Gérard Fussman Documents épigraphiques kouchans (V). Buddha et Bodhisattva dans

Gérard Fussman Documents épigraphiques kouchans (V). Buddha et Bodhisattva dans l'art de Mathura : deux Bodhisattvas inscrits de l'an 4 et l'an 8 In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 77, 1988. pp. 5-26. Citer ce document / Cite this document : Fussman Gérard. Documents épigraphiques kouchans (V). Buddha et Bodhisattva dans l'art de Mathura : deux Bodhisattvas inscrits de l'an 4 et l'an 8. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 77, 1988. pp. 5-26. doi : 10.3406/befeo.1988.1739 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1988_num_77_1_1739 DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES KOUCHANS (V) BUDDHA ET BODfflSATTVA DANS L'ART DE MATHURA : DEUX BODHISATTVAS INSCRITS DE L'AN 4 ET L'AN 8 PAR Gérard FUSSMAN En février 1988, le Dr Russek de Zurich eut la très grande amabilité de me faire parvenir un jeu de photographies représentant un Buddha assis de Mathurâ qu'il venait d'acheter à un antiquaire européen. Le socle de la statue portait une inscription dont M. Russek m'envoyait la traduction, fournie par l'antiquaire et provenant apparemment du Musée de Berlin. Je contactais aussitôt mon collègue le Professeur Hàrtel, ancien directeur du Museum fur Indische Kunst de Berlin, pour lui demander s'il avait l'intention de publier l'inscription. Il me répondit aussitôt que tel était en effet le cas, que son article était terminé depuis le 7 décembre 1987 et qu'il paraîtrait dans les Mélanges Douglas Barrett. Il avait surtout la très grande courtoisie de m'envoyer le manuscrit de son article. Je pense néanmoins qu'il n'est pas tout à fait inutile que je publie à nouveau l'inscription du Buddha Russek. J'ai eu sur le Professeur Hârtel l'avantage de pouvoir examiner la pierre, ce qui m'amène à proposer — sur des points en général mineurs, mais qui m'importent (voyelles, par exemple) - — des lectures autres que les siennes. Mon commentaire n'a pas exactement les mêmes visées que le sien : je m'intéresse moins aux problèmes d'iconographie et d'histoire de l'art, plus aux problèmes d'histoire religieuse et surtout de linguistique. Sur ce dernier point, l'inscription du Buddha Russek apporte des nouveautés intéressantes, qui le deviennent encore davantage lorsqu'on met en parallèle le texte très moyen-indien du Buddha Russek avec le texte très sanskritisé gravé sur le socle d'un Buddha assis daté de l'an 4, conservé au Kimbell Art Museum de Fort Worth, USA. Celui-ci était encore inédit quand j'ai rédigé cet article1. Le Kimbell Art Museum a bien voulu me faire parvenir une très belle photographie de l'inscription et m'autoriser à la reproduire (PL II). (1) Son existence, connue des spécialistes, est signalée p. 227, n° 7, dans Stanislas J. Czuma, with the assistance of Rekha Morris, Kushan Sculpture : Images from Early India, Cleveland Museum of Art, 1985. Le Professeur Hàrtel a donné une lecture préliminaire de l'inscription, destinée au catalogue du Musée. Je l'ai vue après rédaction de cet article. GERARD FUSSMAN A. Buddha de l'an 4, Kimbell Art Museum Statue-stèle d'un Buddha assis de type kapardin. Grès rose-beige de Mathurâ. Incomplète en haut : il manque la moitié supérieure de l'auréole, les deux personnages volant au-dessus du Buddha et la mèche de cheveux nouée au sommet du crâne. Buddha assis jambes croisées, le poing gauche fermé posant sur le genou gauche, la main droite levée et à demi tournée vers l'intérieur (vyàvrtta-). La paume droite est ornée d'une roue. L'épaule droite est découverte. De chaque côté du Buddha, sur un fond de feuilles de pipai, un porteur de chasse-mouches; les deux porteurs sont de facture apparemment identique. Le socle est décoré d'une scène en bas-relief, placée en retrait entre deux bandeaux plats sur lesquels est gravée l'inscription. La scène représente une roue, placée de profil sur une colonne, encadrée par deux hommes de face portant (en fait, fort probablement, jetant) des fleurs. Les deux hommes sont d'apparence identique ; seules les fleurs diffèrent. Dans les angles, deux lions ailés de profil, dressés sur leurs pattes arrière et tournés vers l'extérieur. L'inscription comporte une ligne en haut, deux au bas. Elle est très clairement gravée et peut être lue sur photographies (PI. II). 