Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient Bernard Sergent : Genèse de l'In

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient Bernard Sergent : Genèse de l'Inde Gérard Fussman Citer ce document / Cite this document : Fussman Gérard. Bernard Sergent : Genèse de l'Inde. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 85, 1998. pp. 476-485; doi : 10.3406/befeo.1998.2580 http://www.persee.fr/doc/befeo_0336-1519_1998_num_85_1_2580 Document généré le 29/06/2017 476 BEFEO 85 (1998) védiques et brahmaniques pouvant expliquer l'iconographie des images hindoues les plus anciennement connues avec des aperçus très pénétrants sur le symbolisme des nombres, sur la relation existant entre Rudra et Šiva, sur l'importance du concept de Purusa, etc. Vient ensuite un excellent catalogue commenté des représentations. Il ne s'agit pas d'un simple répertoire d'images. Celles-ci sont classées, religieusement et géographiquement, très finement décrites, bien commentées, souvent redatées et mises en rapport les unes avec les autres. Mme Srinivasan montre de façon tout à fait convaincante qu'il ne faut pas chercher l'explication des images à têtes et paires de bras multiples dans un lointain héritage harappéen. Il s'agit d'un héritage védique dont elle retrouve les traces, à chaque fois modifiées, dans les Bràhmana, les Upanisad, l'Épopée et les Âgama. Il y a là non seulement une histoire des formes, mais aussi une histoire du culte et des concepts s 'appuyant sur une connaissance des objets et de la bibliographie véritablement exceptionnelle '. Le lecteur choisira donc soit d'expliquer les formes à partir des textes, comme le fait Mme Srinivasan, soit d'accentuer le décalage parfois perceptible entre textes et formes pour définir et dater, grâce à des images qui furent et sont parfois encore des objets de culte, des conceptions religieuses que l'idéologie brahmanique fait explicitement siennes à partir des Puràna seulement. Il est désormais impensable de parler d'hindouisme ancien sans consulter ce livre. Traitant apparemment d'iconographie, Many Heads, Arms and Eyes est surtout et peut-être d'abord un très beau livre d'histoire de l'art et d'histoire des religions, magnifiquement pensé et magnifiquement écrit. Gérard FUSSMAN Bernard SERGENT, Genèse de l'Inde, Paris, Payot, Bibliothèque scientifique, 1997, 584 p. Le compte rendu qui va suivre pourra paraître un peu long. Mais le livre de M. Sergent est lui-même long, touche à de nombreux sujets et traite de plus de dix mille années d'histoire du sous-continent indien sans s'interdire les échappées vers l'Afrique, l'Indochine et surtout l'Asie centrale et le Proche-Orient. Je ne crois pas qu'il fasse date. Je pense même qu'il sera vite oublié. Mais l'ample vision de son auteur, son courage, son incontestable érudition, en font un livre dont on ne peut rendre compte en quelques lignes. Le danger est en effet que le lecteur non spécialiste (et ce livre aborde tant de points divers que nous sommes tous, à certains moments, des non-spécialistes), impressionné par tant d'assurance et de science dont il ne peut déceler ni les lacunes ni les approximations, ne croie les problèmes résolus. Au moins dispose-t-il d'un point de comparaison, le compte rendu du séminaire que j'ai consacré à ce même sujet en 1988-1989 et qui est, de l'aveu même de M. Sergent (p. 152), en partie à l'origine de son livre 2. Il y verra qu'abordant des questions fort complexes, j'avais pris soin de m'entourer de spécialistes et que j'étais resté fort prudent dans mes formulations. M. Sergent ne s'est pas entouré de tant de précautions. Pourtant, résumées en quelques lignes, les thèses de son livre n'ont rien de très révolutionnaire ni de très choquant. L'Inde a été peuplée de populations de langue dravidienne 1. J'ajouterais cependant quelques titres à cette très belle bibliographie de onze pages à typographie serrée : la publication définitive de Surkh Kotal (Schlumberger-Le Berre-Fussman, Surkh Kotal en Bactriane, Paris 1983), à laquelle il convient de renvoyer plutôt qu'à mon article de Mathurâ, the Cultural Heritage, et surtout D. Schlumberger, « Coiffures féminines similaires à Rome et dans l'Inde », Mélanges Piganiol, Paris 1966, p. 587-595, paru en anglais sous le titre de « The Didarganj Chauri-Bearer, A View-Point », Lalit Kalà, 23, 1988, 9-14, qui aurait dû être cité p. 304 note 1. 2. « L'entrée des Àryas en Inde », Annuaire du Collège de France 1988-1989, p. 514-530. Il s'agit d'un séminaire et non d'un « colloque » comme indiqué par M. Sergent, qui est coutumier de pareilles approximations, souvent plus graves. Le lecteur un peu au fait de la transcription des langues orientales en verra de fort étonnantes dans le tableau de la convention « internationalisée » {sic) des pages 12-13. BEFEO 85 (1998) Comptes rendus All originaires d'Afrique et de langue munda originaires d'Asie orientale. La civilisation harappéenne est le résultat endogène d'une culture d'origine proche-orientale attestée dès le huitième millénaire av. J.