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1 L. de Milloué L. de Milloué L. de Milloué L. de Milloué L Le e B Br râ âh hm ma an ni is sm me e Dujarric et Cie, éditeurs, Paris, 1905 I. Brâhmanisme Malgré sa grande antiquité, ce n’est guère que depuis un siècle que la possession de ses livres sacrés et la connaissance du sanscrit, sa langue liturgique, nous ont fourni des données précises sur la religion du groupe ethnique qui, au jour de la séparation et de l’exode du berceau familial, a pris sa route vers l’Inde, tandis que les autres branches de la race aryenne ou indo-européenne venaient peupler et civiliser l’Europe. Jusque-là, nous 2 ne la connaissions très vaguement que par de rares allusions d’historiens et géographes grecs et latins, particulièrement de Mégasthénès, l’ambassadeur de Séleucus Nicator à la cour de Sandracottos ou Tchandragoupta1, roi de Magadha, par les récits trop souvent fantaisistes ou erronés de voyageurs doués de plus d’imagination et de crédulité que de science p002 d’observation, et par les renseignements, ceux-là assez exacts, de quelques auteurs arabes. Sa découverte fut une véritable révélation qui révolutionna le monde savant et concourut puissamment à la création de la science nouvelle de l’histoire comparée des religions. De même que les Grecs et les Latins, les anciens Indiens n’ont point donné de nom particulier à leur croyance nationale; ils la nommaient simplement, et leurs descendants la nomment encore, le Dharma, c’est-à- dire la Loi ou le Devoir. Nos anciens auteurs l’appelèrent Religion des Brâhmanes, d’où l’on a fait ensuite le terme Brâhmanisme. A leur tour, enfin, les savants qui l’étudient de nos jours ont cru devoir la diviser en trois périodes distinctes, qu’ils ont nommées Védisme, Brâhmanisme, et Brâhmanisme sectaire ou Hindouisme. Bien que correspondant en effet à des modifications profondes, ces termes ont peut-être le double inconvénient d’être arbitraires — car il est impossible de tracer une ligne de démarcation nette entre les époques qu’ils représentent et d’induire à croire qu’il s’agit de trois religions différentes, tandis que ce sont de simples phases d’une seule et même religion évoluant insensiblement, sous l’influence de spéculations philosophiques, du naturalisme polythéiste au panthéisme sans rompre pour cela la chaîne des antiques traditions primitives, et comme l’un de ses traits caractéristiques saillants est la suprématie universelle de la p003 caste sacerdotale des Brâhmanes, le nom de 1 Çandragupta, fondateur, vers 31 avant Jésus-Christ, de la célèbre dynastie Maurya qui réunit un moment l’Inde entière sous son sceptre. 3 Brâhmanisme nous paraît convenir mieux que tout autre à cette croyance envisagée dans son ensemble. Les Védas La religion indienne repose tout entière sur de très anciens livres appelés Védas, tenus pour être la source et le réceptacle de toute vérité et de toute science, que la tradition prétend avoir été dictés ou révélés par le dieu Pradjâpati2 ou Brahmâ à des sages inspirés, nommés Richis3, que l’on représente comme des fils et quelquefois comme les pères des dieux4. Ce mot, Véda, signifie «connaissance, science» (racine vid «savoir»); mais c’est exclusivement la science divine, considérée tantôt comme le souffle exhalé volontairement ou involontairement par l’éternel Brahma5, tantôt comme étant Brahma lui-même, tantôt enfin comme un son éternel, science qu’on ne peut acquérir par l’étude, mais qu’on reçoit par intuition ou, en d’autres termes, par révélation; c’est pourquoi les Védas qui la renferment ne peuvent être utilement communiqués que par une tradition orale de maître à disciple et non par l’écriture. Ces Védas, recueils d’hymnes versifiés, sont actuellement au nombre de quatre: le Rig, le Sâma, le Yadjour6 et l’Atharva, p004 mais pendant longtemps, même jusqu’à l’époque de Manou, les écritures indiennes n’ont jamais mentionné que les trois premiers, le Triple Véda; silence significatif qui, à défaut des indications fournies par le style de ce livre, suffirait à affirmer la date relativement moderne de la composition de l’Atharva. Avant tout, une question capitale se pose. Quel est l’âge des Védas? 2 Prajâpati. 3 Rsis. 4 Les Védas abondent en contradictions de ce genre. 5 L’âme universelle. 6 Yajur et aussi Yajus. 