La nouvelle France Nouvelle édition mise à jour La nouvelle T-t ts rance Depuis
La nouvelle France Nouvelle édition mise à jour La nouvelle T-t ts rance Depuis 1981, le système politique français a implosé. Le communisme a cessé d'être une force importante; une extrême droite est apparue; le parti socialiste a changé de nature; la droite aussi. En quelques années furent ainsi balayées des structures idéologiques dont l'émergence et la stabilisation avaient demandé des siècles. des doctrines ancrées dans des traditions religieuses, familiales, économiques, régionales qui paraissaient immuables. Ce bouleversement de la société française, par son ampleur et sa rapidité, est sans précédent dans I'histoire. Il correspond à un véritable séisme statistique dont Emmanuel Todd mesure ici les effets en s'appuyant sur des données indiscutables : celles du recensement de 1982. Emmanuel Todd, në en /,95/,, est docteur en histoire de I'université de Cambridge et diplômë de I'Institut d'ëtudes politiques de Paris. II est chef du service de la documentation à I' Institut nat ional d' é tude s dëmographique s. Du même auteur 'T#:::l:f*'" Le fou et le prolétaire Laffont, 1979 nouvelle ëdition < Pluriel D, 1980 L'invention de la France en collaboration avec Hervé Le Bras < Pluriel D, 1981 La troisième planète Structures familiales et systèmes idéologiques Seuil, coll. << Empreintes >, 1983 L'enfance du monde Seuil, coll. < Empreintes >, 1984 L'invention de I'Europe Seuil, coll. <t L'histoire immédiate D, 1990 Emmanuel Todd La nouvelle France namons du Seuil La prernière edition de cet ouvrage aparu en 1988 dans la collection < L'histoire immédiate > rsnN 2-02-012108-5 (rsnN 2-02-010090-8, l'" publication) @ ÉorrroNs DU sEUrL. avnrl lggg La--loi du ll mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisatioo !9llgtl": Toute repÉsenrarion ou repioduction integrate ôu p"rtiéiiJaiæ i"r d'*nu. procece.quc ce sort, sans l€ consentement de I'auteur ou de ses ayants cause. est illititc et coostitue une contrefaçon sanctionnee par les articlæ 425 et suivants au ioce *naL Préface à l'édition de poche Depuis la première publication de ce livre, à la veille des élec- tions présidentielles de 1988, la décomposition du système politi- que français traditionnel s'est poursuivie, amplifiée. La dissolution des idéologies et des électorats catholiques, communistes, gaullis- tes, socialistes apparaît désormais clairement comme un phéno- mène irréversible, caractéristique de l'âge postindustriel. La hausse du niveau culturel, I'effondrement de la pratique religieuse, la rétraction de la classe ouvrière définissent des mutations structu- relles, définitives. La France des années 90 sera de plus en plus nettement dominée par des classes moyennes salariées dépourvues de croyances religieuses fortes et incapables d'adhésions idéologi- ques profondes. Le mécanisme de dissolution des idéologies nourrit, depuis les années 1965-1970, des phénomènes politiques nouveaux, souvent étranges, parfois angoissants. Trois phases principales peuvent être distinguées. Dans un premier temps, le parti socialiste a été le grand bénéfi- ciaire de la decomposition. Entre 1967 et 1978, sa croissance s'effec- tue aux dépens de la droite catholique; entre 1978 et 198f il commence à recueillir les dépouilles du parti communiste. L'accession au pouvoir de François Mitterrand ouvre une deuxième époque. L'échec du gouvernement Mauroy bloque le développement du parti socialiste et permet un bref retour au pou- voir de Jacques Chirac. Ces aléas de la vie politique n'arrêtent cependant pas I'inexorable mécanique de décomposition des élec- torats traditionnels - catholiques, communistes, gaullistes ou socialistes. Et parce que les électeurs libérés de leurs croyances anciennes doivent aller quelque part, le Front national apparaît, en 1984, pour récupérer les individus et les groupes lancés à la dérive PREFACE par la désintégration des idéologies traditionnelles. Les élections présidentielles de 1988 marquent le point culminant de cette cieuxième phase : après avoir pris des électeurs au gaullisme en région parisienne, au communisme sur la façade méditerranéenne, le Fr ont national recueille 14,4 ùlo des suffrages exprimés en péné- trant les milieux catholiques et ouvriers de I'est de I'Hexagone - ex-catholiques et ex-ouvriers pour être plus exact. Durant une troisième période qui commence avec le retour du parti socialiste au pouvoir, en 1988, la force neuve du système poli- tique est I'abstentionnisme. Les enquêtes d'opinion révèlent cepen- dant I'existence de deux abstentionnismes, I'un de consensus, I'autre d'oliénotion. L'abstentionniste consensuel ne croit plus à I'importance fondamentale du conflit entre gauche et droite. Con- sidérant les candidats des deux bords comme parfaitement raison- nables et acceptables, mais éprouvant par là même quelque difficulté à choisir, il finit par s'abstenir. Un tel électeur ne peut être soupçonné d'hostilité aux procédures démocratiques. II joue seulement, jusqu'à ses plus extrêmes conséquences, le jeu de I'apai- sement politique. Il profite à sa manière de la fin des haines idéo- logiques des années 1945-1965, qui, séparant communistes, catholiques, gaullistes