Bismarck contre Richelieu : un combat inégal... A ma droite, le Bismarck, nec p

Bismarck contre Richelieu : un combat inégal... A ma droite, le Bismarck, nec plus ultra des productions du IIIe Reich, terreur des mers souvent présenté comme le cuirassé le plus puissant jamais sorti d'Europe. A ma gauche, le Richelieu, belle et courageuse tentative française de tenir son rang naval. Mais l'outsider supposé l'est-il vraiment ? Bismarck contre Richelieu ? 16 à 4. S'il s'agit du choix de maquettes disponibles, pas de doute, le premier l'emporte facilement. La surcote accordée aux armes allemandes y est, comme toujours, pour quelque chose. Mais ce qui attire les modélistes vers le Bismarck est surtout la dramatique histoire de son unique sortie dans l'Atlantique, du 18 au mai 1941 : la destruction du Hood (ZOOM) le 24 après huit minutes de combat, le torpillage du cuirassé allemand par un avion Swordfish de l'Ark Royal le 26 qui le rend impotent (lire G&H n°31) et sa destruction (payée de la mort de 2200 de ses marins) le lendemain par une escadre de la Navy. Cette extraordinaire épopée, où le Bismarck affronte, en plus du Hood, trois cuirassés britanniques, continue de générer une abondante production, littéraire ou autres : tapez « Battleship Bismarck » dans amazon.com, et vous obtenez 362 références. Contre 21 au Richelieu. C'est vrai, l'épopée guerrière du cuirassé français peut sembler pâle en comparaison. Elle est pourtant loin d'être vierge. Échappé de Brest le 18 juin 1940 vers Dakar juste avant l'arrivée de la Wehrmacht, le bateau, considéré à Londres comme une menace après l'armistice, est cloué à Dakar par un Swordfish le 7 juillet (lire G&H 30). Le 23 septembre, le Richelieu contribue à repousser l'escadre anglo-gaulliste venue débarquer au Sénégal (voir encadré). Remis en état et complètement rééquipé aux États-Unis en 1943, le Richelieu bombarde des bases japonaises en Insulinde en juillet 1944 et avril-mai 1945. En novembre, le cuirassé appuie enfin de ses canons la reprise de Nhatrang au Vietminh. Le temps des combats est terminé. Retiré du service en 1956, le navire est ferraillé en 1968, sans jamais avoir perdu un marin au combat. La Royal Navy, voilà l'ennemi ! Si donc Bismarck et Richelieu ont (ironiquement) combattu le même ennemi, leur existence a été bien différente : brève, intense et tragique pour le premier, périlleuse au début puis longue et sans dommages pour le second. Jamais les deux navires n'ont été en mesure de s'affronter. Qu'aurait donc donné un duel entre ces deux monstres ? Les auteurs de l'uchronie Et si la France avait continué la guerre... (voir En savoir plus) n'ont pas manqué d'étudier ce cas d'école. Dans ce combat fictif, simulé selon des règles classiques de wargame naval, le Richelieu remplace le Prince of Wales (ZOOM), compagnon du Hood lors de la fatale rencontre du 24 mai 1941. Si ce dernier est très vite détruit – respect de la réalité historique oblige - le vainqueur est… Le Richelieu. En à peine plus d'une heure ! Matraqué par les obus de 380 mm, criblé d'obus plus légers et de torpilles tirés par les trois croiseurs et les six destroyers de l'escadre franco-britanniques, le Bismarck et son tandem historique, le croiseur lourd Prinz Eugen, coulent à la suite d'un combat à sens unique, naturellement applaudi par le Général de Gaulle. Les simulateurs français n'ont-ils pu s'empêcher de manipuler les dés ? « Bien au contraire, se défend Jacques Sapir, économiste et historien en charge de la reconstitution. A l'issue de notre premier jeu, le Bismarck était hors de combat en 20 minutes ! Ce qui risquait évidemment de compromettre la crédibilité du livre. Nous avons donc rejoué, en rajoutant une malfonction d'une des tourelles de 380 mm quadruples du Richelieu suite à un impact, vraisemblable au vu des contraintes que leur poids énorme (environ 2 500 t NDLR) exerce sur les roulements. Mais même privé de la moitié de son armement, le Richelieu s'en tire quand même, en se calant simplement dans sa zone immune (voir explication en diagramme), alors que le Bismarck n'en a pas. » Certes, l'artillerie de 203 mm des croiseurs jouent dans le livre un rôle plus important que dans le combat historique. « S'ils ne percent pas la cuirasse du Bismarck, les obus ravagent en revanche tout ce qui est vulnérable, les équipements de conduite de tir en particulier, reprend Jacques Sapir. Cette méthode, appelée « soft kill » par les Américains, a démontré dans le Pacifique son efficacité pour mettre hors de combat un cuirassé. Elle n'aurait pas suffi pour couler le Bismarck mais on peut parier