Numéro 3 Résolang Littérature, linguistique & didactique revue semestrielle 1er
Numéro 3 Résolang Littérature, linguistique & didactique revue semestrielle 1er semestre 2009 ISSN 1112-8550 Comité d’édition Présidente : Rahmouna Mehadji Zarior, Université d’Oran Fewzia Sari Mostefa Kara, Université d’Oran Anne-Marie Mortier, Université Lyon 2 Conseil scientifique Président : Bruno Gelas, Université Lyon 2 Boumediène Benmousset, Université de Tlemcen Jacqueline Billiez, Université Grenoble 3 Hadj Miliani, Université de Mostaganem Fewzia Sari Kara Mostefa, Université d’Oran Djamel Zenati, Université Montpellier 3 Secrétariat de rédaction resolang@gmail.com Université d’Oran – Faculté des lettres, des langues et des arts B.P. 1524, El M’naouer, Oran 31000 Directeur de la publication Monsieur le Recteur de l’Université d’Oran La revue Résolang entend promouvoir, en littérature, linguistique et didactique françaises et francophones, une recherche fondée sur le dialogue entre les disciplines et le réseau des chercheurs et équipes de recherche qui s’y consacrent, au sein des universités algériennes et avec leurs partenaires internationaux. Attachée à refléter une recherche vivante et actuelle, elle s’ouvre aussi bien aux études des jeunes chercheurs et doctorants qu’à des programmes thématiques sollicitant des spécialistes d’origine géographique et de champs disciplinaires les plus divers. Résolang ne publie que des articles inédits. Les contributions présentées dans chaque numéro sont soumises à l’aval du conseil scientifique et d’un comité de lecture interna- tional anonyme. B.P. 1524, El M’naouer, Oran 31000, Algérie Les conditions de soumission des articles, les recommendations aux auteurs, la charte typographique Résolang et les mentions légales sont consultables sur les sites : www.univ-oran.dz – rubrique « revues » sites.univ-lyon2.fr/resolang/index.php 15 Fattah Adrar – L’autobiographie dans Vaste est la prison d’Assia Djebar Fattah ADRAR Université de Bejaia L’autobiographie dans Vaste est la prison d’Assia Djebar Fragments de “striptease” intellectuel insérés dans un non-roman À travers l’exemple de Vaste est la prison, cet article se donne pour objec- tif de montrer que l’écriture autobiographique n’ose se réaliser, chez Assia Djebar, que de manière assez singulière. Bon nombre de travaux ont pris pour cible « l’impossible » autobiographie chez cet écrivain, en l’expliquant souvent par une forme de décence culturelle. Nous pensons qu’il y a là une part de vérité puisque le contexte culturel exige une forme de retenue. Mais, à notre avis, la raison de ce non accomplissement du discours autobiographique tient aussi au mélange générique qui caractérise l’œuvre. L’autobiographie se pré- sente en fragments dans une œuvre qui est présentée comme « roman » par l’éditeur. Nous sommes donc conduits à dépasser les frontières de ces deux genres : autobiographie ou roman. Car il s’agit d’une œuvre éclatée où les cloi- sonnements sont tombés, de l’aveu même de l’écrivaine : « Il n’y a en moi nul désir de fiction, nulle poussée d’une arabesque inépuisable dé- ployant un récit amoureux » (VEP, p. 49-50). « En quelle année de la guerre mondiale situer cette nuit que je veux évoquer – non pour commencer mes souvenirs de la toute première enfance, non » (VEP, p. 253). L’autobiographie : pratique du dévoilement à la “maturité“ ? Les premières œuvres d’Assia Djebar sont des œuvres de fiction inspirées de son environnement socio-historique. Pour des raisons d’ordre culturel, l’écriture autobiographique, basée sur l’introspection, ne pouvait s’épanouir dans un espace qui se méfie de toute tentative d’explorer une intimité en l’ex- posant dans la sphère publique. Assia Djebar le rappelle elle-même en 1962, après la publication de ses deux premiers romans : « J’ai toujours voulu éviter de donner à mes romans un caractère autobiographique par peur de l’indécence et par horreur d’un certain striptease intellectuel auquel on se livre souvent avec complaisance dans les premières œuvres. » (JA, p. 62). La rupture dans sa production littéraire, entre Les Alouettes naïves (1967) et le recueil de nouvelles Femmes d’Alger (1980), est généralement expliquée en partie par un rejet de l’écriture autobiographique, qui explique alors son penchant vers une autre forme d’expression artistique, la production ciné- matographique, où s’exprime son désir d’explorer par sons et images ses thématiques préférées. Elle déclare à propos de son roman Les Alouettes naïves : « Pour la première fois, j’ai eu à la fois la sensation réelle de parler de moi et le refus de ne rien laisser transparaître de mon expérience de femme. Quand j’ai senti que le cœur 16 RÉSOLANG 3 – 1er semestre 2009 de ce livre commençait à frôler ma propre vie, j’ai arrêté de publier volontairement jusqu’à Femmes d’Alger dans leur appartement. » (JA 84). Toutefois, cette