Haïm Vidal Séphiha Ladino (judéo-espagnol calque) et commentateurs In: Revue de
Haïm Vidal Séphiha Ladino (judéo-espagnol calque) et commentateurs In: Revue de l'histoire des religions, tome 188 n°2, 1975. pp. 117-128. Résumé Le présent article essaie de montrer comment, au cours des siècles, le ladino, langue liturgique, subit des changements malgré son caractère sacré. Ces changements sont soit linguistiques soit exégétiques. Les premiers, qui se révèlent aux niveaux de la phonétique, du lexique et de la morphologie, ont été étudiés ailleurs par l'auteur. Seuls les seconds font l'objet de la présente étude. Celle-ci se propose de déterminer quels commentateurs ont retenus les traducteurs des versions ladinas de la Bible, qui ont jalonné les siècles, et d'ouvrir ainsi la voie à des recherches à peine entamées. Citer ce document / Cite this document : Séphiha Haïm Vidal. Ladino (judéo-espagnol calque) et commentateurs. In: Revue de l'histoire des religions, tome 188 n°2, 1975. pp. 117-128. doi : 10.3406/rhr.1975.6131 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1975_num_188_2_6131 Ladino (judéo -espagnol calque) et commentateurs Le présent article essaie de montrer comment, au cours des siècles, le ladino, langue liturgique, subit des changements malgré son caractère sacré. Ces changements sont soit linguistiques soit exégétiques. Les premiers, qui se révèlent aux niveaux de la phonétique, du lexique et de la morphologie, ont été étudiés ailleurs par l 'auteur. Seuls les seconds font l'objet de la présente étude. Celle-ci se propose de déterminer quels commentateurs ont retenus les traducteurs des versions ladinas de la Bible, qui ont jalonné les siècles, et d'ouvrir ainsi la voie à des recherches à peine entamées. LE LADINO Le judéo-espagnol calque ou ladino est le produit de la traduction mot à mot des textes bibliques et liturgiques, hébreux ou araméens, en un espagnol qui semble remonter au xnie siècle1. C'est une langue dont la syntaxe est hébraïque ou araméenne et le lexique espagnol2. Sa fonction première fut pédagogique, mais, la langue de départ étant sacrée, le ladino, qui la calque aussi fidèlement 1) On en trouvera une étude approfondie dans nos travaux : a) Le ladino (judéo-espagnol calque) : « Deutéronome », versions de Constanti nople (1547) et de Ferrare (1553). Edition, étude linguistique et lexique, Paris, Editions hispaniques (Sorbonně), 1973, 620 p. Titre abrégé ainsi dans le restant de cet article : Le ladino... b) Problématique du judéo-espagnol, Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, 1974, t. LXIX, fasc. 1, pp. 159 à 189. c) Théorie du ladino : additifs, Mélanges offerts à Charles-Vincent Aubrun, Paris, Editions hispaniques, 1975, sous presse. 2) Sur l'évolution linguistique du ladino, qui n'est pas envisagée ici, voir notre communication « Diachronie du ladino » faite en avril 1974 au « XIV Congresso internazionale di linguistica e fllologia Romanza », à paraître dans les Actes de ce Congrès, ainsi que notre communication « Evolution du ladino (judéo-espagnol calque) du xine siècle à nos jours » faite en juin 1974 à la « Société des Etudes juives », à paraître dans la R.E.J. REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 4/75 118 REVUE DE L HISTOIRE DES RELIGIONS que possible, se sacralisa à son tour. Ainsi s'adjoignit-elle une fonction seconde, la fonction liturgique. C'est là aussi le sort que connut le judéo-araméen calque du Targoum. Alors que toute traduction répond grosso modo au schéma suivant : Ll > L2 (a) celle qui va de l'hébreu (H.) ou de l'araméen (A.) au ladino, répond au parcours suivant : Ll > LT > L2 (b) où Ll est la langue à traduire (H. ou A.) qui reste en filigrane, LT la langue traduisante (l'espagnol du xnie siècle susceptible de réactualisations au niveau des différents états de la langue vernaculaire des juifs hispanophones), et L2 la langue d'arrivée ou ladino. En (b), LT et L2 ne se confondent pas comme en (a). C'est là le propre de toute langue calque, judéo-, islamo-, voire christiano-, et à la limite hagio-langue calque1. 1) Le ladino s'insère en effet dans une théorie générale des judéo-langues, dont j'ai donné l'essentiel dans mes travaux cités en notes 1) et 2) supra. Il trouve par conséquent sa place dans le tableau suivant des judéo-langues : JUDÉO-LANGUES JUDÉO-LANGUES CALQUES judéo-araméen calque judéo-iranien calque judéo-grec calque judéo-latin calque (???) judéo-arabe calque judéo-italien calque judéo-espagnol calque ou ladino judéo-allemand calque ou kiiumesh- taytch judéo-français calque (???) JUDÉO-LANGUES VERNACULAIRES judéo-araméen vernaculaire judéo-iranien vernaculaire judéo-grec vernaculaire (???) judéo-latin vernaculaire (???) judéo-arabe vernaculaire judéo-italien vernaculaire (???) judéo-espagnol vernaculaire ou dju- dezmo judéo-allemand vernaculaire ou yid- disch judéo-français vernaculaire (???) JUDÉO-X CALQUE JUDÉO-X VERNACULAIRE C'est là une simple grille de travail qui sera retenue aussi longtemps qu'elle nous apportera de nouveaux éléments et