2014 Nicolas Bouleau La modélisation critique Copyright © Editions Quæ, Versail

2014 Nicolas Bouleau La modélisation critique Copyright © Editions Quæ, Versailles Cedex, 2016 ISBN numérique : 9782759222018 ISBN papier : 9782759221998 Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. Présentation Aujourd'hui, le travail de l'ingénieur ou du chercheur se fait principalement à l’aide des modèles. Des sciences de la matière à la sociologie en passant par l'environnement et l'économie, la modélisation est devenue, grâce à l'informatique, le mode d'expression le mieux adapté à la préparation des projets et à la décision collective sous toutes ses formes, parce qu'elle met en œuvre naturellement l'interdisciplinarité indispensable aux problèmes complexes. Faut-il prendre ces modèles pour la vérité ? C'est ce que prétendent souvent leurs auteurs. Pourtant, on voit bien à travers des cas concrets qu'on aurait pu prendre les choses autrement, qu'une autre approche aurait fait apparaître d'autres aspects, d'autres idées, d'autres risques. Éclairé par diverses théories de la connaissance (W. Quine, T. Kuhn et U. Beck), ce livre montre que critiquer efficacement une modélisation nécessite de construire d'autres modèles du cas étudié. La contre-modélisation est la pratique indispensable aujourd'hui pour que la connaissance ne se cantonne pas à l'ésotérisme technocratique des boîtes noires ; elle doit être enseignée comme une dissertation scientifique, en suscitant la pensée critique. Un public large trouvera dans ce livre matière à réflexion : les chercheurs et les doctorants d'abord, en situation de construire des modèles ; les membres actifs des associations qui s'engagent sur le terrain et sur internet, et sont amenés à participer à des modélisations ; enfin les enseignants qui, utilisant à juste titre la modélisation à des fins pédagogiques, sont souvent mal à l'aise avec le parti pris inhérent à une démarche de représentation. Table des matières Présentation DES CONNAISSANCES D’UN TYPE NOUVEAU ? LA NÉCESSITÉ D’UNE PENSÉE CRITIQUE La modélisation : une connaissance socialement située LE TRAFIC AUTOMOBILE LE GÉNIE DES MATÉRIAUX UN BASSIN VERSANT LA PRODUCTION DE CONNAISSANCES QUESTIONS DE LANGAGE : LES SCIENCETTES Les mathématiques, ressource conceptuelle et syntaxique LE CALCUL INFINITÉSIMAL POLYSÉMIE, LOCALITÉ DE L’INTUITION LE MATHÉMATICIEN DÉCOMPILATEUR REMARQUES PÉDAGOGIQUES Le métier de veille du chercheur POPPER : UN CRITÈRE DEVENU NORME SOCIOLOGIE DES SCIENCES ET EXCÈS DU SOCIOCENTRISME L’ENGAGEMENT CRITIQUE DU SCIENTIFIQUE LA CONSTRUCTION SOCIALE DE L’INNOCENCE DU CHERCHEUR Modélisation de l’économie LE PROGRAMME DE GEORGESCU-ROEGEN LA DOCTRINE NÉOCLASSIQUE LA DÉCISION DÉCENTRALISÉE DE HAYEK ET LA MODÉLISATION LE CONCEPT DE MODÈLE-COMMENTAIRE Modèles et interprétation QUINE ET LA SOUS-DÉTERMINATION HANS JONAS ET ULRICH BECK : RESPONSABILITÉ ET RISQUE MILL ET LA RATIONALITÉ EXTERNE CONNAISSANCE POSTNORMALE La contre-expertise. Construction de co-vérités VERS UNE LINGUISTIQUE DES MODÈLES ANALOGIES AVEC LE PROJET D’ARCHITECTURE LE MODÈLE ET SES ORNIÈRES DE PENSÉE LA SCIENCE ET LA CULTURE CONSTRUCTION DE CO-VÉRITÉS Il y a toujours plusieurs « presque vrais » Index thématique A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W L Présentation ’objet principal de ce livre est d’intéresser les jeunes scientifiques, universitaires et ingénieurs, à une activité récente, mais qui joue déjà un rôle déterminant dans la société de plus en plus risquée que la technique instaure : la critique des modèles. Ils seront les seuls – grâce à leur formation – à pouvoir la mener et l’enseigner. Pour ceux, nombreux, qui pratiquent déjà la modélisation, l’ouvrage approfondit les enjeux politiques, sociaux et environnementaux, et plaide pour une démarche imaginative et critique. En effet, devant l’échelle et l’inertie du processus d’élaboration de connaissances scientifiques et de dispositifs techniques, on doit certes se réjouir qu’une pensée critique se maintienne chez les philosophes et les essayistes pour déchiffrer le monde contemporain et proposer des utopies nouvelles, mais on peut sérieusement se demander si le langage ordinaire a encore véritablement prise sur ce qui se passe entre la science et la vie économique, dans cette région immense où se situent tous les enjeux véritables. Pour porter la critique à ce niveau, il est nécessaire de développer la modélisation libre, indépendante et concurrente, et de l’enseigner comme on enseigne aujourd’hui la dissertation. Le terme de modèle, arrivé dans notre langue à la Renaissance en provenance d’Italie quand celle-ci régnait sur les arts, désignait à cette époque (et désigne encore) la personne qui pose dans l’atelier du peintre ou la maquette d’un élément architectural à