David HUME (1777) Essais moraux, politiques et littéraires Essai sur le suicide
David HUME (1777) Essais moraux, politiques et littéraires Essai sur le suicide Traduction française de Martine Bellet, professeure d’Anglais au Lycée Ango de Dieppe en Normandie, Juillet 2002. Un document produit en version numérique par Philippe Folliot, collaborateur bénévole, Professeur de philosophie au Lycée Ango à Dieppe en Normandie Courriel: folliot.philippe@club-internet.fr Site web: http://www.philotra.com http://perso.club-internet.fr/folliot.philippe/ Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" dirigée et fondée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm David Hume, Essai sur le suicide (1777) 2 Un document produit en version numérique par M. Philippe Folliot, bénévole, Professeur de philosophie au Lycée Ango à Dieppe en Normandie Courriel: folliot.philippe@club-internet.fr Site web: http://www.philotra.com http://perso.club-internet.fr/folliot.philippe/ à partir de : David Hume (1711-1776) Essais moraux, politiques et littéraires : Essai sur le suicide (1777) Une édition électronique réalisée à partir du texte de David Hume, « Essay on Suicide », 1783, chez Smith, Londres (d’abord édité en 1777 sans nom d’auteur et nom d’imprimeur). Traduction française de Martine Bellet, professeure d’Anglais au Lycée Ango de Dieppe en Normandie, Juillet 2002. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times New Roman, 12 points. Pour les citations : Times New Roman 10 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2000. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 25 juillet 2002 à Chicoutimi, Québec. Avec l’autorisation de M. Philippe Folliot. David Hume, Essai sur le suicide (1777) 3 David Hume Essai sur le Suicide Traduction de Martine Bellet Professeure d’Anglais au Lycée Ango de Dieppe Du texte « Essay on Suicide », 1783, chez Smith, Londres (d’abord édité en 1777 sans nom d’auteur et nom d’imprimeur) L'un des avantages considérables de la Philosophie est qu'elle constitue un antidote souverain à la superstition et à la fausse religion. Tous les autres remèdes contre ce désordre pestilentiel sont vains, ou pour le moins incertains. Le simple bon sens et la pratique du monde, qui s'avèrent bien suffisants dans la plupart des problèmes quotidiens, sont soudain inefficaces: l'Histoire, tout comme l'expérience de tous les jours nous fournit des exemples d'hommes doués des plus hautes qualités pour le commerce et les affaires qui toute leur vie durant furent esclaves de la plus grossière superstition. Même la gaîté et la douceur de caractère, qui sont un baume salvateur pour toutes les autres blessures, n'offrent nul remède à un poison aussi virulent; ainsi cela peut-il être tout particulièrement observé chez les personnes du beau sexe, qui, bien que dotées des riches présents que leur offre la nature, voient nombre de leurs joies gâchées par cet intrus fort importun. Mais lorsque la vraie Philosophie a pris possession de l'esprit, la superstition en est effectivement exclue, et l'on peut justement affirmer que son triomphe sur cet ennemi est plus total que sur David Hume, Essai sur le suicide (1777) 4 la plupart des vices et des imperfections inhérents à la nature humaine. L'amour ou la colère, l'ambition ou l'avarice, prennent racine dans l'humeur et l'affection, que le plus sûr des raisonnements n'est quasiment jamais en mesu- re de corriger, mais, la superstition étant fondée sur des opinions fausses, elle disparaît immédiatement dès lors que la vraie Philosophie a inspiré de plus justes sentiments issus de puissances supérieures. Le combat est alors plus égal entre le désordre et le remède, et rien ne peut empêcher ce dernier de s'avérer efficace, sauf à être faux et surfait. Il serait ici superflu de magnifier les mérites de la Philosophie en mettant en évidence la tendance pernicieuse de ce vice dont elle purge l'esprit humain. L'homme superstitieux, dit Cicéron 1, est malheureux dans toutes les scènes, dans tous les incidents de sa vie; le sommeil même, qui pour les infortunés mortels bannit tous les autres soucis, lui est source de nouvelles terreurs; tandis qu'il examine ses rêves et trouve dans ces visions nocturnes l'annonce de nouvelles calamités. J'ajouterai que, bien que seule la mort puisse mettre un point final à son malheur, il n'ose pas s'y réfugier, mais prolonge encore une existence misérable, de peur d'offenser son Créateur, en utilisant le pouvoir dont cet être généreux l'a doté. Les présents de Dieu et de la nature nous sont ravis par ce cruel ennemi, et bien qu'un seul pas puisse nous éloigner des régions de la douleur et du chagrin, ses menaces nous