Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Univ
Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Paul Delbouille L'Actualité économique, vol. 69, n° 1, 1993, p. 8-44.Études littéraires, vol. 5, n° 2, 1972, p. 169-187. Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/602095ar Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/500235ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.htmlCe document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 22 October 2011 06:16 « L’Analyse textuelle » 169 L'ANALYSE TEXTUELLE paul delbouille Lorsque l'un des responsables des Études littéraires m'a demandé de donner à sa revue un article sur l'analyse textuel- le et lorsque, tout de suite après, j'ai accepté de répondre à une invitation qui est flatteuse à mes yeux, je n'ai pas deviné que j'allais me trouver embarrassé. C'est seulement plus tard, à l'instant où il a fallu tenir la promesse faite, que j'ai commencé à entrevoir toutes les difficultés de l'opération. Je ne pouvais de toute évidence faire aux lecteurs des Études littéraires l'injure de leur proposer une analyse comme celles que nous publions depuis maintenant treize années dans nos Cahiers d'analyse textuelle. Je ne pouvais pas non plus, parce que c'est impossible, leur expliquer par le menu ce qu'est une analyse textuelle, alors qu'il leur suffit, pour le savoir, d'en lire une. La solution qui me parut devoir être retenue consiste à mettre l'accent, en essayant de les justifier, sur un certain nombre de principes essentiels qui distinguent notre manière de faire d'autres entreprises comparables. L'exposé tel qu'on va le lire — je le dis moi-même pour désamorcer le reproche qu'on pourrait m'adresser — est très lacunaire et aussi, en plus d'un endroit, excessivement som- maire. Mais je crois que la nature même des questions abor- dées rend le débat impossible à vider. J'espère simplement que, telles qu'elles sont, les quelques pages que voici pourront servir à éclairer nos intentions. □ □ n ÉTUDES LITTÉRAIRES/AOÛT 1972 170 Je ne crois pas me tromper en pensant que Servais Etienne * serait le premier surpris s'il pouvait apprendre que l'analyse textuelle, telle qu'il demandait à ses élèves de la pratiquer il y a plus de trente ans, est considérée aujourd'hui par cer- tains comme une véritable «méthode», qui est digne de commentaires et sujette à discussion. Pour lui en effet, lorsqu'il renonça, vers 1935, aux travaux d'histoire littéraire auxquels il s'était consacré jusque-là et qu'il se mit à pratiquer ce qu'il a appelé l'« analyse textuelle », il s'agissait tout simplement d'entraîner ses élèves, futurs professeurs de français, à l'exercice exigeant d'une lecture attentive. L'essen- tiel de ses réflexions théoriques portait sur les raisons qu'il y avait, à ses yeux, de ne pas pratiquer inconsidérément l'his- toire littéraire, non sur les difficultés de principe qu'il peut y avoir à lire un texte. « Les conseils que les jeunes gens sont invités à suivre », écrivait-il, « se résument en quelques pro- positions ». Et il les formulait comme suit : Il faut lire attentivement, en songeant toujours que l'écrivain ne met à notre disposition que des mots ; En songeant toujours que l'écrivain sait ce qu'il fait, même quand la chance l'a aidé dans ses trouvailles ; Il ne s'agit pas d'expliquer l'idée de l'écrivain : c'est lui qui est là pour cela ; Si l'on n'est pas décidé à sympathiser avec lui aussi longtemps qu'il est possible, inutile d'essayer ; il faut se laisser aller naïvement à la suite des mots : c'est difficile et indispensable ; Mais le but n'est pas de noter la réaction du lecteur ; encore moins d'oublier cette réaction, sans laquelle le fait littéraire n'existe pas ; le but est de rendre compte des moyens du texte. l Servais Etienne a été chargé de cours puis professeur d'histoire de la littérature française à l'Université de Liège de 1923 à sa mort, en 1952. Après avoir publié des travaux d'érudition, parmi lesquels figure sa thèse consacrée au Genre romanesque en France depuis l'apparition de La Nouvelle Héloise jusqu'aux approches de la Révolution (Bruxelles, 1922), il s'est interrogé, dans sa célèbre Défense de la Philologie (Liège et Paris, 1933) notamment, sur la portée et l'intérêt de la discipline qui était la sienne. Il en est venu alors à la conviction