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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Article « L’ornementation de la musique française pour orgue de la première moitié du XVIIe siècle, d’après Titelouze, Mersenne et Denis » Vincent Brauer Canadian University Music Review / Revue de musique des universités canadiennes, vol. 20, n° 1, 1999, p. 41- 70. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/1015647ar DOI: 10.7202/1015647ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 17 November 2016 10:26 L'ORNEMENTATION DE LA MUSIQUE FRANÇAISE POUR ORGUE DE LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIIe SIÈCLE, D'APRÈS TITELOUZE, MERSENNE ET DENIS Vincent Brauer INTRODUCTION Dans la préface aux Hymnes de VEglise, publiées à Paris en 1623, Jehan1 Titelouze (v. 1563-1633) déclarait : La mesure & les accents sont recommandables tant aux voix qu'aux instru- ments, la mesure réglant le mouvement, & les accents animans le chant des parties [... ] Pour les accents, la difîculté d'aposer des caractères a tant de notes qu'il en faudrait m'en a fait raporter au jugement de celuy qui touchera, comme je fais des cadences qui sont communes ainsi que chacun sçait2. Si l'on comprend sans difficulté que Titelouze traite ici de l'ornementation de ses œuvres, il y a lieu néanmoins d'apporter quelques précisions sur le sens des mots « accents » et « cadences » en se référant au traité de Y Harmonie universelle (Paris, 1636) du Père Marin Mersenne (1588-1648), théoricien, contemporain et ami de Titelouze. À la Proposition XI de son Livre sixiesme de VArt de bien chanter, Mersenne définit le terme « accent » de la façon suivante : « L'accent, dont nous parlons icy, est une inflexion ou modification de la voix, ou de la parole, par laquelle l'on exprime les passions & les affections naturellement, ou par artifice3. » Si l'effet que produisent de tels accents lors de l'exécution d'une ligne mélodique consiste, comme le dit bien Titelouze, à en animer le chant, à lui donner vie, il est évident que leur concept dépasse la simple notion d'ornements et englobe tout naturellement expression, dynamisme et conduite des voix. Quant au terme « cadence », il a été longtemps 1 Selon les publications, on rencontre deux orthographes différentes du prénom de Titelouze, soit Jehan ou Jean. La première, qui sera utilisée ici, est celle qui figure sur Facte de naturalisation française qu'il avait obtenu en 1604 (son acte de naissance n'a pas encore été retrouvé); c'est également celle qui semble la plus couramment employée par les musicologues et qui figure dans le New Grove Dictionary of Music and Musicians. Néanmoins l'orthographe utilisée par l'auteur ou l'éditeur sera respectée dans les citations et les références bibliographiques. 2Jehan Titelouze, Préface aux Hymnes de l'Eglise, dans Œuvres complètes d'orgue de Jean Titelouze, éd. par Alexandre Guilmant (Mayence : B. Schott's Sôhne, 1967), 10. 3 Marin Mersenne, Harmonie universelle contenant la théorie et la pratique de la musique (Paris : Sébastien Cramoisy, 1636), réimpr. en fac-similé (Paris : Éditions du Centre national de la recherche scientifique, 1975), vol. 2, livre 6, 366. 42 CUMR/RMUC confondu avec le terme « tremblement » ou « trille » que l'on exécutait presque impérativement aux cadences. Parlant de la formation du jeune chanteur, Mersenne dit d'ailleurs à ce sujet : « on Tacoustume à faire les cadences, qui consistent aux roulemens de la gorge, qui respondent aux tremblements & aux martelemens que Ton fait sur le clavier de l'Orgue & de l'Epinette, & sur le manche du Luth et des autres instrumens à chordes4. » En 1699, Toinon met en évidence, dans son Explication des agréments, la confusion qui subsiste encore entre ces deux termes : « La cadence, qui est ordinairement accom- pagnée d'un tremblement; aussi dans l'usage en confond ces deux mots, la cadence, dis-je, est une conclusion de chant que l'oreille attend naturelle- ment5. » En langage moderne, la pensée de Titelouze peut s'exprimer ainsi : il est tout à fait légitime et même nécessaire de vouloir orner ses œuvres, mais il revient à l'interprète de trouver lui-même l'ornementation appropriée, puisque, pour des raisons techniques, aucun signe d'ornements n'a été apposé à l'édition de ses œuvres et que, par ailleurs, celui-ci exécutait ses cadences ou tremble- ments d'une manière commune à la plupart des organistes de son époque. L'interprète qui, aujourd'hui, aborde l'une