1 Mahàrâjasya Kâniskasya sam 4 varsà 3 di 20 -\- 6 bhiksusya Bodhisenasya sadhyevihârisya bhadattasya Dharmanadisya 2 Bodhisalvo pratisthupilo svakâyam cetiyákuteyam sahá mátápitahi sahá pitasikàye Bhadrâye 3 sahá sarvasalvehi. «En l'an 4 du roi Kaniska, au 3e mois des pluies, au 26e jour, le vénérable Dharmanandin, disciple du moine Bodhisena, établit <ce> bodhisattva dans son propre sanctuaire. Avec son père et sa mère, avec sa (tante paternelle?) Bhadrà, avec tous les êtres.» M. Hârtel donne la même lecture (sauf °namdisya et cetiyam) et la même traduction. B. Buddha de l'an 8, collection Russek (Zurich) Buddha assis en grès rose de Mathurà, avec une large tache beige au dos. Hauteur : 72 cm ; largeur : 69 cm ; épaisseur : 18 cm. Cassé en haut, à hauteur du cou du Buddha (la tête et l'auréole manquent) et à droite (pour le spectateur : le bras gauche du Buddha manque). Buddha assis de type kapardin. Le poing gauche fermé pose sur le genou gauche. La main droite est levée et à demi tournée vers l'intérieur (vyàvrtta-). L'épaule droite est découverte. A droite du Buddha, restes décapités d'un porteur de chasse-mouches. Le porteur de gauche a disparu. L'arrière de la stèle est sculpté et représente l'arrière du pipai sous lequel est assis le Buddha. Un petit écureuil grimpe à l'arbre (PI. III-V). Le socle est décoré de trois lions : au centre, un lion assis de face ; sur chaque côté, un lion assis de profil, tourné vers l'extérieur. L'inscription est gravée en cinq lignes. La ligne supérieure et la ligne inférieure sont gravées sur les bandeaux plats entre lesquels sont assis les lions. Les lignes 3, 4 et 5 sont gravées dans l'espace laissé libre entre les lions et sont interrompues en leur centre par le lion de face. La DOCUMENTS EPIGRAPHIQUES KOUCHANS 7 lecture ne présente pas de difficultés, sauf lorsque la pierre est abîmée. La lecture a été faite sur la pierre elle-même. 1 ' [Mahajrajasya Kàniksasya savucharâ 8 etaye purvaya bhikhasa Sihakasa sajhivifhâj- 2 -renà [BJudharakhutuna Bhagava to Šakamunisya âsàne Bo- 3 -dhisàio patiihapito saha matâpitehi 4 saha upa -jhavena 5 saha sarvasalehi saha sabamacarehi àjariyàna mahasafghikâjna parigahe. «En l'an 8 du roi Kaniska, à ce moment, Buddharaksita, disciple du moine Simhaka, établit <ce> bodhisattva < assis > sur le siège du bienheureux Sâkyamuni. Avec son père et sa mère, avec son maître, avec tous les êtres, avec ceux qui mènent une vie de continence. Confié aux maîtres Mahâsâmghika.» Problèmes de lecture La lecture de l'inscription A me paraît en tous points assurée. Ligne 1, la transcription bhadatta-, qui fait plus loin l'objet d'un commentaire linguistique, est assurée par la forme du na à barre horizontale de 'senasya ( X ). La lecture de l'inscription В est plus délicate. Quelques aksara sont endom magés, mais les restitutions sont sûres. La distinction entre les voyelles e et i est parfois difficile à faire. Le i est normalement beaucoup plus incurvé que le e, mais il y a deux mots au moins sur la transcription desquels on peut hésiter. Je ne suis pas sûr que ligne 1 il faille lire sajhivifhájra- plutôt que sajhé3, ni que ligne 3 pitehi soit paléographiquement préférable à pitihi. Les à sont faiblement marqués et ma copie, faite d'après la pierre, indique parfois a là où la photographie, prise avec un fort éclairage exagérant les ombres, montre п. Je lis ainsi ligne 1 savàcharâ (photo : sâvâchara), ligne 4 upajhavena (photo : °jhavenà), mais ligne 1 Kàniksa- (photo : Ka-) et ligne 5 'saghikàna d'après la photo (copie : -kana). En bas à gauche du ba de bamacarehi, la pierre est endommagée et la photo donne l'illusion d'une ligature dont je puis assurer qu'elle n'existe pas. Étude paléographique L'inscription A de l'an 4 n'appelle pas de commentaire spécifique. La forme des ya souscrits, avec leur très longue barre verticale, est généralement considérée comme kouchane tardive2, mais du moins la date «kouchane» n'a-t-elle jamais été mise en cause. On a même pu écrire, avec raison me semble-t-il, que le ya souscrit, sauf lorsqu'il est en trois parties : \j, , ne peut être utilisé comme critère paléographique de datation3. On le voit ici attesté relativement tôt, dès l'an 4 de Kaniska. Par le mélange de formes qu'elle présente, l'inscription В est un délice pour le paléographe. C'est pour moi l'occasion de rappeler ce qu'après d'autres exemples du (2) Dani 1963, PI. VIII b, 5. (3) Sander 1968, 72-74. 8 GERARD FUSSMAN même genre j'écrivais en 1980 : «lorsque la date proposée pour une inscription dépend uniquement d'indications paléographiques, cette date est d'autant plus approximative que le texte de l'inscription est plus court»4. Il y a ainsi deux formes de ra frajasya, mais °rakhuiàna, âjariyàna, parigahe) et surtout deux formes de ma : X et 2J . A l'époque kouchane ma s'écrit normalement X . Mais une tendance à l'ouverture de la partie supérieure du signe se fait jour : X > i-f > U et l'on trouve, à Mathurà même, des exemples uploads/Litterature/ fussman-g-documents-epigraphiques-kouchans-v-1988-befeo.pdf

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