John Williams Quelques éléments stylistiques Jacques Amblard, LESA (EA-3274) Ab
John Williams Quelques éléments stylistiques Jacques Amblard, LESA (EA-3274) Abstract : Le compositeur le plus fameux d’Hollywood n’est pas seulement un romantique. Son langage opère une synthèse originale entre romantisme, impressionnisme français, marches à la Prokofiev. Le musicien ajoute à ce mélange une connaissance unique et typiquement américaine des ensembles de cuivres. Par ailleurs, ses inventions mélodiques (ainsi une sorte de « diatonisme à accidents d’octave ») en font un digne musicien contemporain. Son succès, certes extraordinaire, fait également réfléchir au considérable pouvoir orphique de la musique associé à la toute puissance d’Hollywood en tant que quasi-monopole mondial du marché du rêve. Le fait que Williams se soit associé aux premiers « blockbusters », notamment à Star wars (1977), a-t- il permis aux USA de garder leur hégémonie mondiale après le premier choc pétrolier (1973) qui semblait pourtant sonner son glas avec celui des Trente Glorieuses ? Ce texte fut rédigé en 2012. Il est publié, avec quelques notes supplémentaires, en tant que « John Williams : parcours de l’œuvre » dans Brahms (encyclopédie en ligne de l’IRCAM), 2014. Ceci est la version originale révisée (octobre 2019). Résumé biographique John Towner Williams naît à New York le huit février 1932. Il commence l‘apprentissage du piano à l‘âge de huit ans, quand l‘Amérique s‘apprête à entrer en guerre (musique et contexte martial s‘associent donc à l‘origine). Il s‘installe à Los Angeles avec sa famille en 1948 où il étudie avec le pianiste-arrangeur Bobby Van Eps. À l‘atmosphère de New York et ses influences raffinées (européennes), le monde de l‘adolescent Williams mêle déjà Hollywood et son entreprise de divertissement planétaire. Il sert dans l‘armée de l‘air entre 1951 et 1954, en tant que musicien (chef et arrangeur). C‘est là qu‘il apprend l‘orchestration qui convient à la musique militaire (et plus tard, en un sens, à bon nombre de passages de films hollywoodiens), et notamment l‘optimisation des cuivres de fanfare. Il retourne s‘installer à New York, étudie un an avec Rosina Lhévinne à la Julliard School, joue dans des jazz clubs et des studios d‘enregistrement. Il s‘installe à nouveau sur la Côte Ouest, fréquente l‘Université de Californie (U.C.L.A.), étudie en leçons particulières avec divers professeurs dont Arthur Olaf Andersen et Castelnuovo-Tedesco. À partir de 1956, soit dès l‘âge de 24 ans, Williams s‘emploie à Hollywood en tant que pianiste de studio puis deux ans plus tard comme arrangeur et compositeur pour la télévision. Il compose pour des séries jusqu‘au milieu des années 1960, fait le pianiste, l‘arrangeur ou le chef d‘orchestre pour la maison de disque Columbia Records. Durant cette période, il commence aussi sa carrière de musicien de films, signe la bande originale de comédies, ainsi John Goldfarb please come home (1964) ou How to Steal a million (1966) et plus tard de films plus esthétiquement ambitieux comme Images (1972) ou The long goodbye (1973) de Robert Altman. Il semble brièvement devenir spécialiste de films catastrophes après le succès de The Poseidon Adventure (1972), dont la partition originale contient notamment l‘une des rares chansons à succès de son corpus (The morning after). C‘est au fond encore un film catastrophe (ou d‘horreur) qui accompagne ses débuts avec Steven Spielberg (Jaws, 1975 : Les dents de la mer). La collaboration avec le populaire metteur-en- scène a commencé un an au préalable, dans The sugarland express (1974) et se poursuit encore aujourd‘hui : Williams a signé la musique de tous les films de Spielberg depuis, à l‘exception de celle de The color purple (la partition est de Quincy Jones, le célèbre producteur arrangeur de Michael Jackson). L‘année 1977 sera cruciale pour la future carrière hollywoodienne si exceptionnelle : après l‘apparente spécialité du film catastrophe vient soudain celle, cette année-là, du film de science fiction. Williams s‘y associe non seulement à Close encounters of the third kind (Rencontres du troisième type) mais aussi et surtout à Star wars de George Lucas. Le musicien, manifestement convaincant, deviendra compositeur attitré de Lucas au même titre que de Spielberg. Les nombreuses musiques de films composées depuis, notamment pour Oliver Stone (Born on the fourth of july, 1989, JFK, 1991, Nixon, 1995) ou pour la plus récente saga des Harry Potter paraîtront alors presque curieusement négligeables en regard de ces réussites qui sont d‘une autre dimension, celle d‘un mythe populaire contemporain. En 1980, Williams succède à Arthur Fiedler à la direction du Boston Pops Orchestra. C‘est l‘occasion pour lui de composer de nombreuses pièces orchestrales de circonstances, dont un certain nombre de concertos (pour Tuba, 1985, violoncelle, 1994, basson, 