Historia Mensuel N°698 Dossier A la lumière du passé, le présent s'éclaire La B
Historia Mensuel N°698 Dossier A la lumière du passé, le présent s'éclaire La Bible à l'épreuve de l'Histoire Les récentes découvertes de l'archéologie et les progrès de l'exégèse biblique montrent qu'une bonne partie de l'Ancien Testament relève de la légende. Si certains personnages, tels Moïse ou Salomon, sont probablement réels, d'autres, comme Abraham, sont purement imaginaires. Les meilleurs spécialistes ont passé à la loupe certains passages célèbres du récit biblique. En démontant point par point de nombreux mythes, ils livrent des conclusions surprenantes. Un dossier spécial sans parti pris religieux. La Bible à l'épreuve de l' Histoire Pendant longtemps, les scientifiques se sont efforcés de faire coïncider leurs découvertes avec le récit biblique. Il fallait en quelque sorte que leurs recherches viennent corroborer la véracité historique des Ecritures. Aujourd'hui, leur démarche est inverse : ils partent de ce qu'ils ont sous les yeux pour élaborer des théories. Et les résultats ont de quoi surprendre. Ainsi ne trouve-t-on aucune trace des pérégrinations d'Abraham, pas plus que de l'errance des Hébreux dans le désert du Sinaï, et encore moins des batailles de Josué ou de la conquête de Canaan. Que faut-il en penser ? Le texte biblique est l'expression d'une vérité, mais d'une vérité transcendée. Car, comme le dit Jeanne Chaillet : « Peu importe la vraisemblance. En théologie, la vérité est au-delà de la réalité. La Bible n'est pas un reportage, c'est un enseignement. » Genèse du Livre des livres La Bible rassemble des textes d'époques et d'auteurs divers. Le nom grec de cette collection - ta biblia , les livres - est à l'origine du nom qu'on lui donne aujourd'hui. Voici comment est née l'oeuvre fondatrice de la civilisation juive et chrétienne. Par Jacques-Noël Pérès * La Bible. A ce mot, qui est au singulier, on donne couramment pour équivalent l'expression « les saintes Ecritures », au pluriel cette fois, quoiqu'on n'hésite pas à parler de « l'Ecriture sainte », à nouveau au singulier. Mais revenons à notre mot « Bible », lui aussi au singulier. Il est calqué sur le grec ta biblia , c'est-à-dire « les livres », au pluriel. Tout cela ne paraît-il pas étrange ? Ce jeu, du singulier au pluriel et du pluriel au singulier, ne doit pas paraître étrange. Il est en effet très approprié pour souligner une caractéristique essentielle de ce livre unique, la Bible, qui est d'être composé d'une pluralité de livres. Ouvrons une édition moderne de la Bible. On y verra deux grandes parties, à savoir l'Ancien Testament - on dit quelquefois le Premier - et le Nouveau Testament. Ce terme « testament » mérite une explication. Les traducteurs grecs de la bible hébraïque ont rendu le mot hébreu berit , qui désigne l'alliance, par diathèkè , dont le sens est celui de disposition légale ou de pacte, d'où, lorsqu'il s'agira le moment venu de s'exprimer en latin, l'emploi de testamentum . Aussi, chaque fois que nous parlons de l'Ancien Testament ou du Nouveau Testament, nous devrions plutôt dire l'Ancienne Alliance ou la Nouvelle Alliance, étant entendu que les adjectifs « ancien » et « nouveau » doivent être respectivement compris comme qualifiant, l'un, l'aîné qui ne cesse d'être respectable et nécessaire, et l'autre, celui qui en provient et qu'il explique. C'est ce que souligne Origène, le grand érudit alexandrin (mort vers 253/254), lorsqu'il affirme que « dans les épîtres des apôtres qui nous ont été transmises, se trouve la pensée d'hommes sages dans le Christ et assistés par lui, mais qui ont besoin, pour être crus, du témoignage de la Loi et des prophètes ». On s'aperçoit que ces deux Testaments sont l'un et l'autre composés de plusieurs éléments divers. Pour désigner la Bible, les juifs emploient le terme Tanak , un acronyme formé de la première lettre de chacune des trois parties qu'ils y distinguent : T pour Torah , N pour Nebiim et K pour Ketoubim (en hébreu, on n'écrit que les consonnes), c'est-à- dire : la Loi, les Prophètes et les Hagiographes. Chacune de ces trois parties contient un nombre variable de livres. La Torah, ce sont les cinq livres que la tradition attribue à Moïse. Ceux-ci se présentent comme un ensemble cohérent dès la fin de l'époque perse, soit au plus tard au début du IVe siècle avant notre ère. Les Grecs l'appelleront Pentateuque, ou « Cinq rouleaux », car dans l'Antiquité, avant que les pages soient reliées, comme nos livres modernes, pour former un codex , les manuscrits se présentaient sous la forme d'un unique parchemin oblong que l'on déroulait au fur et à mesure de sa lecture. Les Prophètes, quant à eux, sont dans