussi que ce sont des éléments extérieurs à lui-même l’ont envahi : impression d’avoir subi les tempêtes de l’intériorité = revisite le locus amoenus médiéval que représente le jardin, haut lieu de la poésie lyrique → le lyrisme totalement renouvelé car imaginaire baroque du saccage, de la dévastation, de la désolation // strophe très musicale, très « lyrique », pour dire la douleur des constats négatifs. Strophe 2 : le poète nous présente les conséquences de cette désolation de l’esprit du poète au sortir du printemps orageux et de l’été presque stérile → « voilà que j’ai touché l’automne des idées » = la métaphore de l’écrivain et de al création s’explicite, avec le lien entre « l’automne des idées » et ce qu’on peut imaginer être l’âge mûr du poète = l’automne est aussi le temps de la mise en dormance de la nature, en vue de renaissance au printemps Mais ici, on a plutôt l’impression de stérilité, d’impuissance à créer, comme la mort de quelque chose : impression que le temps a passé comme un éclair → l’image de l’écrivain va passer par la métaphore du jardinier, du laboureur, pour une strophe où l’angoisse disparaît un peu derrière l’image de l’effort, qui va vite devenir cauchemardesque. - cet effort est montré sous le signe du devoir, de quelque chose d’impératif qui s’impose à lui à l’impersonnel « il faut » = c’est la nécessité de refaire après le saccage, la désolation des orages de la jeunesse qui ont réduit le poète à néant. - la métaphore du travail du poète passe par des outils très concrets, pas du tout poétiques, « la pelle », « les rateaux », avec tout un travail sonore très audible sur cette deuxième strophe (cf. annexe) → il s’agit de refaire une unité, recommencer, renaitre, y croire, alors que les métaphores donnent l’impression de quelque chose qui échappe, qui est de la boue informe, qui a désassemblé les choses, l’intimité, l’intériorité « pour rassembler à neuf les terres inondées » = les terres inondées du cerveau, des sentiments du poète donnent des perspectives de noyade, d’enlisement, de sables mouvants contre lesquels les gestes nécessaires sont voués à être très laborieux, si ce n’est vains. - « l’eau » des orages, de la pluie, renvoie de façon métaphorique et plurielle à la souffrance, au désespoir. On n’est pas dans le « torrent de larmes », on est dans le marécage des douleurs où l’on s’embourbe, dont on a du mal à s’extraire. 1 Mystique : CNRTL Dans les domaines de la relig., de la philos. Relatif au mystère, à une croyance surnaturelle, sans support rationnel. Personne qui adhère à des croyances surnaturelles, qui possède une foi religieuse intuitive et p. ext. qui s'adonne à des pratiques de dévotion intense L’effort crée l’angoisse avec la comparaison des « trous » avec des « tombeaux » : l’angoisse de la mort rendue par ces images d’eaux stagnantes qui fascinent et happent → ainsi, son esprit est devenu une sorte de jardin transformé en cimetière inondé où chaque trou, chaque vide est un tombeau qui peut le happer, vers lequel il se penche → les efforts du poète jardinier pour combler ce qui ne peut l’être sont démesurés à imaginer. On a l’impression d’être dans un de ces cauchemars où le poète fossoyeur essaye de « rassembler à neuf » des terres qui s’échappent à chaque fois, ou qui se liquéfient pour lui montrer son impuissance. = faire de son cerveau d’homme mûr un nouveau terreau après tous les deuils, toutes les souffrances va s’avérer très compliqué. // travail sonore : rendre l’effort, le pesant, l’englué Dans la troisième strophe : le cauchemar physique se double d’interrogation sur l’inspiration et la qualité de ce qui se prépare à renaître, interrogations nourrissant l’angoisse du poète - par métaphore, la poésie devient une fleur qui prend racine dans le cerveau- jardin - le présent « je rêve » indique que l’inspiration est là, pas loin, les fleurs ne sont pas encore écloses, écrites, mais pas loin, elles sont possibles. Il y a une éventualité, fragile mais présente, et au pluriel, « les fleurs nouvelles que je rêve » = un espoir pour le poète créateur // « trouveront » est une interrogation au futur = l’éventualité est renforcée par le futur, le poète imagine que cela va avoir lieu Mais l’angoisse va prendre le dessus : - le uploads/Litterature/ explication-lineaire-l-ennemi 1 .pdf

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