facilitera la réflexion. Il faut insister sur le fait que la modalité calque est nécessairement antérieure à la modalité vernaculaire correspondante dont l'existence n'est pas toujours attestée. C'est précisément pour souligner le caractère hypothétique de celles-ci que je les accompagne de points d'interrogation (???) quand elles ne sont pas LADINO ET COMMENTATEURS 119 Nature du tadino Les quelques échantillons qui suivent, et les données bibliographiques des notes antérieures, permettront au lecteur de mieux saisir la différence essentielle qui existe entre une langue calque et une langue vernaculaire. a) Jérémie, II, 5 : Vpan "?ann ппк is^i traduit ainsi en 1568-15691 : / andubieron iras de la nadá i nadearon attestées. L'exemple du ladino coexistant en Espagne déjà avant 1492 avec les parlers de la péninsule sans qu'existât un parler propre aux juifs, ainsi que l'exemple du judéo-grec calque attesté tant par la version d'Aquila, que par les Hexaples d'Origène (cf. à ce sujet P. Nautin, Un critique biblique au IIIe siècle : Origène et les Hexaples, conférence prononcée le 29 avril 1972 à la Société Ernest-Renan), que par la version grecque calque du Pentateuque de Constant inople, m'ont permis de dresser ce tableau propre à la sphère du judaïsme. Bien qu'accompagné de points d'interrogation parce que non attesté dans le passé, on peut considérer que le judéo-français calque est représenté aujour d'hui par des traductions littérales de certaines prières qui figurent dans des calendriers du Consistoire de Paris et dont la fonction pédagogique est indéniable. Ainsi : « Et se fit le soir et se fit le matin jour sixième. Et furent terminés les cieux et la terre et toute la milice... » (Calendrier annuaire de l'Association consistoriale israélite de Paris, année 1973-1974, p. 92). La Bible hébraïque sous-tendant toutes ces judéo-langues calques, je me suis demandé si le Coran, autre texte sacré, n'avait pas donné lieu à des traduc tions littérales en diverses langues vernaculaires des nations musulmanes, langues qu'on pourrait par analogie avec les judéo-langues calques appeler islamo-lan- gues calques, l'arabe, cette fois, sous-tendant ces traductions. L'iranologue G. Lazard auquel je posai la question m'a répondu que cela existait effectivement en Iran. Je lui proposai la désignation suivante islamo-iranien calque et génér alisai en islamo-X calque (???) terme par lequel je désigne toute islamo-langue calque qui pourrait un jour être découverte. Je me posai alors la question de la nature de la Vulgate, qui pourrait nous appar aître comme un judéo-latin calque, mais adapté aux concepts du christianisme et dont pourraient exister des traductions littérales en diverses langues vernaculaires que je pourrais appeler christiano-langues calques, voire christiano-X calque. Judèo-, islamo-, christiano-, etc., toutes désignations rappelant une confession et qui dépassent de loin le seul cadre du judaïsme. Soucieux d'économie dans ma terminologie et désireux de généraliser j'ai proposé confessionno-langues calques dans un premier temps sachant très bien qu'il me faudrait alléger un jour ce terme par trop lourd. L'occasion m'en fut donnée récemment par mon ami linguiste, Claude Hagège qui me proposa hagiolecte, terme que je ne pouvais retenir sans détruire toute la structure de ma terminologie. J'en ai cependant retenu le premier élément hagio- qui me permet de substituer hagio-langues calques à confessionno-langues calques, les hagio-langues vernaculaires corre spondantes ne pouvant naître qu'à la faveur de conditions particulières (rupture d'avec la mère patrie, ghettisation, etc.) semblables à celles qui présidèrent à la naissance des judéo-langues vernaculaires. 1) Cf. mon D.E.S. actuellement en réélaboration : Les traductions judéo- espagnoles du « Livre de Jérémie » imprimées au XVIe siècle. Edition et élude 120 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS où le mot à mot fidèle est respecté au point que, hbl étant la racine commune aux deux derniers mots du texte hébreu, sur le substantif traduit par nada a été créé le verbe nadear, qui selon Corominas1 ne fut recréé que beaucoup plus tard en Amérique latine. La Bible de la Pléiade* en donne la traduction suivante : pour qu'ils marchent derrière le néant et deviennent néant et la Biblia de Jerusalén3 : y yendo en pos de la Vanidad se hicieron vanos. La traduction de Salonique est sans contredit la meilleure et la plus fidèle à l'hébreu4, la plus réussie et la plus concise, aussi concise que l'original et une copie conforme de celui-ci. Mais il n'en est pas toujours ainsi, peu s'en faut. Ainsi, pour b) Exode, XII, 2 : nawi •'tïnnV dd1? юл ptwn rrenn wm пэ1? лтл ttnnn en 15475, on aboutit à un mot à mot fidèle à peine compréh ensible pour les uploads/Litterature/ ladino-judeo-espagnol-calque-et-commentateurs-h-v-sephiha.pdf
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- Publié le Mar 21, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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