Par Grégoire Biyogo LIRE AUTREMENT CHEIKH ANTA DIOP : DE L 'IMPOSTURE A L 'EVEN
Par Grégoire Biyogo LIRE AUTREMENT CHEIKH ANTA DIOP : DE L 'IMPOSTURE A L 'EVENEMENT SUBVERSIF DU TEXTE... Le Shemsu Maât Grégoire Biyogo, Président de l'Institut Cheikh Anta Diop (ICAD), de l'Université panafricaine de la Renaissance (Uhem Mesut), de la Société savante Internationale Imhotep (SSII) et du Comité International des Savants africains (CISEA)... I-LES PECHES CAPITAUX AUTOUR DE LA LECTURE DE DIOP ... L 'on a jusqu'ici pris la mauvaise habitude de lire Diop en en commentant simplement les thèses, et plus rarement les ouvrages. De la sorte, on en a produit une lecture à la fois parcellaire et faible, très peu attentive à la signification du contenu global de son travail, confinée aux commentaires sectaires et caricaturaux, et bientôt au bavardage. En effet, on l'a durablement mal lu : soit en répétant ses thèses, souvent moins bien que l'oeuvre elle-même ne le faisait, sans en reconstituer minutieusement les hypothèses. Soit en simplifiant à l'extrême les positions de "Nations nègres et Culture", de "Antériorité...", et plus rarement de "Les Fondements..." ou de "Civilisation", sans vraiment en référer réellement aux textes eux-mêmes, dans leur composition, leur impulsion, leur compulsion, tirées de l'économie générale de la quinzaine de textes par sa main écrits, pour localiser la naissance, l'évolution interne de la pensée, les bifurcations inévitables, les continuités complexes ou même les éventuels renoncements. Les commentaires pressés en ont fait une pensée linéaire, moniste, un bloc invariable, un massif identique, lors même que Diop, élève de Bachelard, tient que la science progresse par rectification des mauvais énoncés, et que lui-même a sans cesse apporté des 'Réponses" aux objections qui étaient faites sur son oeuvre, en procédant par réajustement et par synthèse. II- AU-DELA DU REDUCTIONNISME : LES TENSIONS INTERNES D'UNE PENSEE NOMMEE LE DIOPISME. De la sorte, le diopisme s'organise dans les termes d'une tension interne, laquelle s'ouvre avec les thèses de 1954 et de 1960, se prolonge jusqu'en 1981, avec son ouvrage testatmentaire, "Civilisation ou barbarie...". Quant à la périodicité, l'on gagnerait bien à identifier trois moments : celui de la quête de l'origine égypto-nubienne de l'Afrique, puis celui de son édification formelle, et les perspectives d'une science ouverte à la philosophie et à la tolérance, et de l'édification de l'Etat fédéral... Pour ce qui est de sa biographie intellectuelle, le même reproche consternant, la même mésintelligence : l'on ne fait ni l'effort de risquer une théorie des cycles, et moins encore celui autrement plus important de dégager une généalogie de la pensée diopienne, permettant d'en comprendre les filiations intellectuelles... : D'abord le cycle de l'Enfance au Sénégal jusqu'à l'obtention des 2 Baccalauréats. Ensuite, la formation parisienne, avec les 10 influences intellectuelles décisives qui façonneront sa pensée, jusqu'à la soutenance de doctorat de 1960. Le troisième moment est celui des 21 ans passés par le savant au Sénégal, ostracisé par l'Université sous Senghor (1960-1981). Et enfin, la consécration universitaire (1981-1986). Par ailleurs, l'on omet sans cesse d'établir que cette oeuvre comporte 5 axes : celui du renversement du paradigme eronné des études africaines (I), celui politique de la conquête de l'indépendance et de la construction de l'Etat fédéral africain (II), celui historique et égyptologique de l'édification des Antiquités africaines (III), celui des sciences humaines et sociales rénovées sur fond des Antiquités égypto-nubiennes (IV), l'axe de la science (physique, biologie, mathématique, archéologie) et de la philosophie réconciliée avec la science comme terreau de la Renaissance tous azimuts des temps modernes (V). IIII-QU'EST-CE QUE LIRE ? POUR UNE LECTURE REVOLUTIONNAIRE DU TEXTE DIOPIEN. Lire ici, lire Diop, ce ne sera jamais plus le réciter, ni le répéter, ni même en commenter arbitrairement les séquences, ou les oeuvres, mais prendre le temps de lire la totalité de ses textes (sous l'angle holistique et typologique : thèses, ouvrages, articles, conférences, colloques, textes sur Diop, puis commencer à l'interroger de fond en comble à l'aune d'une ou de plusieurs méthodes. Point de lecture sans méthode, sans grille de lisibilité et d'interprétation du texte. L 'auteur de cette réflexion a produit trois ouvrages sur Diop, avec une première lecture poppérienne ("Aux sources égyptiennes du savoir I : Généalogie et enjeux de la pensée de Cheikh Anta Diop"), la seconde lecture est systémique ("Aux sources égyptiennes du savoir II : Cheikh Anta Diop et la destruction du Logos classique"), lorsque la troisième est épistémologique et rortyenne ("Manifeste pour lire autrement Cheikh Anta Diop")... Lire, c'est subvertir l'oeuvre, c'est en dégager la substratum, c'est la penser, la repenser, pour elle-même et avec l'état de la recherche, la porter jusqu'au-delà de ses énoncés, pour en nommer ce que Jacques Derrida nomme l'événement