4 Il est évident qu’on ne peut accepter les dires sur ce point des auteurs indiens qui n’ont aucune notion de chronologie et jonglent à plaisir avec les milliards d’années, et depuis plus d’un siècle, les savants indianistes, mythologues et linguistes, discutent sans parvenir à se mettre d’accord sur une solution même approximative. Après leur avoir attribué au début, dans l’enthousiasme de leur découverte, une antiquité peut-être exagérée de plusieurs milliers d’années, on en est venu à prétendre les ramener à une époque postérieure à l’invasion d’Alexandre le Grand dans l’Inde, sous le prétexte, d’ailleurs loin d’être prouvé, que l’alphabet sanscrit, d’origine phénicienne, aurait été introduit dans l’Inde par les soldats du conquérant macédonien, et qu’il était impossible que des ouvrages d’une étendue aussi considérable aient pu se conserver pendant des siècles sans le secours de l’écriture. Récemment enfin, se basant sur le calcul astronomique de la position dans l’écliptique de quelques constellations lunaires, les p005 Nakchatras7, mentionnées dans le Rig-Véda, deux savants allemands, MM. Jacobi et Oldenberg, ont avancé, comme étant celle de la composition de ce livre, le premier la date de 4.800 ans, et le second de 2.600 ans avant notre ère. En réalité, tout ce que l’on peut dire, dans l’état actuel de nos connaissances, c’est que le plus ancien de ces livres, le Rig-Véda, est fort vieux, non seulement en raison de l’archaïsme de sa langue, mais encore et surtout par l’état très primitif de civilisation qu’il nous révèle, civilisation bien plus rudimentaire que celle dont le vieil Homère nous a tracé le tableau. De plus, les similitudes frappantes qu’on relève entre sa langue et sa mythologie et la mythologie et la langue grecques permettent de croire à leur parenté et d’admettre que, s’il a dû certainement subir de nombreuses modifications de forme au cours des siècles, il peut remonter quant à son fond à l’époque encore indéterminée de la séparation de la famille indo- 7 Naksatra. 5 européenne. D’un autre côté, l’objection tirée de l’ignorance de l’écriture jusqu’à l’invasion des Grecs dans l’Inde ne pourrait guère se soutenir, lors même que cette ignorance serait prouvée, par le fait bien connu que, dans l’antiquité, l’enseignement religieux se donnait oralement de peur qu’il ne tombât entre des mains profanes (tel, par exemple, que celui des mystères ou de la religion p006 des Druides) et que cet usage est de nos jours encore en vigueur dans l’Inde où, prétend-on, il n’est pas rare de trouver des brâhmanes capables de réciter un Véda d’un bout à l’autre. Il est probable, d’ailleurs, que les Védas se sont conservés à l’état fragmentaire dans plusieurs familles sacerdotales, que prétendent représenter actuellement les gotras8 (tribus) et les çâkhâs9 (écoles) brâhmaniques, et n’ont été réunis et classés dans l’ordre et sous la forme que nous connaissons que quand on s’est décidé à les confier à l’écriture, œuvre que les Indiens attribuent à un ancien sage, nommé Vyâsa10. Bien que leurs hymnes servent dans toutes les cérémonies publiques et privées, on ne lit pas les Védas: le prêtre officiant doit réciter, ou chanter, de mémoire les hymnes exigés par la liturgie; c’est de vive voix que le maître religieux, le Gourou, doit enseigner et expliquer vers par vers les textes sacrés à son disciple; le livre écrit ne sert que de guide ou de memento. S’il est le plus ancien, le Rig-Véda est aussi le plus p007 important pour la connaissance de la religion primitive de l’Inde; mais il serait dangereux de prétendre en tirer des indications sur l’histoire ancienne du peuple aryen, en dehors de l’état de civilisation encore très rudimentaire qu’il laisse soupçonner. Il se compose de mille dix-sept hymnes, versifiés 8 On compte 81 gotras de brâhmanes. Ce terme a pris cependant une acception plus large et plus générale; aujourd’hui la gotra est proprement la famille restreinte à la parenté au sixième degré; ses membres sont appelés Sapindas. 9 Écoles dans lesquelles se conservent certaines traditions d’interprétation et de prononciation des textes védiques; on en compte 1.130, dont 1.000 pour le Sâma, 100 pour le Yadjour, 21 pour le Rig, et 9 pour l’Atharva. 10 Personnage mythique auquel on prête la fondation du Vedânta et la composition du Mahâbhârata et des Purânas. 6 en mètres divers, attribués à de nombreux Richis inspirés, dont les noms sont soigneusement relatés en tête de chaque hymne, et répartis d’une manière arbitraire, à ce qu’il semble, en dix sections ou Mandalas, à l’exception de la neuvième entièrement consacrée au dieu Soma. Pour les Indiens, il renferme les éléments de toute science et de toutes les lois civiles et morales, et, de fait, à force d’en approfondir les textes, de les soumettre aux commentaires et aux spéculations les plus subtils, ils ont fini par en tirer réellement toutes leurs institutions religieuses et politiques. Pour nous qui, dégagés des traditions séculaires et des préjugés dans lesquels l’Indien est enserré, l’étudions à la lumière d’une critique impartiale, sans parti pris d’y découvrir autre chose que ce qui uploads/Litterature/ l-de-milloue-le-brahmanisme.pdf

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