-C. au Balouchistan (Mehrgarh). Elle était en contact avec des populations de langue dravidienne dont la culture matérielle était très inférieure. Son écroulement vers 1800 av. J.-C. est le résultat direct ou indirect de la pénétration dans le sous- continent d'envahisseurs de langue et religion indo-aryennes, identifiés par M. Sergent avec les populations dont on a récemment retrouvé la civilisation en Bactriane-Margiane. Ces Indo- Aryens amènent avec eux une langue, des croyances et une culture d'origine indo-européenne qui se combinent à un substrat linguistique et culturel austro-asiatique et dravidien pour former la civilisation que nous appelons indienne. Telle est la genèse de l'Inde, et même de la « nation » (sic, entre guillemets, p. 397) indienne. Si l'on s'en tient à ce résumé, la seule véritable nouveauté de l'ouvrage est l'attribution aux proto-Indo-Aryens de la civilisation de Bactriane-Margiane, que je contesterai tout à l'heure. Pour le reste il s'agit d'hypothèses au moins vraisemblables et l'on peut seulement reprocher à M. Sergent d'oublier parfois que type anthropologique, langue et civilisation ne sont pas des réalités qui se superposent. Entre un universitaire noir américain et un chef de guerre du Liberia il y a peu de choses en commun bien que tous deux soient noirs de peau et parlent la même langue indo-européenne. Ce petit rappel pour dire que l'origine lointainement proche-orientale de la civilisation harappéenne, rendue très probable par les travaux de M. Jarrige, n'exclut pas a priori que la population locale ait été aussi de langue dravidienne ou ait été plus hétérogène encore. On pourrait aussi s'interroger sur le titre Genèse de l'Inde. Intitulerait-on Genèse de la Grèce un livre se terminant à l'arrivée des Achéens ? Si je m'en tenais à ce résumé et à cette critique, M. Sergent s'indignerait sans doute, et il aurait raison, qu'on expédie ainsi un livre d'une aussi haute ambition. On me permettra donc de reproduire le prière d'insérer que l'on trouve en quatrième page de couverture. Il me paraît fidèle à la pensée de l'auteur. « Ce livre étudie l'origine des populations de l'Inde actuelle... à partir des documentations anthropologique, génétique, linguistique, archéologique, mythologique. Il examine la première grande civilisation de l'Inde, la civilisation de l'Indus, son origine et ce qu'elle a laissé à la civilisation indienne ultérieure. La partie la plus innovante concerne l'apport des découvertes archéologiques récentes en Asie centrale, qui a permis une approche nouvelle et décisive quant à l'origine des Indo-Ârya : issus de Bactriane (en Afghanistan du Nord), si ceux-ci ont échoué à l'est (au Proche-Orient) x au IIe millénaire avant notre ère, ils ont formidablement réussi à l'est, donnant naissance, en quelques siècles, à l'Inde historique. L'apport de ces Indo-Ârya, lointainement venus d'Europe, à la civilisation de l'Inde, est évalué sous les points de vue de la mythologie, des fêtes et rituels, de l'astronomie, de la médecine, des noms propres. Mais on scrute également l'apport d'une mythologie et de traits culturels d'origine est-asiatique, et la synthèse qui s'est faite progressivement pour aboutir à l'hindouisme moderne ». L'érudition de M. Sergent est véritablement éblouissante. Il a énormément lu, il a énormément retenu et ses déffionstrâtîons~s^âppuient sur une avalanche d'arguments et de références devant lesquels on se sent obligé de rendre les armes. Malheureusement il suffit qu'on perçoive une faille dans cette science pour que l'on se demande s'il n'en est pas partout ainsi, même dans les domaines dont on s'avoue incapable de juger, faute de compétences. J'avoue mon incompétence en anthropologie physique et en génétique, je ne connais ni les langues dravidiennes ni les langues mundas. Je n'oserai donc m'aventurer en ces domaines bien que certaines affirmations de M. Sergent me laissent songeur. Mais je puis affirmer que pour les domaines que je connais, son étonnante érudition est trop souvent approximative et souvent dépassée. Voici quelques exemples, que je pourrais très facilement multiplier. « L'afghan... descend de la langue d'un peuple antique de la Bactriane, les Parsioi (origine du mot pastô). Malgré son nom et le fait qu'il soit langue officielle de l'Afghanistan, il est 1. sic. Lire : à l'ouest (de l'Asie centrale). Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient 478 BEFEO 85 (1998) parlé par moins d'un tiers des Afghans ; les villes parlent surtout persan. Il est répandu principalement dans les zones montagneuses de l'est du pays et déborde sur le Pakistan. Des innombrables langues iraniennes du Pamir, qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer, l'une, le yagnâbî, est l'unique survivant d'un parler sogdien ; uploads/Litterature/ fussman-compte-rendu-sergent-genese-inde-befeo.pdf

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