1995, cor, 2003, alto, 2007). Le musicien aura déjà écrit, depuis les années soixante, des pièces symphoniques et concertantes, depuis son Essai pour cordes et sa Symphonie, tous deux écrits en 1966. On aura remarqué quelques brillantes fanfares occasionnelles – festives – ainsi pour les Jeux Olympiques de 1984. Ce seront cependant toujours ses partitions pour la toile qui feront sa renommée. Elles lui vaudront de nombreuses récompenses américaines parmi les Academy Awards ou Grammy Award. Éléments de style Évoquer, dans un cadre musicologique, comme ici, l‘oeuvre de Williams, semblerait imposer qu‘on se concentrât sur ses pièces de concert, « sérieuses ». On évitera ce choix exclusif pour plusieurs raisons. D‘une part il n‘est pas certain que le genre de la musique de film soit aussi mineur que l‘industrie du cinéma elle- même semble l‘avoir décidé, suite à certaines luttes de pouvoir, internes, entre réalisation, production, écriture de scénario, luttes dont la musique sort, semble-t-il, toujours rien moins que vainqueur : l‘adage aux accents presque masochistes de Bernard Hermann, musicien attitré d‘Alfred Hitchcock, est emblématique – « une bonne musique de film est celle qui passe inaperçue ». D‘autre part, les réussites en matière de musique cinématographique de Williams dépassent celles de tous ses collègues et de très loin, certes non pas d‘un point de vue esthétique a priori mais, du moins, sociétal. Depuis Star wars (1977), Williams occupe pour ainsi dire à lui seul une sorte de panthéon originaire de la musique du film planétaire. C‘est le genre du blockbuster qu‘inaugure La guerre des étoiles, premier1 succès « universel » de l‘histoire du cinéma (qui engendre notamment la commercialisation de produits dérivés, de jouets, etc.), film qu‘on peut appeler un phénomène culturel. Or, de ce succès Williams est en partie responsable et George Lucas (le producteur, scénariste et metteur en scène) en est sans doute conscient, peu ou prou : d‘un film à l‘autre de la saga, les acteurs peuvent changer, le musicien reste. Le seul fait qu'il puisse exister un Skywalker Symphony Orchestra est à cet égard éloquent. Quel autre personnage de fiction aura pu donner son nom à un orchestre ? Les thèmes des personnages de Star wars, à l‘instar – et d‘ailleurs inspirés – des leitmotive du Ring de Wagner, sont tous célèbres, un par un. Le plus fameux est sans doute cette Marche impériale associée, par le public, au personnage maléfique de Darth Vader. 1. Vader, cygne noir du XXème siècle Le thème de Vader contient, à lui seul, bien des éléments contitutifs du style de Williams. Aussi, il pourrait être utile de l‘analyser très en détail. Ses premières notes, qu‘on expose ici en la mineur/fa mineur, égrainent un arpège : la, la, la, fa, do-la, fa, do-la. Or, cet arpège est exposé aux cuivres à la plupart de ses apparitions. Ce choix trouve certes sa source dans l‘univers de la fanfare, familier au musicien depuis son engagement dans l‘Air Force au début des années 1950. Mais il est aussi plus généralement national, « américaniste », issu de Bernstein, de Barber, peut-être surtout de Copland, qui privilégie volontiers une tonalité robuste et les sections de cuivres brillantes. Et les États- 1 Les puristes parleront plutôt de ce précédent : Jaws (d’ailleurs également mis en musique par Williams). Mais la puissance onirique de ces Dents de la mer – certes célèbres – était-elle comparable à celle du futur opéra cosmique planétaire ? Unis sont bien sûr le creuset du jazz, notamment du jazz blanc qui fait la part belle, sinon aux arpèges, du moins aux sections de cuivres. Ce pays jeune est aussi grand amateur de parades et d‘hymnes militaires exaltés. Ces derniers hymnes résonnent déjà, certes de façon polytonale embrouillée, jusque dans « Putnam‘s camp, Redding, Connecticut » extrait de la suite pour orchestre Three places in New England de Charles Ives (1912). Par ailleurs, cet arpège cuivré se souvient d‘un autre Anglo-saxon, l‘Anglais Elgar, qui s‘est lui aussi illustré dans les pièces héroïques, martiales, aux accents officiels, ainsi la célèbre première marche de Pomp and circumstances (1901). Cette dernière influence est d‘autant plus repérable – peut-être aussi – qu‘elle est explicitement assumée, elle, par le compositeur. En fait, il faut penser surtout à l‘influence soviétique plus inavouable de Prokofiev, à moins que celle-ci n‘ait été relayée, dans le cas précis de Williams, par l‘exemple plus proche de Korngold. Car l‘arpège williamsien, ici, ne fonctionne si bien que parce qu‘il se ressource – directement ou non – au vif néoclassicisme du Russe. Williams n‘est un romantique uploads/Litterature/ john-williams-e-le-ments-de-style.pdf
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- Publié le Mai 13, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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