l'Ecriture juive divisés en prophètes antérieurs - en fait des livres relatant des événements de l'histoire du peuple hébreu -, et en prophètes postérieurs, qui ne sont pas vraiment comme le mot français le laisse généralement entendre, des hommes prévoyant l'avenir mais qui, davantage, proclament une parole présentée comme parole de Dieu. La rédaction des livres prophétiques est achevée au tout début du IIe siècle avant notre ère. Les Hagiographes, enfin, sont des livres pour la plupart poétiques ou sapientiaux (c'est-à- dire livres de Sagesse), dont la collection restera ouverte jusqu'à la fin du Ier siècle de notre ère. Le Nouveau Testament est aussi une collection de livres : quatre évangiles, qui ne sont pas des biographies de Jésus, mais un témoignage quadriforme rendu au Christ ressuscité à partir de certaines de ses paroles ou de quelques événements de sa vie ; ils sont suivis d'un livre historique, les Actes des apôtres, qui relate les tout premiers développements de la communauté chrétienne, de lettres, principalement de Paul, appelées épîtres, et d'une apocalypse. Les épîtres pauliniennes sont les textes les plus anciens, rédigés à partir de l'année 50, les évangiles ne semblant guère devoir être datés d'avant 60 ; les textes les plus récents, la 2e Epître de Pierre et l'Epître de Jude sont des écrits du début du IIe siècle. Tous ces livres, tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, n'ont pas été rédigés au même moment, ni a fortiori par le même auteur. Nombre d'entre eux sont d'ailleurs anonymes, quoique la tradition ait voulu parfois leur en attribuer un. Lorsque Jésus, dans les évangiles qui sont attribués à Matthieu, Marc, Luc et Jean, demande à ses interlocuteurs ce que Moïse leur a prescrit, il se range à cette tradition, qui voit en Moïse l'auteur de la Torah. Et si le Talmud, comme la plus ancienne tradition chrétienne, assigne le livre des Lamentations au prophète Jérémie, c'est pour la simple raison que, dans un autre livre de l'Ancien Testament, 2 Chroniques, un verset (35, 25) évoque sa complainte sur le roi Josias tué à Meguiddo. Plusieurs livres en revanche indiquent explicitement à qui ils sont dus. Parmi les livres poétiques, pour un livre de Job dont on ignore l'auteur, on connaît les Psaumes de David, qui cependant ne les a pas tous écrits, ou le Cantique des cantiques du roi Salomon. En ce qui concerne la datation de tous ces textes, elle doit être recherchée dans les événements qu'ils racontent ou dans les préoccupations diverses dont ils rendent compte. Il arrive en outre qu'un livre soit en fait la compilation d'écrits antérieurs. Prenons des exemples. Le livre de la Genèse, le premier livre de la Bible, rapporte dans ses deux chapitres initiaux deux récits de la Création suffisamment différents pour qu'il soit impossible de les faire concorder ; que ces deux récits aient été conservés puis placés côte à côte, signifie que ce qu'il faut y chercher n'est pas une réalité scientifique, mais une vérité théologique, à savoir que la Création est l'oeuvre de Dieu et qu'elle a été confiée à l'être humain, qui en devient ainsi responsable. Autre exemple : les spécialistes s'accordent pour la plupart à reconnaître dans le livre du prophète Esaïe, dont l'histoire littéraire est assez complexe, trois parties et trois auteurs de trois époques différentes, qu'ils nomment le proto-Esaïe, le deutéro- Esaïe et le trito-Esaïe ; tous trois cependant s'attachent à proclamer le salut que Dieu a promis et qu'il offre, ce qui les réunit. A cela s'ajoute une autre question, celle de la langue des écrits bibliques. L'Ancien Testament est rédigé en hébreu, mais quelques passages (dans le livre d'Esdras ou dans celui de Daniel) ont été conservés en araméen. Vint pourtant le moment où les juifs d'Egypte éprouvèrent le besoin d'avoir à leur disposition une Bible en grec, langue d'usage courant dans le royaume des Lagides, comme d'ailleurs dans l'ensemble du monde méditerranéen. C'est l'origine de la traduction grecque de l'Ancien Testament, appelée Septante (en abrégé LXX), commencée au IIIe siècle avant notre ère, poursuivie au IIe et achevée au Ier. Elle doit son nom à une belle légende, rapportée pour la première fois dans la Lettre d'Aristée à Philocrate mais bien des fois reprise ensuite, selon laquelle Ptolémée II Philadelphe désirait doter la toute nouvelle bibliothèque d'Alexandrie d'un exemplaire des lois des juifs. Dans ce but, il aurait convoqué six hommes distingués uploads/Litterature/ historia-n0698-la-bible.pdf
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- Publié le Dec 12, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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