enchaînent encore à une existence honnie que lui-même 2 contribue à rendre malheureuse. Il a été observé par ceux qui ont été réduits par les calamités de la vie à la nécessité de recourir à ce remède fatal, que si l'inopportun souci de leurs amis les prive de cette sorte de Mort qu'ils se proposaient de s'infliger à eux- mêmes, ils en essaient rarement une autre, ni ne parviennent à se résoudre à exécuter leur dessein une seconde fois. Si grande est notre horreur de la mort, que lorsqu'elle se présente sous quelque forme que ce soit, en dehors de celle avec laquelle l'homme s'est efforcé de réconcilier son imagination, elle ac- quiert de nouvelles terreurs et a raison de son faible courage. Mais lorsque la menace de la superstition s'ajoute à cette timidité naturelle, quoi d'étonnant à ce qu'elle prive tout à fait les hommes de tout pouvoir sur leur propre vie, puisque même de nombreux plaisirs et amusements, vers lesquels nous sommes naturellement portés, nous sont arrachés par ce tyran inhumain. Efforçons-nous ici de rendre aux hommes leur liberté originelle, en examinant tous les arguments courants contre le Suicide, et en montrant qu'un tel acte peut être débarrassé de toute culpabilité ou blâme, si l'on se réfère au senti- ment de tous les anciens philosophes. Si le suicide est un crime, ce doit être une transgression de notre devoir envers Dieu, notre voisin ou nous-mêmes. – Pour prouver que le suicide n'est 1 De la divination, liv2,72.(note de l’édition anglaise) 2 L’ennemi (NdT). David Hume, Essai sur le suicide (1777) 5 nullement une transgression de notre devoir envers Dieu, les considérations qui suivent suffiront peut-être. Afin de gouverner le monde matériel, le Créa- teur tout-puissant a établi des lois générales et immuables, par lesquelles tous les corps, de la plus grande planète à la plus petite particule de matière, sont maintenus dans la sphère et la fonction qui leur sont propres. Pour gouverner le monde animal, il a doué toutes les créatures vivantes de pouvoirs physiques et mentaux; de sens, de passions, d'appétits, de souvenirs, et de jugement, par lesquels ils sont maintenus ou réglementés dans le cours de la vie qui leur est destinée. Ces deux principes distincts du monde matériel et du monde animal empiètent continuellement les uns sur les autres, et retardent ou avancent le fonctionnement de l'autre. Les pouvoirs de l'homme et de tous les autres animaux sont limités et dirigés par la nature et les qualités des corps qui les entourent, et les modifications et les actions de ces corps sont incessamment modifiées par l'opération de tous les animaux. L'homme est arrêté par des rivières dans son passage à la surface du globe; et les rivières, convenable- ment dirigées, prêtent leur énergie au fonctionnement des machines, qui ser- vent à l'usage de l'homme. Mais bien que les provinces des pouvoirs matériel et animal ne soient pas totalement séparées, il n'en résulte nulle discorde ni aucun désordre dans la création; au contraire, du mélange, de l'union et du contraste entre tous les différents pouvoirs des corps inanimés et des créatures vivantes, il ressort cette sympathie, cette harmonie et ce sens des proportions qui offre l'argument le plus sûr en faveur d'une sagesse suprême. La providence de la Divinité n'apparaît pas immédiatement dans toute opération, mais gouverne toute chose par ces lois générales et immuables, qui sont établies depuis le commencement des temps. Tous les événements, d'une certaine façon, peuvent être qualifiés d'actions du Tout-puissant, ils procèdent tous de ces pouvoirs dont il a doté ses créatures. Une maison qui s'effondre par son propre poids n'est pas plus réduite à l'état de ruines par la divine providence, que si elle avait été détruite par la main de l'homme; et les facul- tés humaines ne sont pas moins son œuvre que les lois du mouvement et de la gravitation. Quand les passions entrent en jeu, quand le jugement s'exprime, quand les membres obéissent; tout cela est l'opération de Dieu, et c'est sur ces principes, animés autant qu'inanimés, qu'il a établi le gouvernement de l'univers. Tous les évènements sont d'égale importance aux yeux de cet être infini, qui embrasse d'un seul regard les régions les plus éloignées de l'espace, ainsi que les temps les plus reculés. Il n'est pas un seul événement, de quelque importance pour nous, qu'il ait exempté des lois générales qui gouvernent l'univers ou qu'il se soit spécialement réservé. La révolution des uploads/Litterature/ hume-essai-sur-le-suicide-pdf.pdf
Documents similaires










-
26
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 11, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0680MB