Stéphane Encel Les Hébreux Nouvelle édition revue et augmentée Collection Mnémo

Stéphane Encel Les Hébreux Nouvelle édition revue et augmentée Collection Mnémosya Illustration de couverture : Synagogue de Doura Europos, La consécration du Tabernacle (détail) Mise en pages : Nord Compo © Armand Colin, 2009 et 2021 pour la présente édition Armand Colin est une marque de Dunod Editeur, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff ISBN : 978-2-200-629847 Du même auteur – L’antisémitisme en questions, Le Passeur, 2019 [réédition en livre de poche, sous le titre L’antisémitisme en cent questions, 2020] – Josué : premier conquérant de la Terre sainte, Tallandier, 2015. – Tuer pour Dieu : rapport à la violence et sa légitimité dans le judaïsme ancien, Geuthner, 2013. – Temple et temples dans le judaïsme antique, Honoré Champion, 2012. – Histoire et religions : l’impossible dialogue ?, L’Harmattan, 2006. Hommage et remerciements En hommage à Jean Bottéro, dont la lecture suscita en moi une soif de com- prendre inextinguible, et au tant regretté Joseph Mélèze Modrzejewski, qui m’a montré la voie d’une haute rigueur morale et professionnelle, et que j’au- rais eu plaisir à appeler Maître, comme lui le faisait de Raphael Taubenschlag. Sortir d’Égypte n’est pas le plus dur, encore faut-il trouver le chemin de sa Terre promise. Cette Histoire des Hébreux a été un projet particulièrement excitant – et je remercie les éditions Armand Colin de m’avoir constamment réitéré leur confiance pour le mener à bien, et Corinne Ergasse d’en avoir été le moteur irremplaçable – mais en même temps un défi dont on sait qu’il ne sera relevé qu’en partie. La réédition et l’actualisation complète de l’ouvrage sont une chance inestimable que je dois à Marie Lécrivain, que je remercie vivement. Aux présents et aux absents, à tous ceux qui ont consacré du temps à « cette science inutile », comme l’aurait dit avec malice Jean Bottéro, et ainsi balisé les chemins que j’aie empruntés, à ceux qui viennent nous rejoindre pour en défricher encore tant d’autres, je rends un hommage fraternel, et je reprends volontiers à mon compte cette dédicace d’Albert Levy et Georges Pinet, dans leur Dictionnaire de l’argot de l’X, pour le centième anniversaire de l’institution – en 1894 – : « À nos antiques, À nos cocons, À nos conscrits ». « Il y aurait, depuis l’Antiquité, un ‘défi juif’ qui exclut l’indifférence » Léon Poliakov « L’histoire d’avant-hier est la moins connue, celle d’hier la plus oublié » François Guizot Chronologie traditionnelle générale jusqu’à Alexandre Chronologie traditionnelle générale jusqu’à Alexandre Chronologie Archéologie Bible Phases historiques Chaleolithique récent Bronze Ancien Début de l’urbanisation Bronze Moyen Patriarches Cités-États indépendantes Bronze Récent Exode Conquête Domination égyptienne Juges Éthnogenèse période de formation Royaume uni Royaume divisé Israël-Juda Royaume divisé Domination assyrienne Exil Royaume néobabylonien période post-exilique Empire perse Égypte Archéologie Documents historiques côte hautes terres traditions bibliques documents extrabibliques Exode env. 1260 Arrivée en Canaan env. 1220 Merenptah citant Israël 1200 Merenptah 1224-1204 4 règnes courts Grande inscription de Ramsès III Ramsès III 1184-1153 Stèle Ramsès III à Lakish, Megiddo, Bet-Shéan 1150 Ramsès IV 1153-1146 Ramsès V 1146-1142 Ramsès VI 1142-1135 Ramsès VII 1135-1129 Ramsès VIII 1129-1127 Ramsès IX 1127-1109 1100 céramique monochrome (Myc. III C) env. 1200-1050 villages env. 1150 Ehud env. 1110 Deborah/ Baraq env. 1150 l’Égypte abandonne Timna env. 1140 Statue env. 1110 Les Araméens en Syrie Tiglat-Phalarar Ier en Phénicie env. 1060 Gédéon env. 1060 Ashur-bel-kala en Phénicie 1100 Ramsès XI 1099-1069 Smendes 1069-1043 env. 1050 Wen-Amoun 1050 Amenemnisu 1043- 1039 env. 1100-960 env. 1040 Abimélek céramique bicolore env. 1150-960 Psusennès 1039-991 (philistine) villages construits en 1000 Amenenope 991-984 Saül 1020-1010 Osochor 984-978 Siamoon 978-959 David 1010-970 950 Psusennès II 959-945 Shéshonq 945-924 env. 960-925 transition Fer I-Fer II Salomon 970- 930 925 invasion de Shéshong env. 950 début voie caravanière sudarabique jusqu’à Khindanu Stèle Shéshonq à Magiddo Prologue La fascination pour l’univers biblique est fort ancienne, même si l’égyptoma- nie – impulsée par l’expédition de Bonaparte et le déchiffrage des hiéroglyphes par Champollion – a semblé un temps l’éclipser. Cet engouement certain et croissant est depuis plusieurs années tourné vers la Science, et ce qu’elle peut révéler des mystères du Livre autrefois réservé aux hommes de foi. Un large public, transcendant les sensibilités religieuses, se tient désormais informé des découvertes archéologiques et des hypothèses en constantes évo- lutions concernant la Bible et son milieu de formation et d’écriture. Alors que l’ancienne chaire d’hébreu du Collège de France a été rebaptisée « Milieux