La décolonisation culturelle , un défi majeur pour le 21e siècle 20 . LE DIALOG

La décolonisation culturelle , un défi majeur pour le 21e siècle 20 . LE DIALOGUE EN TANT QUE CULTURE : LE CAS DE L'ISLAM * C'est dans ce pays que la première table-ronde Nord - Sud fut tenue en 1978, au siège de la Société pour le Développement International (SDI). Lors de cette rencontre , j'ai présenté un exposé dans lequel j'avais insisté sur le fait que les relations culturelles constituaient l'aspect le plus politique du dialogue Nord-Sud1 . Je maintiens toujours que la clé du développement de ces relations réside dans une reconsidération de fond en comble de la communication culturelle entre le Nord et le Sud, en général, et le monde judéo-chrétien et l'Islam en particulier. L'Occident nourrit, depuis plus de deux décennies, trois peurs ou obsessions : l'explosion démographique, l'Islam et le Japon2 . Bien qu'elles soient infondées, les raisons de ces appréhensions sont évidentes. La question de la démographie a un impact réel sur la distribution des richesses. La population des pays du Nord représente moins de 18% de la population du globe mais dispose de plus de 80% des ressources totales du globe. D'ici à l'an 2010, le poids démographique des pays du Nord descendra à 15% et pourrait même atteindre 12% en l'an 2040 . En 1900, l'Europe représentait 25% de la population mondiale. Ce chiffre chuta à 6% en 1990 et sera de moins de 3% à l'horizon 2025. Les craintes nourries vis-à-vis de la démographie et de l'Islam sont étroitement liées car le plus important taux de croissance démographique fut enregistré , ces dernières décennies, dans les pays musulmans. En 1985 , le Vatican a publié des statistiques indiquant que le nombre de musulmans (865 millions) excédait celui des catholiques ) 850 millions .( Quelques 10 millions de musulmans vivent en Europe occidentale. La communauté musulmane en France augmentera de 6 à 8 millions durant les 15 prochaines années et représentera alors plus de 10% de la population globale du pays3 . D'ici à l'an 2025, les musulmans représenteront un tiers de l'humanité4 . Dans l'ouvrage "L'Etat des religions dans le monde ," ) Editions la Découverte, Paris 1987), une note indique que , " pour la première fois dans l'histoire, le nombre des musulmans est désormais supérieur à celui des catholiques ." La même source donne les prévisions suivantes pour l'an 2000 : 1.132.541.000 catholiques et 1.200.653.000 musulmans . Ces données quantitatives ne doivent pas nous faire oublier des indicateurs qualitatifs relatifs au respect et à la pratique de la religion. La fréquentation des lieux de culte, le baptême des enfants, l'ordination des prêtres... Selon Futuribles "tous les critères de l'attachement au christianisme ) en Europe) sont en déclin"5 . La multiplication des campagnes dirigées contre l'Islam datent du milieu des années 80. En 1990, l'hebdomadaire anglais "The Economist"6 consacra une édition spéciale à l'Islam -le nouvel adversaire idéologique en lieu et place du communisme. Voici l'analyse de Jacques BAUMEL , membre du Parlement français et vice-président du Conseil de l'Europe : " Après l'effondrement du système soviétique et la fin du pacte de Varsovie, il est clair que l'OTAN , privée d'ennemis, n'a plus la même raison d'être que par le passé... Prenons garde à cet "arc diabolique" compris entre l'Algérie et le Pakistan, travaillé par les fondamentalismes anti-occidentaux... Désormais, le problème ne se pose plus en termes militaires ou même politiques, mais, de plus en plus, en termes historiques".7 La Guerre du Golfe aussi bien que les mouvements des communautés musulmanes de Yougoslavie et des républiques d'Asie ont accru ces craintes8 . Un sondage entrepris aux Etats-Unis en avril 1993 a donné les résultats suivants : Opinion positive sur les catholiques 73% Opinion positive sur les juifs 52% Opinion positive sur les musulmans 23% Les chiffres ci-dessus parlent d'eux-mêmes et expliquent, en partie, le problème de communication culturelle entre le monde judéo-chrétien et les pays musulmans. Quelques mois après ce sondage Samuel Huntington publia son article "Le conflit des civilisations " dans lequel il écrivait notamment : " Mon hypothèse est que la principale source de conflits dans ce nouveau monde ne sera pas foncièrement idéologique ou économique. Les grands différends qui y éclateront et la première source de conflit seront culturels... Le conflit des civilisations dominera l'actualité politique internationale. Les conflits entre les civilisations représenteront la phase ultime de l'évolution des conflits des temps modernes" 9 . Quinze ans auparavant, en 1979, le rapport du Club de Rome "On ne finit pas d'apprendre" avertissait déjà que , " L'identité culturelle au niveau national aussi bien qu'international reste une des nécessités psychologiques et non