Université Paris IV - Sorbonne U.F.R. d'études arabes et hébraïques U.F.R. d'hi
Université Paris IV - Sorbonne U.F.R. d'études arabes et hébraïques U.F.R. d'histoire Thèse pour obtenir le grade de docteur de l'université de Paris IV - Sorbonne Discipline : études arabes et histoire médiévale présentée et soutenue publiquement par Jean-Charles Coulon le 6 juillet 2013 à Paris La magie islamique et le « corpus bunianum » au Moyen Âge Directeur principal M. le professeur Abdallah Cheikh-Moussa École doctorale IV : Civilisations, cultures, littératures et sociétés Laboratoire de recherche : CERMOM (Centre de Recherches Moyen-Orient Méditerranée) Co-directeur M. le professeur Ludvik Kalus École doctorale I : Mondes anciens et médiévaux Laboratoire de recherche : UMR 8596 (Jeux et enjeux des pouvoirs, Ve-XVe siècles) Jury M. Jean-Patrice Boudet Professeur, Université d'Orléans M. Abdallah Cheikh-Moussa Professeur, Université de Paris IV M. Ludvik Kalus Professeur, Université de Paris IV M. Pierre Lory Directeur d'étude, EPHE Mme Catherine Mayeur-Jaouen Professeur, INALCO Jean-Charles Coulon La magie islamique et le « corpus bunianum » au Moyen Âge (Position de thèse) Quiconque s'intéresse à la magie en Islam rencontrera le nom du célèbre mais mystérieux al-Būnī (probablement mort en 622/1225) auquel est attribué une imposante somme sur les sciences occultes appelée Šams al-maʿārif al-kubrā (Le « grand » soleil des connaissances). Science des lettres (kabbale islamique), numérologie, astrologie, alchimie, science talismanique, science des carrés magiques1, cosmologie mystique, prières et invocations se mêlent et se côtoient dans cet imposant grimoire. Ce traité, maintes fois lithographié, réédité et réimprimé depuis la fin du XIXe siècle, est aujourd'hui largement diffusé auprès des professionnels de l'occulte comme auprès des particuliers curieux ou désireux de s'initier aux aspects les plus ésotériques de la religion islamique. L'historien se retrouve en revanche frustré par l'impossibilité de resituer ce traité dans l'histoire de la pensée islamique. Des chercheurs avaient souligné dans la seconde moitié du XXe siècle que les éléments anachroniques présents dans ce texte rendaient impossible sa rédaction au début du VIIe/XIIIe siècle, tout en indiquant qu'il existe d'autres versions, dont une courte (Šams al-maʿārif al-ṣuġrā : Le « petit » soleil des connaissances) qui serait la plus ancienne et la plus probablement écrite par al-Būnī. ➣ Projet initial C'est sur la base de ce constat que nous souhaitâmes éditer, traduire et analyser cette version courte du Šams al-maʿārif. L'avancée de ce travail allait néanmoins progressivement réorienter les axes de cette recherche. Le premier obstacle rencontré fut la masse de documents à dépouiller. En effet, en raison de l'incroyable succès du Šams al-maʿārif couplé à la relative méconnaissance de ce traité dans les milieux académiques, la masse de manuscrits pouvant correspondre — au moins en apparence — à la version courte du Šams al-maʿārif était considérable. Les auteurs des catalogues des manuscrits n'étant pas toujours capables de faire la distinction entre la version longue et la version courte, il s'est rapidement avéré qu'il nous fallait déterminer des critères risquant d'être arbitraires mais permettant de circonscrire la quantité de manuscrits conservés. Le nombre de folios était bien sûr un critère déterminant mais souvent trompeur : de nombreux manuscrits relativement courts correspondent à des fragments ou des manuscrits partiels de la 1 Un carré magique est un carré formé de cases contenant chacune un nombre différent. La somme des nombres de chaque ligne, chaque colonne et chaque diagonale est identique. C'est en raison de cette « disposition harmonieuse » (c'est précisément ce que signifie le terme de wafq qui les désigne en arabe) qu'on leur attribue des propriétés magiques. Jean-Charles Coulon - La magie islamique et le « corpus bunianum » au Moyen Âge 2/13 version longue, et les manuscrits plus longs peuvent être un recueil contenant la version courte ainsi que d'autres œuvres sur le même thème. La deuxième difficulté qui se présenta lors de ces premières investigations fut la présence d'éléments anachroniques également dans la version courte. De là, deux hypothèses s'offrirent à nous : soit al-Būnī n'est pas mort au début du VIIe/XIIIe siècle comme l'affirment les sources et le peu d'informations qui nous soit parvenu au sujet d'al-Būnī est faux, soit la version courte du Šams al-maʿārif n'est pas de lui, et cette dernière question pose alors le problème de savoir ce qu'al-Būnī aurait réellement pu écrire. Le projet initial d'éditer le texte du Šams al-maʿārif et de limiter nos investigations à ce seul traité nous sembla alors perdre beaucoup d'intérêt au niveau strictement historique et nous poussa à reconsidérer aussi bien l'histoire d'al-Būnī que de celle du « corpus bunianum » qu'on lui attribue et dont l'œuvre la plus emblématique (et une des