bibliques », et tenue avec brio par Thomas Römer, il n’est pas jusqu’aux revues scientifiques, littéraires ou historiques qui n’aient consacré récemment un article ou leur Une à ce sujet ; la presse généraliste a pris le relais, et des ouvrages d’archéologie ou d’histoire ont été des succès de librairie : autant de signes d’une véritable attente de compréhension de ce passé lointain, et qui pourtant semble nous concerner encore aujourd’hui. Car si l’héritage chré- tien de l’Europe – et des États-Unis – ne fait aucun doute, le socle de cette civilisation dite occidentale est bien la Bible, d’où ont été puisés les grands principes politiques et/ou religieux – le sacre étant certainement l’institution la plus emblématique – qui ont façonné notre histoire. Sa compréhension est la compréhension de nos sociétés, ses grandes thématiques des échos de nos propres réflexions : Comment se construit une tradition ? Quels furent les liens entre le sacerdoce et le pouvoir politique ? Qu’est-ce que le prophé- tisme ? Son message est-il universel ? Quel fut le rapport à la guerre et la violence ? Qu’est-ce qu’une diaspora ? Comment conserver une identité forte et s’enrichir en même temps des autres cultures ? Si les sciences humaines n’ont jamais été autant sollicitées, les acteurs de la recherche biblique ne se contentent plus, depuis plusieurs décennies, de suivre respectueusement le récit de l’Écriture, lui accordant un a priori d’historicité, mais n’hésitent pas à remettre en question un grand nombre d’éléments auparavant considérés comme acquis ou inspirés, quitte à aller 8 Les Hébreux jusqu’à mythifier l’ensemble des récits. Les méthodes scientifiques les plus poussées côtoient aujourd’hui les luttes d’influence, les passions politiques ou idéologiques. L’étude de la Bible est plus que jamais un véritable chantier, mais ouvert au public. Cet intérêt pour la Bible entraîne cependant une confusion entre le Livre, véritable bibliothèque éclectique, et la civilisation d’où elle est née et qui l’a produite. Celle-ci fait trop souvent l’objet d’approximations, d’omissions ou d’erreurs, en raison d’une mauvaise lecture du texte sacré des Juifs. Or c’est l’histoire ancienne de ce peuple que nous allons tenter d’appréhender, et les textes bibliques, dûment exploités, nous permettront d’accéder à une meilleure compréhension de ce long parcours. Qui étaient ces Hébreux au dieu si particulier, qui émergèrent aux côtés des Cananéens ? Ces Israélites qui s’unirent sous la bannière d’une divinité nationale, ces Juifs qui construi- sirent une identité complexe, en lien indéfectible à une terre, et en même temps capables de la transcender ? On s’étonnera peut-être d’une nouvelle Histoire des Hébreux, et sa réé- dition actualisée. N’en existe-t-il pas déjà une multitude ? S’il y a bien sûr des manuels précieux, le paradoxe est que, pour des lecteurs francophones, il manquait une étude récente chronologiquement étendue qui dépasse le simple survol ou l’esquisse, et qui s’adresse à un public intéressé, et non aux seuls spécialistes. Deux motivations importantes – qu’il faut tout de même expliquer – ont été écartées pour la rédaction de cet ouvrage : Une longue tradition, en milieu chrétien, qui a trouvé son point d’orgue avec l’Histoire du peuple d’Israël de Renan, n’a traité cette question que dans l’optique d’éclairer l’apport de Jésus au monde, et de le rattacher aux Prophètes d’Israël. Ainsi, selon Renan, « le christianisme est l’aboutissement, et, […] le but, la cause finale du judaïsme. Le christianisme une fois produit, le judaïsme se continue encore, mais comme un tronc desséché, à côté de la seule branche féconde […] Le christianisme est le chef-d’œuvre du judaïsme, sa gloire, le résumé de son évolution ». Ce n’est donc pas considérer l’importance du judaïsme pour ce qu’il est, mais lui appliquer une image théologique, lui conférer une mission ou un rôle, ce qui est déjà une dénégation de son identité. Si une évolution, voire une rupture, s’est heureusement opérée avec le concile Vatican II (1963-1965) qui a reconnu la place et l’importance du judaïsme en tant que tel, ces présup- posés n’ont pourtant pas totalement disparu, et quelques manuels scolaires 9 Prologue du programme de 6e incluent toujours le judaïsme dans le chapitre « christia- nisme », ce qui ne peut qu’induire de grandes confusions. À l’opposé, il ne s’agit pas d’une histoire antiquaire, selon la classification de Nietzsche. Une étude qui n’aurait d’autre objectif que le simple intérêt « archéologique » de déterrer ou d’assurer des « funérailles décentes » à une ancienne civilisation confinerait à une froide et vaine autopsie. Notre constante préoccupation est de dégager de cette histoire des apports pour la compréhension des mécanismes contemporains ; et c’est en cela que l’histoire joue son rôle social, et se uploads/Litterature/ feuilletage-2170.pdf

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