interruption et son expérience cinématographique ont certainement changé son rapport à l’écriture. La seconde phase de sa pro- duction littéraire manifeste une certaine « conscience de soi » et un profond changement dans son rapport à l’écriture. Son penchant pour l’écriture auto- biographique est surtout visible dans cette deuxième partie de sa production, qui relève de sa « maturité », mais aussi de sa volonté d’effectuer un « come back » sur sa vie de femme ancrée dans un espace qui est à la fois celui de son enfance et celui auquel elle appartient socialement et historiquement : « Au début mes romans étaient des œuvres de pure fiction, où j’utilisais ma connaissance de la société, l’architecture des maisons, le style de vie des gens, l’opposition entre les personnages traditionnels et les jeunes qui cherchaient à bousculer les traditions. Il y a une période de silence pendant laquelle j’ai travaillé à mes films. […] Il fallait à chaque fois prendre la vérité à partir de ces mondes clos. Je voulais exprimer une sorte de fidélité, et en même temps je n’ai pu écrire de textes autobiographiques qu’après l’âge de quarante ans. Dans la culture musulmane on ne parle jamais de soi. Quand j’ai terminé le livre L’Amour, la fantasia, j’ai été malade pendant six mois. J’ai eu une tendinite, et personne ne pouvait comprendre pourquoi. » (EP 97, p. 232). La réticence vis-à-vis de l’écriture du dévoilement n’est pas une spécifi- cité de la seule Assia Djebar. Bon nombre d’écrivains maghrébins se disent non attirés par cette écriture qui leur apparaît non conforme au devoir de réserve et de retenue qu’exige le contexte social, et cela d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une femme. Néanmoins, le Quatuor « Algérie », dont Vaste est la prison constitue le troisième volet, est considéré par l’auteur, dans son ensemble, comme une œuvre autobiographique : « C’est un quatuor dans lequel je peux regarder mon enfance, mon adolescence, ma formation, jeter un coup d’œil sur ma vie, parce qu’avec l’âge évidemment, je peux la regarder comme si c’était celle d’une autre. Donc, je me suis essayée à cette tentation de l’autobiographie dans la maturité. » (Djebar 1993). Il apparaît donc qu’à partir de quarante ans, l’autobiographie cesse d’être pour Assia Djebar un genre qui constitue un frein. Toutefois, ce qui en relève est d’avantage le fait du sens global de l’œuvre que d’une structure cano nique. Il ne s’agit pas pour elle de rendre un compte rendu fidèle d’événe- ments factuels – comme nous pouvons le vérifier à travers deux éléments non négligeables dans toute étude de l’autobiographie : l’identité et la composition chronologique. Première entorse à l’autobiographie : ambiguïté et fluctuation de l’identité du « je » Pour qu’on puisse parler d’un texte proprement autobiographique tel qu’il est défini par Philippe Lejeune, c’est-à-dire conforme à la structure formelle d’une autobiographie, il faut de prime abord, s’intéresser à l’expression du « pacte autobiographique », dans lequel la question de l’identité tient une place primordiale. Il faut que le lecteur fasse d’emblée le lien entre le nom de l’énon- ciateur et le nom d’auteur imprimé sur la page de garde. Dans ce cas, c’est la triade auteur-narrateur-personnage qui permet d’établir la relation entre le texte et le hors-texte : le narrateur-personnage y est doté d’une existence, une vie réelle, qui donne à lire par là même le texte comme la vraie histoire de l’auteur : d’où la mise en place du « pacte référentiel ». 17 Fattah Adrar – L’autobiographie dans Vaste est la prison d’Assia Djebar Selon Philippe Lejeune, cette identité peut se réaliser textuellement de deux manières : 1. de manière implicite a. l’énoncé du titre, ne laissant aucun doute sur le fait que la première personne renvoie au nom de l’auteur (histoire de ma vie, autobiogra- phie etc.) b. la section initiale du texte, où le narrateur prend des engagements vis- à-vis du lecteur en se comportant comme s’il était l’auteur (donc aucun doute sur l’identité du « je », ce qui renvoie forcément au nom porté sur la couverture même si le nom n’est pas répété dans le texte). 2. de manière patente : au niveau du nom que se donne le narrateur-person- nage dans le récit et qui renvoie au même nom que celui qui se trouve sur la couverture. Avant toute référence à la structure formelle qui codifie une auto biographie au sens classique, il faut souligner une première entorse tenant au nom de l’auteur : Assia Djebar est un pseudonyme, le nom d’état civil de l’écrivaine étant Fatima-Zohra Imalhayène. Il s’agit donc d’un nom emprunté. Selon Philippe Lejeune, cela ne constitue pas vraiment uploads/Litterature/ rl03-adrar.pdf
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- Publié le Jan 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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