L'Homme Un pressoir à olives au Liban Robert Cresswell Citer ce document / Cite
L'Homme Un pressoir à olives au Liban Robert Cresswell Citer ce document / Cite this document : Cresswell Robert. Un pressoir à olives au Liban. In: L'Homme, 1965, tome 5 n°1. pp. 33-63; doi : https://doi.org/10.3406/hom.1965.366687 https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1965_num_5_1_366687 Fichier pdf généré le 09/05/2018 UN PRESSOIR A OLIVES AU LIBAN : ESSAI DE TECHNOLOGIE COMPARÉE' par ROBERT CRESSWELL La culture de l'olivier et le travail d'extraction de l'huile d'olive se pratiquent dans le bassin méditerranéen depuis la plus haute antiquité. Le premier témoignage archéologique date de la IVe dynastie égyptienne (xxvme au xxvie siècle av. J.-C), sous laquelle l'Egypte importait de l'huile d'olive de Palestine et de Syrie2. Les techniques associées à cette culture sont donc de celles qui ont la plus longue histoire et de ce fait intéressent la technologie à plus d'un titre (recherches sur les zones d'invention et de diffusion ; sur l'inertie technique, c'est-à-dire sur la plus ou moins grande rapidité d'amélioration ou de dégénérescence à la suite de contacts culturels ; sur l'évolution du comportement technique, etc.). Or, quand il s'agit d'évolution, plus les exemples sont nombreux, mieux les résultats supportent la généralisation, ce qui justifie la présentation d'un ensemble déjà bien décrit par d'autres auteurs (Dalman, Feghali, Frayha...). La description de ce pressoir sera d'ailleurs aussi brève que possible, car c'est l'analyse de son fonctionnement, plus qu'une discussion concernant sa forme, qui d'abord le situera du double point de vue de l'histoire et de la synchronie parmi les autres pressoirs de la région, et qui ensuite l'intégrera dans l'ensemble des outils du groupe. Par ailleurs, seule cette démarche d'analyse mécanique, de comparaison et d'intégration permet de couvrir les domaines technique, historique et socio-culturel de toute étude de technologie comparée. Le broyeur et la presse3 libanais dont il s'agit se trouvent au village de Kfarhay, 1. Les documents qui sont à la base de cette étude ont été recueillis au cours d'une mission du C.N.R.S. au Liban en 1960-1961. Qu'il me soit permis de remercier ici le propriétaire du pressoir, mon ami M. Fersan, M. Furet, ingénieur du CE. A. et le C.N.R.S. 2. F. E. Zeuner dans Singer, Holmyard and Hall (1954), P- 359- 3. Pour simplifier nous utiliserons ici les termes de « presse » et « broyeur », et nous réserverons le terme de « pressoir » à l'ensemble. 34 ROBERT CRESSWELL caza de Batroun, en bordure du centre maronite du Mont Liban. La région est celle du premier étage des « plateaux » qui s'élèvent vers la chaîne du Liban. On y accède depuis la zone de cultures côtières en traversant un maquis de type méditerranéen et fortement découpé, qui constitue la première ligne de défense naturelle séculaire des montagnards libanais. Des cours d'eau coupent cet étage de plateaux par des couloirs plus ou moins perpendiculaires à la mer, entre lesquels, sur les crêtes et les replats supérieurs, s'échelonnent villages et cultures (olives, figues, tabac, amandes, un peu de blé) . Kf arhay même est bordé au nord par le Nahr el Jaoz, qui sépare la province de Kesrouan de la grande plaine côtière du Koura et de ses oliveraies. Le village est un site historique, puisque Yûhanna Mârûn, le premier patriarche maronite, y fonda un monastère au VIIe siècle. Le broyeur et la presse se trouvent dans une vieille bâtisse rectangulaire en pierre, adossée à un flanc de colline. Cette maison sert en même temps d'étable pour l'âne. L'éclairage naturel se fait uniquement par les deux portes. Le broyeur est composé d'une cuvette dans laquelle un âne fait tourner une pierre circulaire debout {cf. fig. i). La cuvette, /madras/ ou /sahn/1, est ronde (diamètre extérieur : 2,06 m), peu profonde (0,26 m), et surélevée (son fond est à 0,39 m du sol), construite en pierres enduites de ciment. Ces pierres sont extraites de carrières proches du village. Le fond (diamètre d'environ 1,50 m) est fait de pierres plates. Dans des cuvettes moins rustiques, le bord et l'intérieur sont en pierres maçonnées non enduites. Les pierres du bord, en ce cas, s'appellent /mnêjal/. Au milieu de la cuvette se dresse un axe vertical, /sarûs/, en bois de chêne (quelquefois de platane). Dans son extrémité inférieure est incrustée verticalement une plaque de fer rectangulaire, /sus/, portant une pointe conique qui s'encastre dans un trou aménagé dans une autre plaque de fer, /nar'ate/, fixée horizontalement au milieu de la cuvette. L'extrémité supérieure de l'axe est fixée par un dispositif semblable à 2,20 m du fond de la cuvette dans une planche assujettie à une poutrelle