de ses Hymnes ou encore tel verset de ses Magnificat publiés en 1626 réalise, à la lecture de ce commentaire de Titelouze, que ce qui semblait commun autrefois ne l'est plus de nos jours! Bien que la connaissance de l'ornementation utilisée par les organistes français de la première moitié du XVIIe siècle ne constitue qu'un des différents paramètres nécessaires à une bonne interprétation du répertoire de cette époque, elle se doit néanmoins d'être la plus exacte possible pour redonner à la musique son caractère originel et pouvoir la faire apprécier à sa juste valeur. Les recherches musicologiques entreprises jusqu'à présent ont permis de cerner avec suffisamment de précision les questions relatives à l'ornementation de la musique pour orgue du classicisme français, lequel s'affirme dès la publication, en 1665, du Premier livre d'orgue de Guillaume-Gabriel Ni vers (1632-1714). Par contre, l'ornementation pratiquée par les organistes durant la première moitié du XVIIe siècle ne semble pas avoir suscité autant d'intérêt. À ce jour, deux publications ont tenté d'en dresser un tableau. Il s'agit tout d'abord de l'article intitulé « Essai d'un commentaire de Titelouze par lui- même », rédigé par Denise Launay6. Constatant l'absence de signes d'orne- mentation dans l'édition des œuvres de Titelouze, Launay se tourne alors vers les ouvrages théoriques de l'époque et fait état des deux seules sources actuellement connues qui touchent à l'ornementation au clavier : le traité de VHarmonie universelle de Mersenne, déjà mentionné, et la seconde édition du Traité de l'accord de l'espinette, publiée à Paris en 1650, du facteur de clavecins et organiste Jean Denis (v. 1600-1672)7. 4lbid., 355. 5 Cité dans David Fuller, « An Unknown French Ornament Table from 1699 », Early Music 9, n° 1 (janvier 1981): 57. 6Denise Launay, « Essai d'un commentaire de Titelouze par lui-même », dans Recherches sur la musique française classique 5 (Paris : A. et J. Picard, 1965), 27-50. 7 Jean Denis, Traité de Vaccord de Vespinette (Paris : Ballard, 1650), réimpr. en fac-similé (New York : Da Capo Press, 1969). La première édition, datée de 1643, ne traite pas de l'ornementation 20/1 (1999) 43 Toutefois, Launay n'aborde qu'en partie le contenu de Y Harmonie univer- selle, relatif à l'ornementation. Après avoir cité les noms de trois ornements énumérés par Mersenne dans le Livre sixiesme des orgues*, elle se réfère au Livre sixiesme de VArt de bien chanter pour en connaître la signification. Or seul le « tremblement » ou trille y est décrit, ce qui amène Launay à émettre des suppositions quant au sens des mots « martèlement » et « battement » : il s'agirait, dans le premier cas, de « notes répétées » et, dans le second, « d'une variante du trille, agissant sur la note inférieure »9. En fait, Launay omet de mentionner que, dans ce même Livre sixiesme des orgues, Mersenne fait une seconde allusion à l'ornementation, renvoyant cette fois le lecteur désireux d'en savoir plus aux divers livres des instruments et particulièrement à celui du luth. Dans ce dernier livre, Mersenne décrit clairement la façon d'exécuter, entre autres, le « martèlement » et le « battement », descriptions qui ne concor- dent pas avec les définitions données par Launay. Quant au traité de Jean Denis, il est passé sous silence. Par ailleurs, si effectivement aucun signe d'ornemen- tation n'apparaît dans la première édition des deux recueils pour orgue de Titelouze, il s'y trouve de nombreux ornements écrits en toutes notes, qui constituent à eux seuls une source d'informations tout aussi précieuse que celle des traités théoriques de l'époque. Le second article, également consacré à l'œuvre pour orgue de Titelouze et rédigé par Nicolas Gorenstein10, se révèle plus éloquent que le précédent quant à l'ornementation : certains ornements notés dans l'édition des deux recueils de Titelouze y sont mentionnés et l'auteur, qui fait aussi référence au traité de Mersenne, affirme cette fois avec raison que les « "martellements" [...] ne sont autres que des pinces (souvent plus ou moins redoublés) [...]u ». Si l'aperçu des différents ornements utilisés à l'époque de Titelouze demeure juste, peu de détails nous renseignent sur leur réalisation. De plus, le traité de Denis n'y est pas pris en compte. Tributaire des limites de l'édition musicale de l'époque, la uploads/Litterature/ l-ornementation-de-la-musique-francaise.pdf

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