Roland Barthes S/Z Éditions du Seuil Retrouver ce titre sur Numilog.com ISBN 97
Roland Barthes S/Z Éditions du Seuil Retrouver ce titre sur Numilog.com ISBN 978-2-02-124251-5 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. www.seuil.com © Éditions du Seuil, 1970 et novembre 2002 pour la présente édition tirée des Œuvres complètes III. Retrouver ce titre sur Numilog.com Ce livre est la trace d’un travail qui s’est fait au cours d’un séminaire de deux années (1968 et 1969), tenu à l’Ecole pratique des hautes études. Je prie les étudiants, les auditeurs, les amis qui ont participé à ce séminaire de bien vouloir accepter la dédicace du texte qui s’est écrit selon leur écoute. Retrouver ce titre sur Numilog.com Girodet, « Le Sommeil d’Endymion ». Retrouver ce titre sur Numilog.com I. L’évaluation On dit qu’à force d’ascèse certains bouddhistes parviennent à voir tout un paysage dans une fève. C’est ce qu’auraient bien voulu les premiers analystes du récit : voir tous les récits du monde (il y en a tant et tant eu) dans une seule structure : nous allons, pensaient-ils, extraire de chaque conte son modèle, puis de ces modèles nous ferons une grande structure narrative, que nous reverserons (pour vérification) sur n’importe quel récit : tâche épuisante (« Science avec patience, Le supplice est sûr ») et finale- ment indésirable, car le texte y perd sa différence. Cette diffé- rence n’est évidemment pas quelque qualité pleine, irréductible (selon une vue mythique de la création littéraire), elle n’est pas ce qui désigne l’individualité de chaque texte, ce qui le nomme, le signe, le paraphe, le termine ; elle est au contraire une diffé- rence qui ne s’arrête pas et s’articule sur l’infini des textes, des langages, des systèmes : une différence dont chaque texte est le retour. Il faut donc choisir : ou bien placer tous les textes dans un va-et-vient démonstratif, les égaliser sous l’œil de la science indifférente, les forcer à rejoindre inductivement la Copie dont on les fera ensuite dériver ; ou bien remettre chaque texte, non dans son individualité, mais dans son jeu, le faire recueillir, avant même d’en parler, par le paradigme infini de la différence, le sou- mettre d’emblée à une typologie fondatrice, à une évaluation. Comment donc poser la valeur d’un texte ? Comment fonder une première typologie des textes ? L’évaluation fondatrice de tous les textes ne peut venir ni de la science, car la science n’évalue pas, ni de l’idéologie, car la valeur idéologique d’un texte (morale, esthétique, politique, aléthique) est une valeur de représentation, non de production (l’idéologie « reflète », elle ne travaille pas). Notre évaluation ne peut être liée qu’à une pratique et cette pra- tique est celle de l’écriture. Il y a d’un côté ce qu’il est possible d’écrire et de l’autre ce qu’il n’est plus possible d’écrire : ce qui est dans la pratique de l’écrivain et ce qui en est sorti : quels textes 5 Retrouver ce titre sur Numilog.com accepterais-je d’écrire (de ré-écrire), de désirer, d’avancer comme une force dans ce monde qui est le mien ? Ce que l’évaluation trouve, c’est cette valeur-ci : ce qui peut être aujourd’hui écrit (ré- écrit) : le scriptible. Pourquoi le scriptible est-il notre valeur ? Parce que l’enjeu du travail littéraire (de la littérature comme travail), c’est de faire du lecteur, non plus un consommateur, mais un pro- ducteur du texte. Notre littérature est marquée par le divorce impi- toyable que l’institution littéraire maintient entre le fabricant et l’usager du texte, son propriétaire et son client, son auteur et son lecteur. Ce lecteur est alors plongé dans une sorte d’oisiveté, d’in- transitivité, et, pour tout dire, de sérieux : au lieu de jouer lui- même, d’accéder pleinement à l’enchantement du signifiant, à la volupté de l’écriture, il ne lui reste plus en partage que la pauvre liberté de recevoir ou de rejeter le texte : la lecture n’est plus qu’un referendum. En face du texte scriptible s’établit donc sa contre- valeur, sa valeur négative, réactive : ce qui peut être lu, mais non écrit : le lisible. Nous appelons classique tout texte lisible. II. L’interprétation Des textes scriptibles, il n’y a peut-être rien à dire. D’abord où les trouver ? Certainement pas du côté de la lecture (ou du moins fort peu : par hasard, fugitivement et obliquement dans quelques œuvres-limites) : le texte scriptible n’est pas une chose, on le trou- vera mal en librairie. De plus, son modèle étant productif (et non plus représentatif), il