et socialistes, avaient fait de la vie politi- que française une juxtaposition d'autismes. L'abstentionniste con- sensuel est satisfait du monde présent. Il appartient aux nouvelles et paisibles classes moyennes salariées. Il ira voter s'il a le temps, et, surtout, si le thème électoral du moment I'intéresse. L'abstentionniste aliéné relève d'un autre monde, social et men- tal. Il appartient aux couches sociales menacées, exaspérées par la rapidité de la transformation postindustrielle - au petit com- merce, à I'artisanat, au prolétariat qui se décompose. Son refus de voter exprime un rejet du monde présent, une hostilité cons- ciente à la modernité. Et s'il hésite, ce n'est pas entre une gauche douce et une droite civilisée, mais entre I'abstentionnisme et le lepénisme. L'affaiblissement du parti socialiste est l'un des phénomènes caractéristiques de cette troisième phase, abstentionniste, du pro- cessus de décomposition. Le PS ne parvient décidément pas à fidé- liser ses électorats d'origine catholique, communiste ou gaulliste. Les élections européennes de 1989 résument ces tendances récen- tes : taux d'abstention de 51 90, tassement socialiste à23,4 t/o, maintien du Front national à ll,7 90, percée des écologistes qui atteignent lO,6 t/0. L'émergence de l'électorat vert révèle I'insta- II PREFACE bilité de l'électorat socialiste d'origine catholique. La carte du vote écologiste, avec ses bastions à I'Est, à I'Ouest, et au sud-est du Massif central, reproduit en effet assez bien la carte ancienne de la pratique religieuse, signe d'une permanence de la spécificité catholique à I'intérieur de l'électorat de centre-gauche, malgré I'extinction de la pratique religieuse. L'élection législative partielle de Dreux, en novembre-décembre 1989, qui aboutit à l'élection d'une candidate du Front national, démontre quant à elle la fra- gilité de l'électorat socialiste d'origine communiste ou gaulliste, au cæur du Bassin parisien, région de déchristianisation ancienne. Lo Nouvelle Fronce, dont je n'ai pas modifié le texte original, contient une description exacte - en un sens prophétique - de ce mécanisme global de décomposition. L'évaluation du Front national comme phénomène transitoire, effet temporaire du pro- cessus de décomposition des idéologies, apparaîtra cependant aujourd'hui comme exagérément optimiste. Cinq à six ans de vie, à l0-15 9o des suffrages exprimés, c'est déjà une certaine forme d'enracinement, même si le lepénisme, micro-idéologie associée à la transition postindustrielle, apparaît de plus en plus comme une forme colérique de I'abstention. Sur la façade méditerranéenne, en banlieue parisienne, en Alsace, le Front national dispose de quel- ques bastions stables, avec des électorats pouvant localement dépas- ser 20 9o des suffrages exprimés. La sous-estimation relative du problème xénophobe résulte d'une sous-estimation du désarroi engendré dans certains secteurs par le passage à la société post- industrielle. Le développement de l'éducation secondaire, phénomène évi- demment positif, étire la stratification sociale du pays : face aux nouveaux diplômés, petits et grands, se constitue une catégorie symétrique de non-diplômés, à I'avenir économique très incertain, et qui n'auront peut-être pas accès aux emplois paisibles et dorés du tertiaire salarié. Le mouvement culturel polarise, dans un pre- mier temps, la structure sociale, créant dans sa partie inférieure des sentiments durables de ressentiment, de non-participation au monde nouveau, en un mot, d'aliénation. Cette polarisation de la structure sociale est aggravée par I'effon- drement des deux Églises, catholique et communiste, qui jouaient un rôle particulier d'encadrement des milieux populaires. L'effa- cement de l'Église et du PCF supprime un antagonisme idéolo- gique, mais aboutit aussi à I'affaiblissement de liens sociaux fondamentaux. Ces deux institutions, également universalistes, ill PRÉFACE avaient aussi en commun de définir des relations stables et per- sonnelles entre les diverses couches sociales. C'est évident dans le cas de l'Église, qui se voulait explicitement interclassiste et asso- ciait dans une même foi des ouvriers, des paysans et des bourgeois. Mais le communisme, malgré sa doctrine de la lutte des classes, était en pratique à peine moins interclassiste. Il séduisait certes la classe ouvrière, mais aussi, dans la région parisienne, dans le Midi méditerranéen et sur la bordure nord-ouest du Massif cen- tral, certains paysans et une partie des classes moyennes. A l'épo- que de sa plus grande puissance, le PCF était en fait mieux implanté chez les intellectuels et les enseignants que chez les prolétaires. La fin de l'Église et du PCF signifie donc la disparition de ces liens verticaux entre classes, qui renforçaient plus qu'ils n'affaiblissaient la cohésion sociale, même si leur effet le plus apparent était de produire deux sociétés rivales plutôt qu'une seule. La société fran- çaise des années 1980-1990, plus homogène que celle d'hier uploads/Litterature/ la-nouvelle-france.pdf
Documents similaires










-
33
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 29, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 22.3705MB