LA VENERABLE JEANNE D'ARC Lire dans l'avenir des événements au-dessus de toute
LA VENERABLE JEANNE D'ARC Lire dans l'avenir des événements au-dessus de toute prévi sion humaine,, c'est la prophétie. L'expression peut s'étendre et s'étendra ici à la manifestation de faits qui, parleur éloigne- ment dans l'espace ou le temps, par leur nature, dépassent la connaissance naturelle de celui qui les révèle. Don divin, il est l'objet de fréquentes contrefaçons, manifestées telles par leur non-accomplissement. La théologie catholique traite longuement de la prophétie, de ses diverses espèces, des signes par lesquels on dislingue une prophétie venant de Dieu des prédictions extraordinaires el surhumaines que peuvent faire les intelligences supérieures à l'homme, et ses ennemies', les démons. Ce serait sortir du domaine des Questions historicités que d'aborder des questions réservées aux revues théologiques. Ce sera au lecteur de tirer la conclusion des faits qui "vont passer sous ses yeux. Us sont empruntés aux contemporains. Les références, à moins d'indi cation contraire, renverront à l'un des cinq volumes de la Vraie Jeanne d'Arc, où l'auteur s'est appliqué à réunir tout ce que le xv e siècle nous a laissé sur la libératrice, et a apprécié la valeur des divers témoignages. La Pucelle n'a pas été seulement douée à un très haut degré du don de prophétie ; elle est du nombre des rares personnages, dont la venue à la vie et la mission ont élé clairement prédites longtemps avant leur naissance. Ces prophéties, confuses avant l'événement, qui justement ne trouvaient qu'une foi flottante auprès des hommes sérieux, préparaient cependant les esprits, à leur insu, à accepter, alors qu'il se produirait, le fait mer- PROPHÉTISÉE ET PROPHÉTESSE L A V K X É H A B L E J E A N N E D ' À R C . 29 veilleux, unique dans les annales humaines, qui esl l'histoire delà Vénérable Jeanne la Pucelle. 1. Qu'il courût une prophétie d'après laquelle la France, perdue par une indigne femme, Isabeau de Bavière, serait relevée par une Vierge, et que Jeanne s'en soit prévalue à l'entrée de la carrière, deux témoins, dont rien n'autorise à suspecter la sin cérité, l'attestèrent sous la foi du serment au procès dv réhabi litation. Ce sont Catherine Leroyer el Durand Loxarl. Durand Loxart est ce paysan qui ménagea la sortie de Jeannette, sa parente, de la maison paternelle. Dans sa déposition juridique, il disait : « C'est moi qui allai la chercher dans la maison de son père et la conduisis dans mon habitation. Elle me disait vouloir aller vers le Dauphin pour le faire couronner. N'a-t-il pas été prophétisé depuis longtemps (alias), affirmait-elle, que la France serait désolée par une femme el relevée par line Vierge , u2â2) ? Catherine Leroyer a, durant trois semaines, donné l'hospita lité à la jeune fille en voie de chercher, à Vaucouleurs, des guides vers le Dauphin. Dans sa déposition juridique, Catherine disait : « Pendant que sire Robert (de Baudricourt) se refusait à faire conduire Jeanne, je l'ai entendue répéter qu'il lui fallait aller au lieu où se trouvait le Dauphin. N'avez-vouspas, disait-elle, entendu citer la prophétie d'après laquelle la France serait perdue par une femme et relevée par une Vierge des frontières de Lorraine? Je me rappelai l'avoir entendue, el j'en fus dans la stupéfac tion » (11,225). Preuve que la prophétie, qui devait pourtant si bien se réaliser, n'avait trouvé auprès de la digne femme, pas plus qu'auprès des contemporains, qu'une faible et superficielle créance. U suffit d'ouvrir les registres du Parlement aux Archives nationales, sous le règne de Charles Vil, pour trouver, presque dans chaque grave affaire, le nom de Jean Barbin. C'était le grand avocat du temps. Il était présenl à Poiliers lorsque Jeanne y fut examinée. Cité au procès de réhabilitation, voici un pas sage de sa déposition : « Parmi les théologiens interrogateurs de Jeanne se trouvait maître Érault, professeur de théologie. 30 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. ÉraulL disait avoir entendu Marie d'Avignon lorsqu'elle était venue vers le roi ; elle lui avait prédit que le royaume passerait par de grandes calamités ; elle avait eu à ce sujet de nombreuses visions. Dans l'une d'elles, plusieurs armes lui furent présen tées ; elle en fut effrayée par crainte d'avoir un jour à s'en revê tir. U lui [fut répondu que ces armes n'étaient pas pour elle, mais pour une Vierge qui viendrait après elle; elle porterait cette armure et délivrerait la France. Maître Érault assurait être convaincu que Jeanne était la vierge annoncée par Marie d'Avi gnon » (IV, 143). Marie d'Avignon, connue aussi sous le nom de Marie Robine, de La Gasque, fut, sous Charles VI, très renommée comme pro- phétesse. 1 1 existe encore une preuve matérielle que, trente ou vingt ans avant l'événement, elle a prédit le genre de mort de Charles VII (voir Vraie Jeanne d'Arc, t. IV, p. 144). C'est une figure à tirer de l'ombre. Sa prophétie sur la Pucelle est citée par Scipion Dupleix, dans son Histoire de France (S vol. in-folio, 1621); par Rapin Toiras, dans son Histoire d'Angleterre; par Bodot de Juilly, Histoire de Charles VU (1697); par d'autres encore. Girard Machet, le disciple préféré de Gerson, le confesseur du roi, était réputé un des plus graves et des plus doctes person nages du temps. 1 1 examina longuement la Pucelle avec les maîtres les plus fameux qui s'étaient attachés à la fortune de Charles VII, et voici ce que, à la réhabilitation, Gobert Thibault, écuyer de l'écurie du roi, préposé aux aides dans la ville de Blois, attestait avoir entendu, tant du confesseur du roi que d'autres docteurs : « J'ai entendu feu le confesseur du roi affir mer qu'il avail lu des écrits, dans lesquels on annonçait qu'une Pucelle viendrait et porterait secours au roi.... Le même con fesseur et d'autres docteurs, moi l'entendant, disaient croire que Jeanne étail divinement envoyée, qu'elle était celle dont parlait la prophétie, el que, vu sa manière de vivre, sa simpli cité, sa conduite, le roi pouvait s'en aider; car ils n'avaient observé en elle rien que de bien, sans quoi que ce soit de con traire à la foi catholique * (IV, 132). Quel étail l'écrit dont il est ici question? 1 1 semble bien qu'il y en avait plusieurs. Il esl vraisemblable que c'est celui qui est attri bué à Merlin, et dont Jeanne fut amenée à parler dans son pro- LA V É N É R A B L E JEANNE D ' A R C . 31 ces. Interrogée sur l'arbre des dames, ou des fées, le beau May, après d'assez longs détails, elle ajouta : « Tout près de l'arbre, il y a un #bois qu'on appelle le bois Chenu. On le voit de la porte de la maison de mon père, il n'y a pas une demi-lieue de distance; je n'ai jamais ouï dire qu'il fût fréquenté par dames les fées. Quand je suis arrivée près de mon roi, quelques personnes me demandèrent s'il n'y avait pas dans mon pays un bois que l'on appelait le bois Chenu, parce que, disaient-elles, des prophéties annonçaient que d'auprès de ce bois devait venir une jeune fille, qui ferait des merveilles; mais je n'y ai pas ajouté foi » (II, 121). Le grand inquisiteur Jean Bréhal, l'âme du procès de réhabi litation, donne celte prophétie comme ancienne et fort répan due. Pierre Miget, prieur de Longueville-Giffard, qui, avant le retour de la Normandie à la France, était du parti anglais, dé posait, à la réhabilitation, a\oir lu dans un vieux manuscrit que, d'après Merlin, une pucelle sortirait du bois des chênes, au pays de Lorraine (V, 106). Dunois, qui rapporte aussi la prophétie dans sa déposition (IV, 187), le grave Thomassin, qui la cite dans son registre Delphinal (III, 258), ajoutent que, d'après la prophélie, la Vierge marcherait sur le dos des archers. Or, l'on sait que les archers faisaient la grande force des Anglais. Leurs traits portaient de loin le désordre dans la cavalerie française, el, quand elle vou lait pénétrer dans leurs rangs, elle s'enferrait dans les pieux aigus, armés de pointes de fer, que les archers opposaient au poitrail des chevaux. Le grand inquisiteur, Jean Bréhal, ne crut pas devoir passer sous silence d'autres prophéties, moins connues. L'on raconte, dit-il, qu'un habile astrologue de Sienne, Jean de Monlalcin, écrivit au roi les paroles suivantes : « Votre victoire sera dans le conseil d'une Vierge. Poursuivez votre triomphe jusqu'à la ville de Paris » (I, 494). Conseil excellent, suivi par Charles VII de si mauvaise grâce, qu'il laissa les conseillers qui le gouver naient .nénager un échec à la libératrice sous les murs de Paris. Bréhal cite encore d'autres prophéties qui, avec des parties obscures, renferment des passages fort clairs. Telle la prophétie d'Engelide, fille d'un roi de Hongrie. Le lis, ou 3a couronne de 32 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. France, y est décrit, comme croissant dans un délicieux verger. Des animaux divers, les uns étrangers (les Anglais), les autres nourris dans le verger (le duc de Bourgogne el les seigneurs félons), s'attaquent à uploads/Litterature/ la-venerable-jeanne-d-arc-prophetisee-et-prophetesse.pdf
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- Publié le Mar 24, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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