45 Anna Ledwina Université d’Opole, Pologne aledwina@wp.pl Mots-clés : hybridat
45 Anna Ledwina Université d’Opole, Pologne aledwina@wp.pl Mots-clés : hybridation ; narration ; théâtre ; réplique ; didascalies Abstract: In Marguerite Duras’s L’Éden Cinéma, an autobiographical work which draws on Un Barrage contre le Pacifique, one can observe a combination of elements belonging to both prose and drama, which in effect creates the distinctive hybridity of the text. This observation will be the starting point of an analysis of Duras’s discourse, taking into consideration the aspect of her work in which the search for subjectivity becomes visible. The coexistence of elements proper to both genres in L’Éden Cinéma emphasizes not only the meaning of words but also nonverbal communication. By referring to various literary genres and styles, the author attempts to express intimate and implicit content; she presents her own path towards self-fulfilment by means of a writing that becomes “liberating”. The originality of Duras’s play consists in breaking dramatic conventions while returning to the traditional modes of portraying the literary text. This combination of diverse genres results in the emergence of hybrids, a process which may be observed in the structure of the play, especially in the characters’ dialogues and the stage direction (the role of didascalia). Keywords: hybridity; narration; drama; replica; didascalia La création de Marguerite Duras, représentante de l’écriture dramatique contemporaine, a fait couler beaucoup d’encre, ce dont témoignent des études Synergies France n° 8 - 2011 pp. 45-53 L’Éden Cinéma de Marguerite Duras comme exemple d’hybridation théâtre-récit-cinéma Résumé : La pièce de théâtre de Marguerite Duras L’Éden Cinéma, se référant au roman autobiographique Un Barrage contre le Pacifique, présente un mélange de récit et de théâtre pour aboutir à une hybridation générique. Le présent article se donne pour objectif d’analyser cet aspect de l’écriture durassienne, dans lequel la recherche de la forme est accompagnée d’une quête identitaire. La coexistence du théâtral et du romanesque dans L’Éden Cinéma permet de mettre en relief l’importance de la parole chez Duras, mais aussi la communication non verbale. Par un recours aux différents genres et styles d’écriture, l’auteure cherche à exprimer l’intime, l’implicite, et ainsi à s’affirmer grâce à la création qui devient une “libération”. L’originalité de la pièce de théâtre de Duras consiste également en la volonté de pervertir les conventions dramaturgiques et les codes, de renouveler les formes traditionnelles de la représentation du texte littéraire, qui se manifeste par la porosité des genres qui se retrouve dans la structure de la pièce, dans les répliques et dans les didascalies. 46 critiques et ses biographies (Papin, 1988). La lecture de ses textes montre une pratique exploratrice de la langue qui est « allégée, neutre, rapide et lancinante […], capable de saisir toutes nuances, d’aller à la vitesse exacte de la pensée et des images. […] cette prose […] est d’une formidable efficacité. À la fois la modernité, […] et des singularités qui sont hors du temps, des styles, de la mode. » (Nourissier, 1984 : III). La romancière cinéaste a réécrit ses œuvres dans lesquelles reviennent les mêmes thèmes, personnages et histoires, d’autant plus que les évènements, les dialogues, et les décors se font écho les uns aux autres : « [...] les transpositions à deux textes [...] sont nombreuses chez Duras, qui réécrit souvent ses textes pour la scène ou l’écran, et à qui il arrive aussi de tirer un texte en prose narrative de ses scénarios. Pour la prose adaptée au théâtre, les cas les plus connus sont sans doute les deux textes intitulés Des Journées entières dans les arbres [...] et puis L’Éden Cinéma [...]. » (Engelberts, 2001 : 229). Une œuvre en prose peut devenir une pièce de théâtre, étant donné que « Chez Duras, une même intrigue se prête tantôt à la littérature narrative, tantôt au théâtre, et tantôt même aux deux à la fois. » (Engelberts, 2001 : 225-226). Cela ne devrait pas surprendre chez l’auteure qui aime transposer son œuvre, surtout sur le plan thématique : « [...] on dirait qu’elle [Duras] écrit une autre variante du texte plutôt que de changer de genre même si le deuxième texte peut [...] être considéré à juste titre comme une adaptation puisqu’il a manifestement aussi changé de genre » (Engelberts, 2001 : 235). Nous nous efforcerons d’analyser la nouveauté de l’écriture de Marguerite Duras, à savoir la relation théâtre-récit-cinéma à l’intérieur d’un drame, en prêtant une attention particulière à l’aspect de l’hybridation du texte dans L’Éden Cinéma (1977). Une telle approche aboutira à montrer que la pièce durassienne, influencée