réaliser. Originellement, le modèle est ce à quoi il faut se référer pendant la réalisation de l’œuvre. D’où l’idée d’exemplarité qui lui est attachée dans le langage ordinaire : « un modèle du genre », « les petites filles modèles ». Chez les ingénieurs et dans les textes scientifiques, l’évolution sémantique a été différente. Progressivement, l’acception de « schéma simple qui fait comprendre » s’est répandue en physique et de la physique aux autres sciences avec des nuances suivant les disciplines. Par exemple, la mécanique statistique ayant interprété la pression des gaz, la température et les autres grandeurs thermodynamiques par des propriétés liées au mouvement des particules de matière, leurs chocs, leur énergie, etc., il y avait contradiction apparente entre le caractère réversible des lois de la mécanique et les faits macroscopiques observés. Si on place des gaz différents dans deux compartiments d’un récipient qui communiquent, au bout d’un certain temps les deux gaz se mélangent. Ils ne se séparent plus spontanément pour revenir chacun dans son compartiment. Le modèle d’Ehrenfest est une représentation simple, grossière, d’une situation analogue qui fait apparaître pourquoi il n’y a là aucun paradoxe. Il omet les mouvements et les chocs et se borne à tirer au hasard une particule à chaque unité de temps et à la changer de compartiment. Les calculs sont aisés à mener et montrent que l’irréversibilité macroscopique n’est qu’apparente, le système revient à son état initial, mais après une durée si vertigineusement longue que cela ne se produit pas en pratique. Le modèle montre un monde simplifié, analogue à la situation étudiée, qui donc fait sens par cette ressemblance et éclaire le praticien par l’aisance qu’il a à l’appréhender. Il s’agit là de l’acception « scientifique » du terme de modèle, l’objet de notre investigation dans cet ouvrage étant beaucoup plus large. Le développement de l’informatique personnelle et de réseaux de forte puissance a fait naître une activité nouvelle, extrêmement importante économiquement et socialement, pratiquée par un grand nombre d’individus et dans des circonstances très variées, qu’on peut appeler la modélisation. Il s’agit de modèles évidemment, mais sans qu’on soit nécessairement dans les conditions d’élaboration de connaissances scientifiques. Ces représentations opèrent dans des contextes spécifiques, pour les décisions d’une entreprise ou d’un service ou en tant que moyen de communication sur des sujets précis, à la fois sociaux et techniques, entre intervenants concernés. Les mathématiques sont toujours présentes dans ces modélisations et leur donnent des insignes de sérieux ainsi qu’un certain hermétisme qui méritent examen. Mais ces mathématiques sont pratiquées par des chimistes, des électroniciens ou des économistes dans le cadre de problèmes où elles sont servantes de savoirs plus signifiants et aux enjeux plus forts. Ce couplage des mathématiques et de l’informatique dans les domaines les plus divers de la technique est un phénomène d’une telle ampleur qu’il modifie les fonctions de la science dans la société. Le métier d’ingénieur – au sens large qu’a ce terme en français – s’en trouve profondément transformé. Dans ces nouvelles pratiques, la notion de modèle prend sa dimension philosophique la plus intéressante car, si le scientifique se sert volontiers de modèles pour faire comprendre ses constructions théoriques, l’ingénieur ne dispose pas, le plus souvent, de théorie de référence qui soit le cadre de son action. Les modèles qu’il élabore l’engagent comme ses propos et ses actes, sans qu’il puisse prendre une distance, comme le scientifique classique qui tente un partage entre immanence sociale et connaissance. C’est la modélisation, en ce sens, que nous nous proposons d’étudier, tant dans sa nature cognitive que dans ses enjeux sociaux. Depuis les modèles climatiques jusqu’aux modèles financiers en passant par les modèles d’organisation de la production, certains prennent la posture de tout rejeter en bloc, sous prétexte que cela ne ressemble pas à la méthode enseignée par Auguste Comte. Au contraire, si l’on veille à ne pas les confondre avec la démarche d’objectivation scientifique lente, complexe et collective, il se dégage de ces outils d’expression une rationalité différente, plus ouverte, qui peut ouvrir la voie d’une certaine sagesse, tout à fait utile en ces temps perturbés. Cela suggère aussi un regard différent sur la science. La grande science nous fascine. Beauté de la gravitation newtonienne venant épouser les lois de Kepler, splendeur géniale de la relativité qui, de l’égalité de la masse pesante et de la uploads/Litterature/ la-modelisation-critique-nicolas-bouleau-bouleau-nicolas.pdf

  • 35
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager