LA RUPTURE DE BACHELARD AVEC BERGSON COMME POINT D'UNITÉ DE LA PHILOSOPHIE DU X
LA RUPTURE DE BACHELARD AVEC BERGSON COMME POINT D'UNITÉ DE LA PHILOSOPHIE DU XXE SIÈCLE EN FRANCE Frédéric Worms in Frédéric Worms et al., Bachelard et Bergson Presses Universitaires de France | « Hors collection » 2008 | pages 39 à 52 ISBN 9782130570264 DOI 10.3917/puf.worm.2008.01.0039 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/bachelard-et-bergson---page-39.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) La rupture de Bachelard avec Bergson comme point d’unité de la philosophie du xxe siècle en France Frédéric Worms Une rupture profonde entre un philosophe et un autre peut être l’occasion, pour celui qui rompt, non seulement de se découvrir et d’accéder à soi, mais aussi de révéler, chez celui-là même avec lequel il rompt, quelque chose d’essentiel qui sans doute n’aurait pas pu apparaître autrement. Tel fut selon nous le cas, lorsque Bachelard manifesta, au cœur même de son œuvre, sa rupture avec celle de Bergson. Cette rupture, ou les conséquences de cette rupture allèrent cependant plus loin encore, si loin, au-delà même peut-être de l’in- tention initiale de Bachelard, qu’elles en vinrent à masquer ces aspects essentiels non seulement de Bergson, mais de Bachelard lui- même, qui en faisaient encore une relation profonde. Ainsi, bien loin de contester qu’il y eut rupture entre ces deux philosophes, sur le problème déterminé et central du temps, notamment, nous soutien- drons ici que la radicalité de cette rupture, son excès en quelque sorte sur elle-même, en fit le motif d’une véritable discontinuité historique dans le siècle, entre deux moments philosophiques décisifs, au point de masquer ce qu’elle pouvait avoir de plus singulier. Au-delà même de la rupture de Bachelard avec Bergson, et à travers les arguments de Bachelard contre Bergson, c’est bien de la rupture avec le moment « 1900 » en philosophie tout entier qu’il s’agit, en tant qu’elle fonde un nouveau moment philosophique, celui de la Seconde Guerre mondiale (en France au moins), et peut-être encore au-delà. Telle est en tout cas l’hypothèse que l’on voudrait esquisser ici. 39 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) Pourtant, qu’il y ait encore une relation profonde dans cette rup- ture même, et que la relation avec Bergson soit nécessaire à Bache- lard pour accéder à lui-même, un premier fait nous l’indiquera. Ce n’est pas seulement le besoin qu’il eut de le manifester publique- ment, et même de la manifester deux fois au moins, dans des livres dirigés par leurs titres même contre Bergson (les deux seuls livres, en outre, explicitement métaphysiques, dans son œuvre, et qui la font pivoter). C’est aussi la relation même, très précise, on ne peut plus explicite, entre ces deux titres. En intitulant en effet successive- ment L’intuition de l’instant et La dialectique de la durée ces deux ouvrages de 1932 et de 1936, Bachelard ne fait pas qu’écarteler, pour ainsi dire, ce qui chez Bergson s’appellerait sans aucun doute l’intuition de la durée, et la dialectique de l’instant ! Il ne se contente pas même de souligner, déjà, que sa contestation ne por- tera pas seulement sur un problème, aussi central soit-il celui du temps, mais aussi sur la méthode, le passage de l’ « intuition » à la « dialectique » ayant autant d’importance que celui du temps à l’instant, et signant plus encore le passage d’un moment du siècle à un autre. Ce qui frappe plus encore, c’est la volonté de manifester entre ces deux pensées, au-delà de leur simple opposition, une sorte de chiasme, qui préserve les enjeux principaux en tant que tels, même s’il convient de les redistribuer : il y a encore une intuition, il y a encore de la durée, on ne se dispensera ni de ces catégories, ni de ces questions. Ainsi Bachelard fait-il partie de ceux qui rendent nécessaires, tout à la fois, la rupture avec Bergson, et la relecture de Bergson. Il est bien, en ce sens, à la croisée des chemins, en un point intense