1 UNIVERSITE PARIS-SORBONNE École doctorale III : Littératures françaises et co
1 UNIVERSITE PARIS-SORBONNE École doctorale III : Littératures françaises et comparée Centre de Recherche en Littérature Comparée Thèse pour l’obtention du grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITE PARIS-SORBONNE Discipline : Littérature comparée Présentée et soutenue par Laetitia REIBAUD le 18 octobre 2014 L’ELEGIE EN EUROPE AU XX E SIECLE : Persistance et métamorphoses d’un genre littéraire antique dans les poésies européennes de langue française, allemande, anglaise, italienne, espagnole et grecque. Sous la direction de Jean-Yves MASSON – Professeur, Paris-Sorbonne Membres du Jury : Mme Dominique ARNOULD – Professeur, Paris-Sorbonne M. Pierre BRUNEL – Professeur émérite, Paris-Sorbonne Mme Michèle FINCK – Professeur, Université de Strasbourg Mme Christine LOMBEZ – Professeur, Université de Nantes M. Jean-Yves MASSON – Professeur, Paris-Sorbonne M. Jean-Michel MAULPOIX – Professeur, Paris III-Sorbonne nouvelle 2 POSITION DE THESE I. L’élégie, un problème de définition a/ Permanence et longévité de l’élégie Le genre de l’élégie passe pour s’être éteint avec le romantisme. Sous la rubrique « Élégie », les définitions des encyclopédies, manuels et dictionnaires courants comme spécialisés, publiés dans la seconde moitié du XXe siècle et au début du XXIe siècle, abondent en exemples pris à l’Antiquité romaine, à la Renaissance et surtout au Romantisme, mais ne s’avancent que très rarement à donner des références qui concernent le XXe siècle : après Goethe et Lamartine, on ne pense plus guère qu’à Jules Laforgue et ses Complaintes, aux poèmes de jeunesse de William B. Yeats, parfois aux Élégies de Rilke ; ces dernières font presque figure d’ultime sursaut, de tardif rejeton d’un genre qui aurait atteint son paroxysme dans la première moitié du XIXe siècle et appartiendrait désormais au passé. Il y a pourtant erreur de jugement : Rilke n’est pas le dernier représentant d’un genre mourant mais l’un des premiers poètes modernes à se ressaisir du genre et à ouvrir la voie d’une véritable renaissance élégiaque. Et il s’avère (Chapitre I) que le nombre d’œuvres littéraires intitulées ou sous-titrées Élégie(s) et publiées à partir de 1900 n’a cessé de croître durant tout le XXe siècle et notamment dans la seconde moitié de ce siècle ; de très nombreux poètes et non des moindres peuvent être cités comme auteurs de poèmes ou de recueils explicitement intitulés ou sous-titrés Élégie(s) : outre Rilke, ce sont par exemple Brecht, Bobrowski, Hilbig, Nelly Sachs ; Karyotákis, Vrettákos, Rítsos, Elýtis ; Apollinaire, Pierre Jean Jouve, Pierre Emmanuel, Grosjean, Guillevic, James Sacré, Claude Esteban, Emmanuel Hocquard – Senghor est lui aussi auteur d’élégies issues d’un métissage entre culture française et culture africaine – ; Juan Ramón Jiménez, Miguel Hernández, Luis Cernuda ; Montale, Pasolini, Quasimodo, Caproni, Zanzotto… L’élégie se présente sous forme de poème singulier ou bien, au pluriel, sous forme de section ou de recueil. La survie et le renouvellement du genre au XXe siècle est donc manifeste. L’élégie est née au VIIe siècle avant J.-C., en Grèce, sous la « plume », ou le « calame » de Callinos et Tyrtée. On la retrouve abondante au XXe siècle. Une telle longévité appelle à s’interroger sur trois points en particulier : dans quels « états », sous quelles formes et reposant sur quelle(s) définition(s) l’élégie existe-t-elle au XXe siècle ? Garde-t-elle des liens avec l’élégie antique et, de manière générale, avec la ou les tradition(s) élégiaques du passé, et si oui de quelle nature ces liens sont-ils ? Comment l’élégie a-t-elle survécu aux attaques virulentes des détracteurs de la poésie lyrique romantique dont elle était devenue l’emblème et par quoi se caractérise(nt) le(s) lyrisme(s) qu’elle met en jeu au XXe siècle, siècle où cette notion même de « lyrisme » s’est trouvée attaquée de toutes parts ? Ces trois interrogations structurent notre recherche. b/ Le problème de l’unité du genre et de la définition de l’élégie Derrière le titre Élégie(s) s’ouvre une très longue tradition poétique qui, depuis l’élegos archaïque, depuis l’élégie méditative, exhortative et gnomique de Tyrtée, Mimnerme, Solon, remonte jusqu’au XXe siècle en passant par la sentimentalité légère des poètes Romains, hésitant, à la Renaissance, entre badinage amoureux et plainte profonde, puis, au XVIIIe siècle, entre érotisme frivole et solennité de la méditation funèbre – méditation mélancolique sous la plume des romantiques. Les visages de l’élégie sont multiples. Ne peut- on même parler d’une pluralité de traditions élégiaques ? Au XXe siècle, le titre Élégie(s) place immédiatement, mais de manière confuse et indistincte, l’œuvre moderne dans la filiation des élégies