Bernard Dantier (16 octobre 2002 INTRODUCTION À LA PSYCHOLOGIE DES FOULES DE GU

Bernard Dantier (16 octobre 2002 INTRODUCTION À LA PSYCHOLOGIE DES FOULES DE GUSTAVE LE BON Un document produit en version numérique par M. Bernard Dantier, bénévole, Docteur en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales Membre de l’équipe EURIDÈS de l’Université de Montpellier Courriel : bdantier@club-internet.fr Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" dirigée et fondée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Bernard Dantier, Introduction à la psychologie de foules de Gustave Le Bon 2 Un document produit en version numérique par Bernard Dantier, bénévole, Docteur en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales Membre de l’équipe EURIDÈS de l’Université de Montpellier 3. Courriel : bdantier@club-internet.fr “Introduction à La psychologie des foules de Gustave Le Bon” Une étude inédite sur l’ouvrage de : Gustave Le Bon (1841-1931), La psychologie des foules. (1895). Une étude sociologique inédite réalisée par M. Bernard Dantier, sociologue, pour Les Classiques des sciences sociales. Chicoutimi, 16 octobre 2002, 22 pages. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée à Chicoutimi, Québec, mercredi le 16 octobre 2002. La diffusion de cette analyse de l’œuvre de Gustave Le Bon, La psychologie des foules, est rendue possible grâce à l’extrême générosité et à l’autorisation du professeur Dantier de l’Université Montpellier 3. Bernard Dantier, Introduction à la psychologie de foules de Gustave Le Bon 3 Introduction à LA PSYCHOLOGIE DES FOULES de Gustave Le Bon Par Bernard Dantier, sociologue (16 octobre 2002) La Psychologie des foules, de Gustave Le Bon (1841-1931), depuis 1895 demeure une œuvre inclassable : psychologique, sociologique, historique, philosophique, politique, littéraire : elle peut recevoir tous ces qualificatifs à la fois sans qu’aucun d’eux ne suffise à sa définition, et sans d’ailleurs, il faut l’avouer, qu’elle suffise elle-même à mériter pleinement l’un d’eux en l’état des sciences humaines et sociales lors de ce début d’un vingt et unième siècle. Œuvre inclassable donc, mais peut-être parce que tout simplement hors classe, continuant, avec toutes ses qualités et tous ses défauts, à fasciner encore aujourd’hui le lecteur féru de ces sciences. Fameux succès éditorial, cet ouvrage aurait inspiré autant de monstrueux dictateurs tels que Hitler et Mussolini que motivé les idées et les pratiques de très pacifistes scientifiques en psychologie sociale. Aujourd’hui encore comme jadis, cette Psychologie des foules, que la collection de Jean-Marie Tremblay met gratuitement à disposition de tous les lecteurs disposant d’un accès à Internet, mérite toute notre attention, aujourd’hui sans doute encore bien plus qu’il y a un siècle. Car comment douter que nous entrons encore davantage dans cette « ère des foules » qu’annonçait Le Bon, en cette époque d’urbanisation et d’accroissement des populations, cette époque d’aboutisse- Bernard Dantier, Introduction à la psychologie de foules de Gustave Le Bon 4 ment des processus de démocratisation de toute sorte (politique, économique, culturelle), cette époque de « massification » de l’enseignement, de la con- sommation, des transports, cette époque de communication de masse par la télévision notamment, cette époque de la dite « mondialisation » permise par la facilitation des échanges de tout type ? Comment douter donc que les foules doivent être analysées soigneusement comme on analyse les composantes générales de notre monde pour mieux les comprendre et pour éventuellement s’en prémunir ou les utiliser ? Que doit nous apprendre la Psychologie des foules ? Les principales thèses que Le Bon développe dans cet ouvrage sont formulables ainsi : Les foules reprennent de plus en plus d’importance dans notre monde. La foule produit par elle-même une nouvelle réalité humaine, une « âme » dotée d’une « unité mentale » composée par contagion et suggestion, « âme » qui est qualitative- ment autre que la simple somme spirituelle des individus qui la composent. L’individu se trouve altéré par la foule, devient surtout soumis à l’inconscient, et régresse vers un stade primaire de l’humanité. Parallèlement il y acquiert un sentiment d’invulnérabilité qui l’encourage à s’adonner aux instincts com- muns. Il peut ainsi devenir un « meneur », d’autant plus que les foules en ont un besoin vital pour se structurer et agir. En elles ne sont compréhensibles et motivantes que les pensées rudimentaires et imagées qui tendent aux illusions. De cette manière la foule procure à ses membres un plaisir unique et incompa- rable. Tout en restant inférieures à l’intelligence individuelle, les foules dépassent tous les extrêmes positifs et