d’unité. Il reste, cependant, à comprendre comment la force même de cette rupture a pu masquer, pendant un temps, la nécessité de cette relecture. Les remarques qui précèdent dicteront donc leur mouvement aux analyses qui vont suivre. Il faudra revenir d’abord, en effet, sur les critiques adressées par Bachelard à Bergson dans ces deux admirables livres, pour montrer par quelle gradation elle est conduite à s’approfondir au point de s’excéder elle-même. 40 M é t a p h y s i q u e © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) Mais il s’agira ensuite de mesurer brièvement les effets histori- ques de cette rupture et de son excès, à la fois chez Bachelard lui- même, et dans le moment qu’il contribue ainsi à ouvrir. Ce sera sou- ligner deux des directions les plus importantes de ce moment philo- sophique qui a pour centre la Seconde Guerre mondiale : celui qui, en pleine lumière, accentue encore les thèmes opposés par Bachelard à Bergson, comme ce sera le cas, avant tout, chez Sartre et Merleau- Ponty ; mais aussi celui qui, dans l’ombre ou la pénombre relative, tout en partageant cette rupture sur des aspects essentiels, partage aussi la relation et même la reprise sur d’autres points, comme c’est le cas, avant tout, chez Jean Wahl et Vladimir Jankélévitch. C’est alors seulement que l’on pourra revenir, pour conclure, sur les aspects de l’œuvre de Bachelard, mais aussi de Bergson, trop méconnus peut-être, qui se trouvent soulignés ou révélés par cette rupture même, au cœur du siècle. les degrés d’une rupture : l’instant, le néant, l’image Ce qui caractérise la critique de Bergson par Bachelard, d’un des deux livres que nous venons d’évoquer à l’autre, c’est qu’elle ne cesse de se reprendre, mais aussi de s’approfondir. Ainsi, il nous semble qu’elle s’appuie dans les deux ouvrages sur trois thèmes principaux, présents dans l’un comme dans l’autre, mais que l’ac- cent passe cependant de plus en plus de l’un à l’autre, changeant radicalement, non seulement le thème, mais le ton et aussi la portée d’une critique, qui devient de plus en plus irréversible. Dans les deux livres en effet l’idée principale semble la même : il faut (selon Bachelard) renoncer à une image du temps continu, « positif » et plein, qui serait celle de Bergson, pour lui substituer l’image d’un temps discontinu et environné de néant ou « dialec- tique ». Mais du thème de la discontinuité, ou de l’instant, à celui du néant et de l’image, les enjeux s’accentuent autrement et s’ap- profondissent bien, en effet, de l’intérieur. 41 L a r u p t u r e d e Ba c h e l a r d a v e c Be r g s o n © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 11/01/2022 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.223) Ainsi, dans L’intuition de l’instant, le débat avec Bergson, qui met au premier plan la question de la continuité ou de la disconti- nuité du temps, aussi tendu soit-il, reste-t-il encore proche et presque intime. Certes, dès la première phrase du livre, l’évocation de la thèse sur laquelle porte le livre, et que Bachelard va défendre contre celle de Bergson, donne bien la mesure des enjeux, en liant la question de l’instant à celle du néant : « L’idée métaphysique décisive du livre de M. Roupnel est celle-ci : le temps n’a qu’une réalité, celle de l’instant. Autrement dit <et cet ajout est essentiel, il signe l’intervention même de Bachelard dans le débat>, le temps est une réalité resserrée sur l’instant, et suspendue entre deux néants » (Éd. Denoël-Gonthier, coll. « Médiations », p. 13). Mais il s’agit bien d’abord, pour Bachelard, de prouver la réalité discontinue de l’instant. Bergson est critiqué, et finalement aban- donné, au nom d’une expérience de l’instant qui uploads/Litterature/ la-rupture-de-bachelard-avec-bergson-comme-point-d-x27-unite-de-la-philosophie-du-xxe-siecle-en-france.pdf
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- Publié le Oct 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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