du passé tout en invitant à une comparaison entre l’œuvre nouvelle et les œuvres anciennes. Mais à quelle(s) facette(s) de la tradition élégiaque faut-il rapporter les 3 œuvres du XXe siècle ? Si les Élégies à Lula de Rezvani, poèmes érotiques et piquants d’humour dédiés à une femme aimée, ou les Élégies de Jean Grosjean, poèmes d’amour à une défunte, s’inscrivent sans aucun doute dans la tradition de l’élégie amoureuse telle qu’elle a été initiée et forgée par les poètes romains, on ne peut guère en dire autant des Élégies de Duino, ni des Élégies d’Oxópetra, ni encore des Élégies d’Emmanuel Hocquard, par exemple : c’est donc que derrière le titre Élégie(s) se cachent non seulement une définition du genre à multiples visages mais une pluralité de conceptions du genre nées d’une tradition elle- même complexe et plurielle. L’étude du genre de l’élégie au XXe siècle implique que l’on soit capable d’en donner une définition (Chapitre II), qui nous permette de cerner ce qui rapproche ces œuvres les unes des autres et de comprendre en quoi consiste le genre. Or un double problème se pose. Face à la variété des élégies des siècles passés, tout d’abord, les théoriciens antiques et modernes ont peiné à donner de ce genre une définition cohérente, qui en assume la complexité et la diversité, qui prenne en compte toute l’élégie et non pas seulement une partie de ce qu’elle est, et ne soit pas tentée de verser dans une simplification et une unification réductrices ; les définitions qui en ont été données à toutes les époques constituent donc très généralement un point de départ insuffisant pour l’analyse de l’élégie du XXe siècle. Car l’élégie – et c’est le second volet du problème – a conservé sa variété au XXe siècle, malgré certaines tendances dominantes comme la mélancolie et le deuil, qui ne peuvent pourtant pas faire oublier les autres « modes », voire les autres identités de l’élégie qui persistent ou s’inventent. Pour distinguer ce qui relève directement ou indirectement de la tradition de ce qui relève de l’innovation, il nous faut impérativement tenir en main tous les « fils » qui constituent l’histoire complexe de ce genre. Nous ne pouvons nous en tenir à des définitions partielles – qui sont en outre, bien souvent, davantage fondées sur une idée de l’élégie, voire sur l’idée de ce que « doit » être l’élégie, que sur ce qu’elle est en réalité – ; nous ne pouvons non plus nous en tenir simplement à l’analyse de l’élégie du XXe siècle dont nous ne saurions expliquer la variété. II. Fondements antiques et modernes La seconde partie de notre étude s’intéresse donc à l’histoire de l’élégie et s’efforce de « démêler » l’intrication complexe d’héritages qui fait l’étoffe du genre ; car l’élégie du XXe siècle doit davantage être comprise comme le résultat d’une longue sédimentation d’expériences et de variations poétiques sur le nom d’élégie que comme un genre simplement « mélancolique » – ou même une simple « tonalité mélancolique » –, ayant perdu tout rapport direct, générique et formel, avec les traditions : car dans ce cas, à quoi bon le titre Élégie ? Partant du présupposé que ce titre n’est ni hasardeux ni simple indication tonale chez les auteurs du XXe siècle mais qu’il recouvre bien une réflexion sur le genre de l’élégie, nous posons donc l’hypothèse d’un lien réel et fort entre les élégies du XXe siècle et les élégies du passé, y compris les élégies antiques, grecques comme romaines. Aussi le rôle que nous donnons dans notre étude aux élégies du passé, et notamment aux élégies antiques, n’est-il pas restreint à celui d’une simple introduction conventionnelle ; à ces poèmes anciens qui indiquent par eux-mêmes, mieux que toute définition théorique, en quoi réside l’identité de l’élégie, il ne peut être fait allusion de manière passagère : nous comparons donc ces élégies du passé aux élégies du XXe siècle que nous voulons avant tout ré-enraciner dans leurs traditions. On a trop eu tendance, en effet, à séparer l’élégie antique de l’élégie moderne et à se contenter, pour l’étude du genre dans la modernité, d’un simple et rapide rappel soit de la tradition amoureuse romaine et d’une définition de l’élégie par la plainte amoureuse, soit de l’étymologie supposée d’élegos, « chant de deuil » en grec, relié bien souvent à quelques allégories fournies par les poètes, telle celle bien connue de Boileau, sans approfondir la connaissance des caractéristiques du genre antique et sans poursuivre plus loin la 4 comparaison1 ; il n’existe pas à notre connaissance d’étude comparant les traditions antiques et modernes. Il est résulté de cette uploads/Litterature/ l-reibaud-la-elegi-a-en-el-s-xx.pdf
Documents similaires










-
31
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 16, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0751MB