seules éditées) est le Šams al-maʿārif. Poussé par cette conviction que cerner le Šams al-maʿārif ne pouvait se faire qu'avec l'appui des autres textes pouvant constituer le « noyau historique » de ses œuvres nous envisageâmes d'éditer, sur la base d'un ou plusieurs manuscrits selon nos possibilités matérielles, un corpus plus large et de le confronter à toutes les sources identifiées possibles qui évoquent ou citent al-Būnī ou qui purent servir de source d'inspiration aux différentes sections du Šams al-maʿārif. ➣ Orientations Un noyau d'œuvres se dégagea, composé d'al-Lumʿa l-nūrāniyya (La lueur luminescente), Laṭāʾif al-išārāt (Les subtilités des indices), ʿIlm al-hudā (La science de la voie droite), Mawāqif al-ġāyāt (Les étapes des buts) et Hidāyat al-qāṣidīn (La guidance des aspirants). La comparaison avec le Šams al-maʿārif fut fructueuse : elle montrait qu'elles ont été en partie recopiées pour constituer la base du célèbre grimoire, mais aussi que les nombreux ajouts que l'on ne retrouve pas dans ce « noyau historique » sont écrits dans un style ou traitent de thèmes trop différents pour être du même auteur et s'inscrire dans le même héritage. Enfin, un séjour à Damas nous donna l'opportunité de découvrir un manuscrit intitulé Šams al-maʿārif (appelé par commodité Šamsβ pour le différencier de son homonyme postérieur) dont le texte est radicalement différent du Šams al-maʿārif « classique », tant dans le style que dans les thèmes abordés, et qui ne contenait aucun anachronisme patent. La comparaison avec les références au Šams al-maʿārif que l'on trouve dans le « noyau historique » nous a convaincu qu'il s'agissait là probablement d'un texte ayant pu être écrit par al-Būnī et qui serait « l'authentique » Šams al-maʿārif, un ouvrage de mystique cosmologique très éloigné du grimoire magique auquel on l'associe. De là se pose naturellement la question de l'identité d'al-Būnī et des raisons qui firent de lui le prête-nom d'une abondante littérature ésotérique. Peu de choses Jean-Charles Coulon - La magie islamique et le « corpus bunianum » au Moyen Âge 3/13 étaient connues de lui. Nous découvrîmes plusieurs notices biographiques qui avaient été jusque là ignorées. Al-Būnī serait donc un soufi originaire d'Annaba (ancienne Bône, en Algérie actuelle) qui fut disciple de ʿAbd al-ʿAzīz al-Mahdawī (m. 621/1224), le cheikh de l'illustre soufi Ibn ʿArabī (m. 638/1240). Cette direction spirituelle explique l'association que l'on retrouve chez Ibn Ḫaldūn (m. 808/1406) entre Ibn ʿArabī et al-Būnī. Al-Būnī se situe, par son maître, dans la lignée des enseignements des mystiques andalousiens Ibn Masarra (m. 319/931) et Ibn Barraǧān (m. 536/1141), connus pour leurs enseignements ésotériques. On attribue à Ibn Barraǧān des prévisions (prise de Jérusalem en 583/1187) accomplies sur des bases numérologiques. On sait qu'al-Būnī s'installa en Égypte, sans que l'on ne puisse déterminer combien de temps. Pour certains il aurait ensuite gagné l'Orient avant de revenir et finir sa vie en Ifrīqiya, pour d'autres il serait mort au Caire. Nous avons des traces de son activité au Caire jusqu'en 622/1225, date supposée de sa mort, mais cette dernière est sujette à caution. Un article d'un chercheur américain publié il y a un an présente ces mêmes découvertes biographiques et parvient à des conclusions similaires2. Nous avons pu y ajouter néanmoins deux sources majeures. L'une, tardive, est issue d'un traité sur l'histoire d'Annaba : un habitant de la ville s'intéresse alors aux grands hommes qui y naquirent ou y vécurent. L'autre notice est le fruit de ʿAbd al-Raḥmān al-Bisṭāmī (m. 858/1545), un auteur prolifique sur les sciences occultes qui dédiait ses traités à d'importants notables et les rédigeait dans un style fleuri imitant les codes et la langue de l'adab3 classique. C'est à cet individu que l'on peut attribuer une grande partie de la légende d'al-Būnī : il rédigea des commentaires de ses œuvres, puisa largement dans celles-ci, rédigea la première notice hagiographique qui nous soit parvenue (reprise par la suite dans les traités consacrés aux soufis), etc. Nous avons également constaté que les œuvres de ʿAbd al-Raḥmān al-Bisṭāmī furent mises à contribution pour la rédaction du Šams al-maʿārif al-kubrā, marquant ainsi un tournant décisif dans la mise en forme du « corpus bunianum ». Ce fut également une des limites chronologiques à notre investigation de ce corpus. Les traités de ʿAbd al-Raḥmān al-Bisṭāmī établissent un lien évident entre adab et sciences occultes, entre le pouvoir et l'ésotérisme. Ce constat permet une approche quelque peu différente de la magie en Islam au Moyen Âge. En effet, les traités de magie sont souvent étudiés selon deux angles différents : soit du point de uploads/Litterature/ jean-charles-coulon-position-de-these.pdf
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- Publié le Fev 07, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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