matérielles les plus fondamentales, susceptible de devenir une source de conflits de plus en plus graves entre les sociétés et au sein même de celles-ci. Le risque d'éclatement augmente à mesure que les effets secondaires des décalages historiques de l'apprentissage commencent à se faire sentir . Ainsi de nombreux responsables du Tiers monde étaient, et dans une large mesure sont encore , imprégnés des valeurs des systèmes d'apprentissage des anciens colonisateurs... Il y a tolérance mais non acceptation sincère des valeurs du Sud, faute d'un effort sérieux pour les comprendre" 10 . Le 2 octobre 1986, au cours d'une émission sur la chaîne de télévision japonaise NHK de Tokyo, au sujet de l'avenir de la coopération internationale, j'avais souligné que les conflits futurs auraient des causes culturelles. Ce qui m'a amené à qualifier la guerre du Golfe de 1991 de "la première guerre civilisationnelle"11 et à publier un livre sous le même intitulé. Huntington, par contre, est allé plus loin dans son analyse. Il parle d'une nouvelle menace planétaire ("Une connection militaire confuciano-islamiste") basée sur des critères spirituel et culturel . " Les échanges militaires, vieux de plusieurs siècles, entre l'Occident et l'Islam sont loin d'être terminés. Ils pourraient devenir beaucoup plus intenses. Une connection militaire confuciano - islamiste est née et se fixe pour objectif d'encourager ses adeptes à acquérir l'armement nécessaire en vue de faire face à la puissance militaire de l'Occident"12 Huntington parle de "frontières fatales de l'Islam" et propose des mesures pour "mettre un terme à la puissance expansionniste des Etats confucianistes et islamistes ," " profiter des différends et des conflits qui éclatent parmi les Etats confucianistes et islamistes", et "renforcer les institutions internationales qui reflètent et légitimisent les intérêts et les valeurs occidentales "... Les trois craintes sus-indiquées (la démographie , l'Islam et le Japon) sont devenues très étroitement liées, ces dernières années, et constituent à présent un ensemble de problèmes à part entière. Vers la fin des années 80, le Japon ne supportait plus les attaques de l'Occident et plus particulièrement celles des Etats-Unis. Dans un rapport de l'Institut Nippon pour l'Avancement de la Recherche (NIRA ,( intitulé "Agenda pour le Japon des années 90" publié en 1988 , le président de l'institut écrivit dans l'introduction : " Il n'est plus permis de voir le monde en termes de polarisation militaire, c'est-à-dire Pax Russo Americana. Il s'agit plutôt de percevoir l'ordre mondial différemment, en oubliant l'opinion adoptée pendant longtemps par les spécialistes , et qui considérait celui-ci du seul angle de la puissance américaine et ses pays satellites. Le nouvel ordre mondial pourrait être appelé l'ère de la diversité civilisationnelle, où coexisteraient différentes civilisations et cultures ." " La modernisation du Japon a démontré que la modernisation est différente de l'occidentalisation" a-t-il ajouté. La communication culturelle basée sur le respect de la diversité culturelle est devenue la condition sine qua non de l'instauration de la paix13 . Le dialogue est une valeur qui occupe une place particulière dans l'Islam. C'est une composante essentielle de toute la doctrine et de la pratique religieuse, à laquelle le Coran et la tradition du Prophète font beaucoup allusion. Le dialogue est, par conséquent, une valeur aussi spirituelle que culturelle qui appelle à la tolérance et encourage la diversité d'opinions . Si l'on doit retenir une et une seule caractéristique de l'Islam ce serait indubitablement le "dialogue". Pour les musulmans, l'Islam est la religion du dialogue par excellence puisque celui-ci est, également, considérée comme le langage des prophètes . Un ouvrage classique de Mohamed Hussein Fadlallah intitulé "le dialogue dans le Coran, ses règles, formes et contenu" met en exergue la place de choix qu'occupe le dialogue dans l'Islam14 . Fadlallah démontre comment l'Islam a vécu une période de déclin avec son corollaire de colonialisation et d'acculturation qui ont engendré une série de complexes. Il pense que le dialogue est, de nouveau, une des préoccupations majeures de ceux qui sont concernés par l'évolution de l'Islam. On en a besoin pour lever les obstacles psychologiques d'une génération qui a subi l'impact de la culture occidentale et qui doit concentrer ses efforts pour revivifier les valeurs de l'Islam. Avoir recours au dialogue est plus qu'un choix intellectuel, c'est un devoir dicté par l'Islam . Le concept du dialogue est prédominant dans le Coran , le terme spécifique s'y trouve à trois reprises15 alors que le mot "Jadal" qui signifie "débat", "argument"... est utilisé 27 fois. uploads/Litterature/ la-decolonisation-culturelle.pdf

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