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Commentaire (entraînement à l’écrit) Extrait de Petit Pays de Gaël Faye (2016)

Commentaire (entraînement à l’écrit) Extrait de Petit Pays de Gaël Faye (2016) Comme l’auteur, le narrateur-personnage Gabriel vit une « drôle d’enfance » au Burundi au moment de la préparation du génocide rwandais. Le passage se situe après le coup d’état d’octobre 1993 et l’assassinat du président de la république. Cet assassinat va entraîner des massacres inter-ethniques. Un climat de peur s’installe sur la ville. Gabriel trouve alors refuge auprès d’une voisine vivant dans son impasse, Mme Economopoulos. Un après-midi, j’ai croisé par hasard Mme Economopoulos devant sa haie de bougainvilliers. On a échangé quelques mots sur la saison des pluies et le beau temps, puis elle m’a invité à entrer dans sa maison pour m’offrir un jus de barbadine. Dans son grand salon, mon regard a tout de suite été attiré par la bibliothèque lambrissée qui couvrait entièrement un des murs de la pièce. Je n’avais jamais vu autant de livres en un seul lieu. Du sol au plafond. - Vous avez lu tous ces livres ? j’ai demandé. - Oui. Certains plusieurs fois, même. Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleurer, douter, réfléchir. Ils me permettent de m’échapper. Ils m’ont changée, ont fait de moi une autre personne. - Un livre peut nous changer ? - Bien sûr un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres. Ce sont des génies endormis. Mes doigts couraient sur les rayonnages, caressaient les couvertures, leurs textures si différentes les unes des autres. J’énonçais en silence les titres que je lisais. Mme Economopoulos m’observait sans rien dire, mais alors que je m’attardais particulièrement sur un livre, intrigué par le titre, elle m’a encouragé. - Prends-le, je suis sûre qu’il te plaira. Ce soir-là, avant d’aller au lit, j’ai emprunté une lampe torche dans un des tiroirs du secrétaire de Papa. Sous les draps, j’ai commencé à lire le roman, l’histoire d’un vieux pêcheur, d’un petit garçon, d’un gros poisson, d’une bande de requins… Au fil de la lecture, mon lit se transformait en bateau, j’entendais le clapotis des vagues taper contre le bord du matelas, je sentais l’air du large et le vent pousser la voile de mes draps. Le lendemain, j’ai rapporté le livre à Mme Economopoulos. - Tu l’as déjà terminé ? Bravo Gabriel ! Je vais t’en prêter un autre. La nuit d’après, j’entendais le bruit des fers qui se croisent, le galop des chevaux, le froissement des capes de chevaliers, le froufrou de la robe en dentelle d’une princesse. Un autre jour, j’étais dans une pièce exiguë, caché avec une adolescente et sa famille, dans une ville en guerre et en ruine. Elle me laissait lire par-dessus son épaule les pensées qu’elle couchait dans son journal intime. Elle parlait de ses peurs, de ses rêves, de ses amours, de sa vie d’avant. J’avais l’impression que c’était de moi qu’il était question, que j’aurais pu écrire ces lignes. (…) J’ai pris l’habitude de rendre visite [à Mme Economopoulos] tous les après-midi. Grâce à mes lectures, j’avais aboli les limites de l’impasse, je respirais à nouveau, le monde s’étendait plus loin, au-delà des clôtures qui nous recroquevillaient sur nous-mêmes et sur nos peurs. Vous ferez le commentaire littéraire du texte en vous appuyant sur les pistes de lecture suivantes : A. Une double rencontre provoquée par le destin B. Un éloge de la lecture et du pouvoir des livres. uploads/Litterature/ gael-faye-mme-economopoulos.pdf