285 Gheorghe Chivu Membre correspondant de l’Académie Roumaine gheorghe.chivu@g

285 Gheorghe Chivu Membre correspondant de l’Académie Roumaine gheorghe.chivu@gmail.com Abstract : The oldest religious texts written or printed in Romanian before the middle of the 17th century are either translations or accurate reproductions of original texts. After 1650, the scribes and the translators of the canonical writings start to depart from the details of the original text, and aim to capture the spirit of the texts. The Gospel kept in the Romanian Academy’s Library (mss. Rom. 296), to which we refer , contains a translation of four New Testament gospels, which is different both from the text printed in the 16th century, and from the one published in 1688, in Bucharest, as part of the first full translation of the Bible into Romanian. The main feature of this text is the preservation of multiple variants for the translation of the same form or of the same fragment. Keywords : religious text, Gospel, faithfulness of the translation, elevated style, translation variants. 1. Les histoires de la littérature roumaine ancienne, ainsi que les études consacrées exclusivement aux textes ecclésiastiques ou à l’évolution de notre langue de culture, insistent souvent sur un trait caractéristique définitoire de Synergies Roumanie n° 7 - 2012 pp. 285-294 Traductions multiples dans un Évangéliaire manuscrit du XVIIe siècle Résumé : Les plus anciens textes religieux écrits ou imprimés en langue roumaine d’avant le milieu du XVIIe siècle sont des traductions ou des reproductions fidèles des originaux. Après 1650, les copistes et les traducteurs des écrits canoniques commencent à s’éloigner de la lettre des sources dans le but de reproduire le plus fidèlement possible l’esprit de celles-ci. L’Évangéliaire préservé dans la Bibliothèque de l’Académie Roumaine (le ms. roum. 296), auquel nous faisons référence, contient une traduction des quatre évangiles du Nouveau Testament qui est différente tant des textes imprimés du XVIe siècle, que de celui qui sera publié en 1688, à Bucarest, dans le cadre de la première version roumaine intégrale de la Bible. Son trait caractéristique définitoire réside dans la mention de variantes multiples pour la transposition du même mot ou du même fragment de texte. Mots-clés : texte religieux, Évangile, fidélité de la traduction, élévation de la formulation, variantes de traduction. Multiple translations in a manuscript of the Book of Gospels form the 17th century 286 l’ensemble des écrits religieux: le respect de la lettre de l’original, dans le but de ne pas falsifier, le cas contraire, l’esprit du texte sacré. Instituée comme canon stylistique, cette exigence a été illustrée notamment pendant l’époque de début des écrits en langue roumaine, lorsque la traduction littérale a représenté aussi, très probablement, la première modalité de faire la distinction entre l’expression usuelle, propre à la langue parlée, et celle qui allait caractériser peu de temps après l’emploi soutenu de la langue roumaine, destinée à des buts culturels. L’exercice supposé par la traduction fidèle des sources a été renforcé, dans ses effets formels, par la fidélité de la reproduction, par des copies ou par l’impression des versions obtenues, les seules modifications non seulement acceptées, mais même nécessaires étant celles de mettre en accord la langue du texte copié avec la norme linguistique locale. 1 Devenue rapidement une preuve de l’existence d’une tradition imposée par les centres culturels peu nombreux de l’époque (au milieu du XVIe siècle, les copistes et les imprimeurs des textes de langue roumaine respectaient déjà strictement ces normes, tout comme ils respectaient dans l’ensemble de l’espace roumain, de la même façon et avec les mêmes innovations unanimement acceptées, l’écriture cyrillique), la subordination par rapport à la lettre de la source sera minée, au milieu du siècle suivant, par le désir d’exprimer le plus fidèlement possible le contenu, c’est-à-dire l’esprit du texte sacré. Ce fut une conséquence naturelle de la confrontation des traductions littérales, respectivement des copies dont la forme linguistique n’était pas toujours facile à comprendre, avec les sources d’origines diverses, confrontation faite par certains réviseurs aussi pendant le siècle précédent. De plus, la modification de la forme des textes-sources mettait en évidence aussi, après une époque d’accumulation par des reproductions fidèles, le besoin d’élévation de l’expression littéraire, de pratique des vertus propres à une langue qui se préparait à devenir un instrument officiel et officialisé de la culture, y compris dans l’Église. Dans une recherche antérieure (Chivu, 2009 : 37-43), nous avons essayé d’illustrer l’affirmation formulée précédemment au niveau de l’analyse d’une version du Psautier, composé en