abolit toute critique, qui, produite, se confondrait avec lui : le ré-écrire ne pourrait consister qu’à le disséminer, à le disperser dans le champ de la différence infi- nie. Le texte scriptible est un présent perpétuel, sur lequel ne peut se poser aucune parole conséquente (qui le transformerait, fatalement, en passé) ; le texte scriptible, c’est nous en train d’écrire, avant que le jeu infini du monde (le monde comme jeu) ne soit traversé, coupé, arrêté, plastifié par quelque système sin- gulier (Idéologie, Genre, Critique) qui en rabatte sur la pluralité des entrées, l’ouverture des réseaux, l’infini des langages. Le scriptible, c’est le romanesque sans le roman, la poésie sans le poème, l’essai sans la dissertation, l’écriture sans le style, la pro- duction sans le produit, la structuration sans la structure. Mais les textes lisibles ? Ce sont des produits (et non des productions), ils forment la masse énorme de notre littérature. Comment dif- férencier de nouveau cette masse ? Il y faut une opération S / Z 6 Retrouver ce titre sur Numilog.com seconde, conséquente à l’évaluation qui a départagé une pre- mière fois les textes, plus fine qu’elle, fondée sur l’appréciation d’une certaine quantité, du plus ou moins que peut mobiliser chaque texte. Cette nouvelle opération est l’interprétation (au sens que Nietzsche donnait à ce mot). Interpréter un texte, ce n’est pas lui donner un sens (plus ou moins fondé, plus ou moins libre), c’est au contraire apprécier de quel pluriel il est fait. Posons d’abord l’image d’un pluriel triomphant, que ne vient appauvrir aucune contrainte de représentation (d’imitation). Dans ce texte idéal, les réseaux sont multiples et jouent entre eux, sans qu’au- cun puisse coiffer les autres ; ce texte est une galaxie de signi- fiants, non une structure de signifiés ; il n’a pas de commence- ment ; il est réversible ; on y accède par plusieurs entrées dont aucune ne peut être à coup sûr déclarée principale ; les codes qu’il mobilise se profilent à perte de vue, ils sont indécidables (le sens n’y est jamais soumis à un principe de décision, sinon par coup de dés) ; de ce texte absolument pluriel, les systèmes de sens peuvent s’emparer, mais leur nombre n’est jamais clos, ayant pour mesure l’infini du langage. L’interprétation que demande un texte visé immédiatement dans son pluriel n’a rien de libé- ral : il ne s’agit pas de concéder quelques sens, de reconnaître magnanimement à chacun sa part de vérité ; il s’agit, contre toute indifférence, d’affirmer l’être de la pluralité, qui n’est pas celui du vrai, du probable ou même du possible. Cette affirmation nécessaire est cependant difficile, car en même temps que rien n’existe en dehors du texte, il n’y a jamais un tout du texte (qui serait, par reversion, origine d’un ordre interne, réconciliation de parties complémentaires, sous l’œil paternel du Modèle repré- sentatif) : il faut à la fois dégager le texte de son extérieur et de sa totalité. Tout ceci revient à dire que pour le texte pluriel, il ne peut y avoir de structure narrative, de grammaire ou de logique du récit ; si donc les unes et les autres se laissent par- fois approcher, c’est dans la mesure (en donnant à cette expres- sion sa pleine valeur quantitative) où l’on a affaire à des textes incomplètement pluriels, des textes dont le pluriel est plus ou moins parcimonieux. III. La connotation : contre Pour ces textes modérément pluriels (c’est-à-dire : simplement polysémiques), il existe un appréciateur moyen, qui ne peut sai- S / Z 7 Retrouver ce titre sur Numilog.com sir qu’une certaine portion, médiane, du pluriel, instrument à la fois trop fin et trop flou pour s’appliquer aux textes univoques, et trop pauvre pour s’appliquer aux textes multivalents, réver- sibles et franchement indécidables (aux textes intégralement plu- riels). Cet instrument modeste est la connotation. Chez Hjelm- slev, qui en a donné une définition, la connotation est un sens second, dont le signifiant est lui-même constitué par un signe ou système de signification premier, qui est la dénotation : si E est l’expression, C le contenu et R la relation des deux qui fonde le signe, la formule de la connotation est : (ERC) R C. Sans doute parce qu’on ne l’a pas limitée, soumise à une typologie des textes, uploads/Litterature/ barthes-s-z-pdf.pdf
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- Publié le Sep 03, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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