interne, celui qui se joue en son sein, et que la véritable lecture, celle du spécialiste est tenu de localiser, de faire voir, de formuler. L 'événement de l'oeuvre ne se peut énoncer en la répétant paresseusement, en la commentant de manière hasardeuse, tautologique, scholastique et involutive, mais en descendant jusqu'au tréfonds de son programme méthodologique, heuristique, herméneutique et épistémologique, pour indexer les lieux d'inscription des résultats, et par dessus tout, la décision inaugurale qui fait éclater la misère du sens dominant autant que celle des choses dites, la misère de la bienpensance, de la stagnation de la pensée, de l'unidimensionnalité de la réflexion, il s'agit chez diop d'un geste majeur : faire éclater la syntaxe de l'imposture sur la vérité. Le partage critique de la lecture est aujourd'hui cela qui ne se contente plus de l'oeuvre en l'état, de la citer sans la transborder, la redire avec tiédeur sans la réinventer, mais s'oblige à chercher ce que renverse l'oeuvre elle-même dans l'histoire de la discipline, des sciences humaines, sociales, dans l'histoire de la lecture, de la recherche, des définitions, de la signification de l'oeuvre, par-delà le sens galvaudé, rigidifié, tenu cependannt pour orthodoxe... contre la convenance, le continuum dominant du sens, son institutionnalisation sans différance ni variation. Car les oeuvres révolutionnaires rompent avec les connaissances dominantes, elles ruinent leurs violences, leurs ruses, leurs postures autoritaires et leur prétention à l'immuabilité... LIRE OU DE-LIRE ? Lire Diop, pour nous, déconstructivistes et anti-essentialistes derridiano-rortyens, c'est mettre le doigt sur la façon dont il déconstruit le système de pensée, de principes, de méthodes, de concepts, de lectures, de normes, de définitions, et de contre-vérités, lesquels sont faussement considérés comme un système de vérités stables, absolues, immuanles; indépassables. En somme, lire Diop, c'est déstabiliser l'illusion des vérités stables. C'est aussi commettre le parricide suprême sur le Dieu caché qui aliène et dénature la vérité et les valeurs pour les dés-essentialiser. Et ce partage critique de la lecture est aussi un partage critique de la Raison elle-même. Car, lire ici, c'est rendre lisible l'événement de destruction des mensonges de l'institution phpilpsophoqie; politique, religieuse, les flagrants délits de tricherie de la science et les contradictions autant que les violences de la Raison... Contre les Religions coupables de toutes formes d'instrumentalisations, et de monstruosités (à distinguer radicalement du Dieu qu'elle célèbrent, et de la Foi en soi), contre la science devenue mensongère et ce Logos falsificateur, logocentrique, phallogocentriue, Diop oppose à la science normale, une science nouvelle, autre, et un tout-autre partage critique de la Raison, lisible par tous les savants, par-delà les facteurs subjectifs, idéologiques et les critères arbitraires et illogiques. Lire, c'est "tuer" symboliquement cela qui tue impunément, c'est déverrouiller cela qui verouille, c'est renverser l'ordre tyrannique et impulser la liberté créatrice universelle au fondement des échanges inter-humains. En cela, il y a bien un moment sado-nietzchéen du diopisme. Lire par temps de crise, c'est re-mettre la Maât à la place de la Bête, c'est commettre l'acte athanatologique contre la résurgence de la décadence et de la Barbarie... Lire, c'est tuer les mensonges d'Etat, tuer la Bête et et contraindre la Raison à se départir des réflexes de la tyrannie, de la hiérarchisation, de l'uniformisation, de l'identitatrisme, en faveur de l'ouverture d'un tout-autre horizon de pensée, ce que je nomme l'urgence de "l'autrement-penser" est l'événement cataclysmique du texte diopien. C'est re-venir au fondement de chaque oeuvre, de la Religion, de la science et de la Raison gît un Monstre qui atrophie la vie et la liberté... Et dont l'acte de lecture est partage de vigilance critique débouchant sur sa "mise à mort symbolique". En ce revenir éternel, en cette Revenance, se tient l'événement inauguré par le texte diopien, par-delà toute tautologie, avec le vertige de la redondance, tout commentarisme scholastique sans nouveauté, toute misère du verbe lire, et toute caricature du verbe penser... Avec Diop, le verbe lire a cessé d'ête une tricherie, un réductionnisme, pour s'apperenter au jeu de la vie tétanisant sans cesse la mort. Le tout du diopisme tient en effet sur trois propositions stochastiques terribles : I-Ou l'on sait lire sa propre identité - son histoire - et l'on survit à tout négativisme, à tout Révisionnisme, ou on ne la sait pas lire et l'on en meurt... II-Ou l'on veut lire le Livre du Monde seul, sans et contre les Autres et l'on habite la Terre tyranniquement , et on se sclérose, ou on le lit avec les Autres uploads/Litterature/ gregoire-biyogo-lire-autrement-cheikh-anta-diop.pdf
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- Publié le Apv 27, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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