par la pratique du scénario, s’inspire du roman, en renouvelant les structures traditionnelles du théâtre (Azama, 2003). Notre objectif sera également de démontrer la transgression qui se révèle dans la pièce, entre autres, par le mélange de genres et de plans (Combe, 1992), par les répliques et les didascalies narratives. La démarche proposée vise à aborder aussi un volet didactique afin de se situer dans les recherches actuelles sur la poétique du drame moderne et contemporain, en sensibilisant à une lecture multiforme du texte littéraire, ce dont les travaux de l’équipe de Paris III ont donné la preuve (Ryngaert, 1991). Dans les œuvres qui suivent Un Barrage contre le Pacifique (1950), y compris L’Éden Cinéma, l’action est limitée, ce qui est représentatif de la transition vers le Nouveau Roman, tout comme l’hybridation des œuvres, où il y a un brouillage des frontières génériques (Arnaud, 2001). Cette hybridation aboutit au fait que « le théâtre surgit au cœur du roman » (Rykner, 1988 : 142), ou, inversement, au fait que la narration apparait dans les pièces : « […] l’œuvre de Duras est frappante non seulement en raison des textes dramatiques où la narration occupe une place importante, mais encore en raison du nombre considérable de romans presque entièrement dialogués » (Engelberts, 2001 : 14). Ainsi il s’agit d’un texte hybride, dont l’expression a connu du succès avec l’œuvre de Duras qui a déclaré : « Je n’aperçois plus rien de différent entre le théâtre et le cinéma, le cinéma et l’écrit, le théâtre et l’écrit. » (Duras, 1977a : 23). C’est à partir de la parution de Détruire, dit-elle en 1969 que commencent les textes hybrides (Pinthon et al., 2005 : 47). Synergies France n° 8 - 2011 pp. 45-53 Anna Ledwina 47 Le dramaturge réécrit ses textes en changeant le genre, ce qui permet à la critique d’observer que « ces adaptations sont souvent élaborées à partir de textes dont la forme est proche du théâtre [...] » (Elgelberts, 2001 : 229), ou elles peuvent aboutir « à des textes qui restent marqués par la narration […] » (Elgelberts, 2001 : 229-230). Si Le Square (1955) appartient à la première catégorie, L’Éden Cinéma, adaptation théâtrale tirée d’Un Barrage contre le Pacifique, montée en 1977 par la Compagnie Renaud-Barrault, mise en scène par Claude Régy, s’inscrit dans la deuxième. Selon Arnaud Rykner , les deux œuvres Un Barrage contre le Pacifique et L’Éden Cinéma se ressemblent : En comparant hypotexte et hypertexte, on note […] une parfaite similitude structurelle. Aux deux parties du roman correspondent les deux parties de la pièce qui renvoient aux mêmes séquences chronologiques […]. […] à l’intérieur de chaque partie, les épisodes de L’Éden Cinéma répondent à ceux du Barrage : histoire de la mère, histoire du cheval, apparition de M. Jo, etc. Enfin, l’on retrouve exactement les mêmes personnages : la mère, Suzanne, Joseph, M. Jo et le Caporal. (Rykner, 1988 : 184) Au niveau de la forme, des proportions de récits et de dialogues les adaptations sont plusieurs fois similaires au texte hybride d’origine. Pour cette raison la critique parle d’une « indistinction des genres » (Engelberts, 2001 : 235). Ce procédé témoigne de l’évolution de l’écriture de Duras qui « nie [...] la distinction entre les deux champs [dramatique et narratif], qui n’en constituent en dernière analyse qu’un seul » (Engelberts, 2001 : 27). Ses textes se situent dans une zone de transition, ou d’interférences, dans l’instabilité d’un “entredeux” générique, où s’opèrent les glissements et mutations de toutes sortes. Mélange de genres et de plans Dans la pièce et dans le roman revient un thème centré sur un épisode de l’enfance de Duras, la lutte contre l’océan, qui sera repris trente ans plus tard dans L’Amant (1984). Il y est question des rapports qui lient les trois membres de la famille, de leurs difficultés financières, et de l’histoire de l’amant. Tandis que dans Un Barrage contre le Pacifique, la mère occupait une place centrale, dans L’Éden Cinéma ce sont les enfants qui deviennent les protagonistes les plus importants. La pièce présente en revanche le portrait de la mère plus suggestif, plein de contradictions. « À la fois présente et absente [...] » (Duras, 1977b : 27), cette protagoniste devient active seulement grâce aux conversations avec sa fille et M. Jo quand elle aborde le problème des barrages. La mère est l’observatrice de la pièce qui se déroule sous ses yeux, et à laquelle elle participe épisodiquement (Pellanda, 1994), « effacée de sa propre histoire » (Duras, 1977b : uploads/Litterature/ l-eden-cinema-de-marguerite-duras-comme-exemple-d-hybridation-theatre-recit-cinema.pdf
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- Publié le Mai 01, 2022
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