Moldavie au milieu du XVIIe siècle2, version conservée dans deux manuscrits arrivés dans les fonds de la Bibliothèque de l’Académie de Bucarest de Icuseşti – Roman (ms. roum. 170), et respectivement du monastère moldave de Bisericani, de la région de Neamţ (ms. roum. 540). Nous y affirmions que les traductions multiples existantes dans les deux manuscrits n’étaient pas le résultat d’une compilation demandée par Dosoftei dans le but d’établir la forme de son Psaltire de-nţăles/ Psautier pour la compréhension de tous/ (cf. Candrea, 1916 : I, LXV), ni la conséquence du désir d’élaborer un texte utile pour les écoles des traducteurs du slavon (cf. Combiescu, 1968 : 259-268), mais qu’elles représentaient des arguments de « la tentative des copistes moldaves de modifier la lettre des psaumes afin d’éclaircir davantage leur esprit » (Chivu, 2009 : 42). Nous amenons ici en appui à cette idée le témoignage d’un Évangéliaire manuscrit, rédigé toujours en Moldavie, vers le milieu du XVIIe siècle, pendant la même période donc que les manuscrits mentionnés du Psautier, et conservé dans le même fond de livres anciens de la Bibliothèque de l’Académie Roumaine, où il est arrivé le 25 novembre 1883, suite à un don fait par l’épitropie de l’église « Saint Spyridon » de Iasi. Synergies Roumanie n° 7 - 2012 pp. 285-294 287 2. L’Évangéliaire (Tetraevanghelul) gardé à la Bibliothèque de l’Académie Roumaine sous la côte du ms. roum. 296 contient une traduction de ces livres nouveau-testamentaires différente tant des textes imprimés au XVIe siècle par Filip Mahler à Sibiu (afin d’être diffusés en Moldavie), par Coresi à Braşov, ou, en 1648, par Simion Ştefan à Bălgrad (Alba Iulia), que de celui qui sera imprimé en 1688 à Bucarest, dans le cadre de la première version roumaine intégrale de la Bible. Chacun des quatre évangiles contenus dans le manuscrit roumain BAR 296 est suivi de la préface de Theofilact, archevêque de Bulgarie (Ştrempel, 1978: 83), ce qui indique la source bulgare de la traduction. Plusieurs annotations portant sur des événements historiques ou mémorables ayant eu lieu entre 1650 et 17703 prouvent que le manuscrit datant du milieu du XVIIe siècle a été lu de façon fréquente pendant plus d’un siècle. Une note consignée sur une fiche, qui se trouve en annexe au Psautier trouvé à Icuseşti (ms. roum. BAR 170) au moment de l’entrée de ces miscellanées dans les fonds de la Bibliothèque de l’Académie Roumaine, suggère l’existence d’une relation entre ce manuscrit et le manuscrit roumain BAR 296, où est gardé l’Évangéliaire : « Dans l’Évangéliaire de Războieni il y a des parties écrites par la même main qui a écrit ce Psautier ». Même si les deux manuscrits moldaves sont copiés, contrairement à cette affirmation, par deux personnes différentes, qui avaient des manières d’écrire distinctes, l’Évangéliaire et le Psautier, rédigés tous les deux au milieu du XVIIe siècle dans la région de Neamţ, présentent un remarquable trait commun: la mention de variantes multiples pour le même mot ou le même fragment de texte. Ces variantes de rédaction, assez nombreuses dans l’ensemble du ms. roum. BAR 296, peuvent être identifiées dans tous les évangiles. Elles sont marquées en général avec des chiffres cyrilliques, écrits parfois, pour une identification plus facile, avec de l’encre rouge4, et sont apparues, très probablement, suite au retravail de la source roumaine qui s’est trouvée à la base du texte qui nous est parvenu et non pas par la compilation des versions précédentes de la même traduction. Cette conclusion nous est suggérée par les grandes différences de textes qui existent entre le ms. roum. BAR 296 et les principales versions de l’Évangéliaire connues des XVIe et XVIIe siècles5, malgré le fait que, parfois, la variante proposée dans le manuscrit se retrouve dans l’un des textes auxquels nous l’avons confronté6. Les plus nombreux des exemples représentatifs pour ces variantes de texte mettent en évidence la substitution de certains verbes par leur synonyme usuel, la personne qui a ajouté ces variantes ayant voulu, probablement, assurer tout d’abord la variation formelle du texte. Ainsi, dans les péricopes 10 et 27, par exemple, au niveau des deux variantes consignées dans le manuscrit, retrouve-t-on tantôt a purcede, tantôt a se duce (synonymes pour ‘s’en aller’): Şi dup-îns purceasără năroade multe 2. se duseră năroade multe din Galileiu şi din Dzeace-cetăţi [= Decapolia] şi din Ierusalim şi din jidovime şi de pre ceaea parte de Iordan (f. 5r), Şi întră el în corabie, şi dup-îns se duseră ucenicii lui 2. şi dup-îns purceaseră ucenicii lui (f. 11r). Dans les textes imprimés du XVIe siècle, à la place des mots mis en gras, il y Traductions multiples dans uploads/Litterature/ gheorghe-chivu-traductions-multiples-evangeliaire-xviie-siecle.pdf

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