que Hitler l'aurait fait saborder afin qu'ils ne tombe pas entre les mains ennemies. » Reste que le gros du travail – faire taire les 4 tourelles doubles du Bismarck - est accompli par le Richelieu. Un troisième jeu confirme enfin le verdict des deux premiers. Bien qu'il déplace 4 700 t de plus que son adversaire, l'Allemand ne fait pas le poids. Surprenant ? En fait, pas tant que cela. Un poids plus lourd que l'autre Richelieu et Bismarck sont de même génération : ils sont respectivement commandés le 24 juillet 1934 et le 16 novembre 1935 pour embarquer 8 canons de 380 mm. Pourtant, les optio ns prises sont radicalement différentes. Pour des raisons budgétaires, mais en vertu des restrictions imposées par le traité naval de Washington (ZOOM), le déplacement standard du Richelieu est limité à 35 000 t (le navire terminé atteindra 37 232 t). L'Allemagne, qui a dénoncé en mars 1935 les clauses du traité de Versailles interdisant de réarmer et signé le 18 juin 1935 un accord naval avec Londres (ZOOM), n'est limitée en pratique que les dimensions des écluses du canal de Kiel et du port de Wilhelmshaven, de sorte que le navire terminé déplacera 41 700 t standard. Mais les dimensions et le tonnage ne sont pas tout : l'expérience est également importante pour la conception. Or, les Français jouissent d'un sérieux avantage. Ils profitent en effet des études réalisées pour le Dunkerque, commandé en 1931 et dont le Richelieu n'est en fait qu'une version agrandie, mieux protégée et armée. Les deux navires concentrent ainsi leur armement principal en deux tourelles quadruples placées à l'avant. « La raison de ce choix unique à la Marine Nationale est d'obtenir une citadelle (l'enveloppe renforcée destinée à protéger les organes vitaux NDLR) plus réduite, ce qui permet d'en renforcer le blindage sans augmentation de poids, explique Jon Parshall, historien naval américain et coordinateur d'un remarquable comparatif sur les cuirassés de la Seconde Guerre (voir en savoir plus). L'animal est donc très bien protégé, mais, tout navire étant un compromis, en sacrifiant la dispersion de l'armement : si une cloison blindée sépare la tourelle en deux, de sorte qu'un obus ne puisse neutraliser plus de deux canons, un coup heureux peut bloquer le mécanisme de rotation (c'est le cas d'école repris dans le « what if » de Jacques Sapir). » Bien armé, marin, rapide, le Richelieu (voir page suivante) aurait certainement bénéficié en 1941, s'il était resté dans le camp gaulliste, d'une excellente direction de tir radar britannique (il en sera équipé dans les faits en décembre 1943). Mais il n'est pas, bien sûr, exempt de défauts. Comme tous les navires français, il souffre d'une DCA insuffisante. En outre, les obus de 380 mm sont mal conçus : leur culot est fragilisé par des alvéoles prévues pour emporter des gaz de combat, curieuse idée héritée de la Grande Guerre qui conduisent à la destruction de trois pièces à Dakar… En outre, on constate également que la dispersion des salves (dont dépend la précision de l'armement) est excessive, les obus interférant entre eux lors du tir. Ce défaut (dont souffre d'ailleurs le Dunkerque) est du à la grande proximité des canons dans l'affût quadruple. Historiquement, on y remédiera seulement en 1948, en retardant le tir des pièces extérieures de 60 millisecondes : la dispersion sera alors divisée par trois. Défaut de la cuirasse Les défauts du Richelieu n'ont cependant rien de rédhibitoire : ils auraient du être constatés et corrigés lors d'essais dont le navire, forcé de s'échapper en cours de finition en juin 1940, a été privé. Le Dunkerque, son frère Strasbourg et le Richelieu justifient l'admiration de la Royal Navy… et son acharnement à les détruire en juillet 1940. Si les cuirassés n'ont plus guère de raison d'être en 1941, il s'agit de navires ultramodernes. Le Bismarck, lui, en dépit de ses fières apparences et de la crainte qu'il inspire à Londres, n'est pas aussi abouti. Le traité de Versailles ayant exclu les grands cuirassés, les ingénieurs allemands sont pris de cours au printemps 1934 quand la Kriegsmarine leur demande un projet. « Ils vont donc reprendre en partie pour les moderniser les plans du Bayern, le cuirassé le plus abouti qu'ils ont conçu pendant la Première Guerre, raconte l'historien britannique Iain Ballantyne, auteur de plusieurs ouvrages sur la fin du Bismarck. Tout le problème est que ce navire n'a pas combattu lors de la grande bataille du Jutland (ZOOM) en uploads/Litterature/ g-amp-h-36-richelieu-contre-bismarck-pg.pdf

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