négatifs dans le champ de la moralité comme dans le domaine de l’action, au point d’être les seuls acteurs de l’his- toire humaine. Les foules étant plus puissantes que toutes les intelligences et toutes les volontés individuelles, l’individu doit s’en protéger en les connais- sant. Par ailleurs, cette recrudescence des foules indique autant qu’elle prépare l’anéantissement prochain de notre civilisation ; ainsi est réclamé un nouvel idéal social, seul capable d’organiser positivement les foules et de redonner essor à une nouvelle civilisation. Voilà l’ensemble des thèses principales que, dans cette introduction, nous nous proposons de clarifier et de mettre en valeur en les confrontant ou en les rattachant à certains éléments du corpus des sciences sociales. Il s’agit aussi d’ouvrir la réflexion et la recherche vers d’autres points de vue. Cette inten- tion nécessite, par précaution, le repérage des défauts de cet ouvrage de Le Bon. Le premier défaut, et le plus apparent, découle d’une tendance de Le Bon à exprimer beaucoup trop sa personnalité et ses intérêts individuels (ce qui impulse d’ailleurs au style de l’ouvrage un certain tonus et une certaine élo- quence). Médecin de formation, bourgeois, faisant partie de l’élite intellec- tuelle et économique, il manifeste une propension à défendre les avantages de sa classe sociale à l’encontre de ceux des « foules » « populaires », de ces Bernard Dantier, Introduction à la psychologie de foules de Gustave Le Bon 5 ouvriers par exemple dont il parle avec un mépris mêlé de crainte. Le Bon proclame une nette hostilité à l’extension (nous dirions de nos jours « démo- cratisation ») de l’enseignement général, souhaitant au contraire celle de l’enseignement professionnel, seul adapté, selon lui, aux destinés du proléta- riat pour lequel il refuse autant qu’il nie la possibilité de toute promotion sociale. Dans le même mouvement il décrie la démocratie qui accorde des pouvoirs nouveaux aux classes paysannes et ouvrières. Conséquemment, il fustige le socialisme et toute organisation du même type susceptible de perturber l’ordre établi. Bref, Le Bon, en filigrane de son livre, n’apparaît pas sous les traits d’un personnage pleinement sympathique (d’autant moins que notre auteur donne cours à une croyance en la réalité des races humaines, quoique, à sa décharge, sa notion de race, n’étant ni claire ni cohérente, semble davantage basée sur une étiologie historique et culturelle que vraiment biologique, et ne comporte pas véritablement de hiérarchisation entre les hom- mes). En somme, quelquefois, la Psychologie des foules se dévoile quelque peu comme l’expression d’un réactionnaire, aristocrate et élitiste, foncière- ment individualiste. De la sorte, Le Bon manque à la neutralité scientifique. En outre, il ne témoigne pas non plus d’une forte rigueur dans la méthode scientifique. La conceptualisation (celle de « foule » par exemple, entachée de trop de conno- tations) reste inachevée ; la définition de l’objet d’étude demeure quelquefois trouble (notre auteur amalgame sous le terme de « foule » à la fois des ras- semblements de rues et des assemblées parlementaires); des contradictions logiques subsistent (comme cette ambivalence de Le Bon face aux foules qu’il présente concurremment comme milieu de dégradation humaine et comme moteur du progrès social). Il est regrettable que Le Bon soit plus descriptif (ce qui fait d’ailleurs les qualités de ses aperçus) qu’explicatif (ce qui en produit néanmoins les défectuosités). Volontiers elliptique et allusif (en cela il est fidèle à ses classiques et suit le style « à la française » de l’art d’écrire, déjà cher à Montesquieu), il laisse trop au lecteur le soin de reconstituer des mail- lons manquants dans le raisonnement et l’argumentation. Bien que possédant une formation scientifique dans le domaine médical, il dédaigne totalement la méthode expérimentale que pourtant Claude Bernard (1813-1878) avait introduite en médecine. On peut assurément regretter, mais cette attente serait peut-être anachronique, que Le Bon n’ait pas utilisé ni envisagé pour les foules les expériences de laboratoire qui ne seront que développées à partir des années 1930 aux USA puis en Europe à partir de 1950 sous le titre de « psychologie sociale ». Sous le critère sociologique, il pèche souvent en se contentant d’affirmer des thèses sans en faire préliminairement des hypothèses confrontables à l’épreuve des faits, validables notamment par des observations statistiques. Il néglige ainsi absolument de formaliser sa recherche en définissant par exem- ple des variables indépendantes nettes uploads/Litterature/ introduction-a-la-psychologie-des-foules-de-gustave-le-bon-por-b-dantier.pdf

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