que la première tâche du professeur de littérature était d'apprendre à lire à ses étudiants, ce qui l'a conduit à pratiquer, pendant vingt ans, ce qu'il a appelé l't analyse textuelle ». L'ANALYSE TEXTUELLE 171 Bref, pendant les deux premières années de leurs études, de dix- sept à dix-neuf ans, les élèves sont priés d'apprendre à lire [Expé- riences d'analyse textuelle en vue de l'explication littéraire, Paris, Droz, 1935 ; réédit. anastatique, Paris, Belles Lettres, 1967, p. 2). N'insistons pas sur les interrogations angoissées que ne manquerait pas de soulever, chez nos théoriciens d'aujour- d'hui, un programme aussi remarquablement court — aussi superbement naïf, penseraient-ils. Il faudrait se garder, pour- tant, sur la foi de ces quelques lignes, de croire que le bagage théorique de l'analyste est inexistant. L'analyse préconisée par Servais Etienne reposait, dès l'origine, sur des conceptions fermes, dont certaines sont restées implicites, mais dont d'autres, les principales sans doute, ont été formulées, que ce soit par la plume de Servais Etienne lui-même ou par la plume de ses héritiers 2. Et il n'est pas présomptueux de notre part de constater, en outre, que l'analyse textuelle a été ame- née tout naturellement à se poser depuis longtemps un certain nombre de problèmes que les spécialistes d'aujourd'hui sont en train de découvrir. Mais il est finalement vrai que l'analyse textuelle fait figure d'ingénue en regard d'entreprises mo- dernes dont les visées sont autrement ambitieuses et les manières autrement calculées. J'ajouterai même qu'il ne faudrait sans doute pas la solliciter beaucoup pour qu'elle s'avoue un peu étourdie par certaines des déclarations de principe qui sont faites à notre époque concernant la lecture, la littérature ou le langage. C'est qu'elle a toujours cru, elle, que la lecture d'un texte, au sens où le mot lecture est em- ployé tous les jours et où il figure dans les dictionnaires, est une activité possible et qu'elle conduit sans trop de mal ceux qui veulent s'y astreindre à un accord sinon total et absolu, du moins très largement suffisant, sur ce qu'on peut consi- dérer comme l'essentiel. 2 Les principes de l'analyse textuelle ont été illustrés et redéfinis, depuis 1959, dans les Cahiers d'analyse textuelle, fondés par le profes- seur Louis^ Remacle, à qui avait été confiée la mission de poursuivre l'œuvre d'Etienne. Dans ces Cahiers (Paris, Belles Lettres), on trouvera entre autres, outre deux textes capitaux de Servais Etienne lui-même (il s'agit du discours dont il sera question à la note 10, ainsi que de l'intro- duction aux Expériences citées plus haut, et qui a été reproduite dans le Cahier n° 2, 1960, pp. 5-20), de très éclairantes Remarques sur l'analyse textuelle formulées par Louis Remacle (no 4, 1962, pp. 5-15). ÉTUDES LITTÉRAIRES/AOÛT 1972 172 Il serait certes dangereux d'avoir trop d'assurance devant un problème qui se révèle — ne le nions pas — difficile par quelques-unes de ses implications. Encore ne faut-il pas le rendre plus malaisé qu'il ne l'est en alliant comme à plaisir les paradoxes aux sophismes. On nous dit maintenant qu'il n'y a pas de lecteur naïf — ou de lecteur moyen — , qu'il n'y a pas d'en-soi de l'œuvre, qu'il n'y a pas de simple lecture ; et que ces notions sur lesquelles repose l'analyse textuelle ne sont, tout compte fait, ni claires ni distinctes. Si l'on entend par là que les expériences de chacun influent sur sa vision des choses — et particulièrement sur sa manière de réagir à un texte ; que la résonance intime et délicate des mots n'est donc pas exactement la même chez tel homme et chez son voisin, on prononce une vérité incontestable mais qui ne met pas en cause l'exercice que nous proposons. En revan- che, si l'on veut nous faire croire, ce disant, qu'il n'y a dès lors pas d'accord possible, que toute lecture est admissible et que le texte n'est jamais qu'un point de départ pour des variations infinies et à chaque fois nouvelles, on ne se com- porte pas seulement comme celui qui jette l'enfant avec l'eau de son bain, on profère uploads/Litterature/ l-x27-analyse-textuelle-delbouille.pdf
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- Publié le Jul 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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