du toit. Une pierre circulaire, /hajar/, ou /madras/, achetée à Tripoli (diamètre : 1,07 m, épaisseur : 0,38 m), est dressée sur son bord dans la cuvette. Il a été impossible de déterminer exactement de quelle roche il s'agissait, mais en prenant une densité moyenne de 2,5 (en fait, à la limite inférieure de densité des roches possibles), nous pouvons calculer un poids d'environ 825 kg. Cette pierre est percée d'un trou central par où passe une barre de fer, /siham/ ou /mehl/ (longueur : 1,60 m), dont une extrémité dépasse le bord de la cuvette et dont l'autre traverse l'axe vertical. A cette extrémité-ci est fixée une coupelle en métal où l'on met de l'huile d'olive et une mèche pour fournir de la lumière lors des travaux de nuit, pendant la saison de la récolte. La barre horizontale et Taxe vertical sont reliés par un bâton de bois, /say'/, attaché en haut de l'axe et à 0,46 m de l'extrémité extérieure de la barre. Les cordes du collier de l'âne sont fixées à ce bout /say'/. 1. Les deux termes m'ont été donnés. Le premier est celui généralement utilisé. La prononciation est notée ici, la translittération de l'orthographe se trouve dans l'appendice II. madras ou sakn Fig. i. — Broyeur de Kfarhay (Dessin de l'auteur). 36 ROBERT CRESSWELL Selon le propriétaire du pressoir, le /say'/ maintient l'axe vertical droit ; cette affirmation appelle un commentaire. En effet, l'examen des forces qui agissent pendant la marche de l'appareil montre que cette triangulation empêche la poussée centripète de la meule — causée par la légère inclinaison vers l'intérieur du fond de la cuvette ainsi que le mouvement circulaire — de s'exercer sur l'axe vertical au seul endroit où la barre le traverse, mais répartit cette poussée sur les pivots supérieurs et inférieurs. Étant donné cette double fixation par les pivots, on ne voit pas comment ce bois peut maintenir l'axe droit. Ce ne serait compréhensible qu'en l'absence d'une fixation supérieure de l'axe central. Dans ce cas la triangulation opposerait le poids même de la meule à tout effet de renversement de l'axe, le pivot inférieur agissant autant comme butoir que comme pivot {cf. fig. 2). Deux explications sont possibles. Tout d'abord, le propriétaire du pressoir peut se tromper et il veut dire en réalité que le /say'/ maintient la barre de traction droite. Dans le cas du broyeur considéré, où le point de traction se trouve du même côté de l'axe vertical que la meule, cette pièce est inutile, mais dans d'autres broyeurs de la région, où le point de traction se trouve sur le côté opposé de l'axe vertical, la triangulation pourrait avoir une certaine utilité, sinon une grande importance. Néanmoins, bien que la simplicité de cette explication soit scientifiquement séduisante, il existe une autre possibilité. Il semblerait que les premiers broyeurs de ce type aient été construits sans abri, donc sans fixation supérieure1. Nous serions alors en présence soit d'une survivance — une inertie technique (résistance passive aux changements et manque d'esprit d'invention) couplée à une certaine méconnaissance des lois de la mécanique, qui aurait fait retenir la triangulation même après la mise sous abri du pressoir et la fixation supérieure de l'axe ; soit d'une réadaptation — la triangulation sert maintenant à répartir les forces de façon égale sur l'axe et à éviter un ajustage très serré du pivot supérieur. L'analyse typologique du broyeur montre que la machine est censée travailler en percussion posée diffuse perpendiculaire, mais l'analyse mécanique fait immédiatement ressortir que la plupart du travail se fait en percussion posée diffuse oblique, en raison de la différence entre les distances que doivent parcourir en un tour les circonférences extérieure et intérieure, de même longueur, de la meule. Quant à l'action sur la matière, ceci n'a aucune importance, mais s'il s'agissait de calculer l'efficacité totale de la machine, il faudrait justement noter que l'on multiplie par 150 l'énergie dépensée en laissant frotter la meule au lieu de la faire rouler, sans pour autant changer la qualité du résultat. Par exemple, pour le broyeur de Kfarhay, il faut un travail de 149 kg /m pour faire tourner la meule une fois dans la cuvette, dont 148 kg /m pour vaincre la friction due au frottement {cf. appendice I). Pour terminer la description statique du broyeur, on peut noter que la pierre 1 . Tous les très anciens broyeurs que j 'ai vus dans le Liban-Sud sont de ce type et semblent bien avoir été sans abri. Par ailleurs, uploads/Litterature/ hom-0439-4216-1965-num-5-1-366687.pdf
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- Publié le Sep 18, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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