Alphonse de LAMARTINE, Le Lac (Les Méditations poétiques (1820) En 1816, à Aix-

Alphonse de LAMARTINE, Le Lac (Les Méditations poétiques (1820) En 1816, à Aix-les-Bains, près du lac du Bourget, Lamartine a fait la connaissance de Julie Charles, qu’il va immortaliser sous le nom d’Elvire. L’année suivante, il revient dans ce paysage qui a été témoin de leur bonheur, mais cette fois il est seule. La jeune femme, épouse d’un célèbre physicien, n’a pu venir, elle est malade et va bientôt mourir. Le battement régulier des flots sur la rive du lac ravive le souvenir des jours heureux, mais évoque aussi la fuite du temps. Rien ne dure, pas même les choses les plus pures. Le Lac est le poème le plus célèbre des Méditations poétiques. IL est devenu une sorte de symbole littéraire de la fusion romantique entre nature et sentiments. Le poème se compose de 16 quatrains, ayant généralement trois alexandrins et un hexamètre. Seuls les sizains de la deuxième partie (strophes VI-IX) présentent la structure suivante : alexandrin, hexamètre, alexandrin, hexamètre. Toutes les strophes ont des rimes du type suivant : A-B-A-B. Dans la première partie (strophes I-V), le poète médite sur le thème de la fuite du temps, tout en décrivant le lac et une promenade effectuée l’année précédente avec sa bien-aimée sur le lac, auquel il s’adresse comme on s’adresserait à un ami, à un confident. Dans la deuxième partie (strophes VI-IX), Lamartine rappelle un discours prononcé par Julie Charles qui exprime avec force et tristesse le thème de la fuite du temps et invite à profiter de la vie. Dans la troisième partie (strophes X-XII), le poète reprend en manifestant sa révolte les propos de Julie sur la fuite du temps. Dans la dernière partie (strophes XIII-XVI), le poète s’adresse à la nature et après avoir médité une énième fois sur le caractère éphémère de toute chose humaine, il lui demande de garder au moins le souvenir de l’amour qu’ils ont éprouvé. Dans la première strophe, le poète exprime avec une question rhétorique le sujet qui va dominer toute la composition, c’est-à-dire celui de la fuite du temps, en lui donnant pratiquement une connotation philosophique. Il le fait en utilisant des mots appartenant au vocabulaire marin (« rivages », « océan », « jeter l’ancre »). A noter que le poème commence par le mot « ainsi », comme pour donner la perception que le poème commence après une longue et profonde méditation. L’homme est poussé vers « la nuit éternelle » inéluctablement : rien ne peut arrêter le temps qui passe. Dans la deuxième strophe, le poète s’adresse directement au lac et le tutoie comme s’il s’agissait d’un ami, d’un confident. Il évoque Julie [immortalisée dans d’autres compositions par le prénom Elvire, une sorte de pseudonyme, un senhal semblable à ceux des troubadours du Moyen-Age pour ne pas révéler le nom de la femme aimée, généralement la femme d’un autre] par le pronom personnel « elle » et si les flots sont « chéris », c’est parce qu’ils ont été témoins de cet amour. Le poète demande au lac d’observer qu’il vient « seul » (noter la position forte de cet adjectif à la césure du vers) s’asseoir sur une pierre que le lac connaît bien : c’est celle sur laquelle le poète et Julie allaient habituellement s’asseoir. Dans la troisième strophe, Lamartine observe que la nature est actuellement agitée (« tu mugissais », « tu te brisais », « le vent… ») comme elle l’a été l’année précédente. A noter que l’on passe de sonorités rudes, par le biais de l’allitération en « r » (les 2 premiers vers) à des sonorités douces, en correspondance avec l’évocation de Julie (les 2 derniers vers). Les pieds « adorés » de Julie pour le poète sont un peu la reprise de « flots chéris » du vers 6. A l’adoration pour Julie correspond en quelque sorte l’adoration pour la nature. Dans la quatrième strophe, le poète demande au lac de se souvenir d’une promenade silencieuse qu’il avait faite avec Julie. Ici c’est le troisième vers de la strophe qui contient l’allitération en « r », pour représenter le bruit des rameurs dans un contexte de silence et d’harmonie générale dans lequel se déroule la promenade des deux amoureux. La cinquième strophe sert d’introduction à la deuxième partie : Julie va parler et la nature est totalement à l’écoute de Julie, comme sous l’effet d’un sortilège, de quelque chose de magique, de divin (« le rivage charmé », « accents inconnus à la terre » ; « le flot fut attentif »). Dans la sixième strophe, Julie demande au temps, qu’elle apostrophe directement, de s’arrêter et de permettre à elle et à son amoureux (amant) de « savourer les rapides délices », c’est-à-dire de jouir 1 au maximum des moments les plus beaux de leur relation amoureuse. Ce sont des délices « rapides », car ils sont destinés à finir inexorablement. Dans la strophe successive Julie demande au temps une chose impossible. Elle voudrait qu’il ait un double rythme : un très rapide pour les malheureux et un très lent pour les heureux (ou mieux encore qu’il ne passe pas). Le temps, nous le savons, passe de la même façon pour les uns et pour les autres. Dans la strophe VIII, Julie prend conscience que sa demande précédente est absurde, car le temps s’échappe, et avec l’utilisation d’un enjambement, (« …l’aurore/Va dissiper la nuit. »), elle nous dit que le jour met fait à la nuit d’amour : le temps des plaisirs, représenté par la nuit, est fini. Strophe IX : elle termine son discours par une invitation qu’elle s’adresse et qu’elle adresse à son amant , et par extension à toute l’humanité : il faut profiter du moment présent. « Aimons donc » est répété pour lui donner une plus grande force et à travers l’inversion et la rupture de la phrase successive « de l’heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! » c’est le verbe « jouir » qui est mis en relief. La fameuse expression d’Horace, « Carpe diem » trouve dans cette composition de Lamartine une force expressive toute particulière. On y ressent la soif de vivre (bien illusoire si on sait que Julie mourra quelques mois plus tard), des accents nostalgiques de la part de l’auteur, car maintenant il est seul et ne peut donc plus « jouir » de cet amour. Les deux vers finals « L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;/Il coule, et nous passons ! » reprennent la réflexion philosophique de la première strophe. A noter la présence du chiasme « L’homme… / Le temps…/ il…. / nous…). Rien dans la vie ne peut se fixer : tout passe, tout est transitoire, éphémère. Dans la strophe X, Lamartine reprend le thème initial du discours de Julie et avec une question rhétorique, il se rend compte, avec indignation, avec révolte, que le temps, « jaloux » du bonheur de l’homme, lui vole « ces moments d’ivresse », c’est-à-dire ses moments de plaisir. La strophe XI nous montre un poète très indigné, qui avec une série d’exclamations (« quoi ! » répété par trois fois), se rend compte que le temps ne nous rend plus ce qu’il nous a volé. Dans la strophe successive, Lamartine s’adresse en les apostrophant à trois entités, « Eternité, néant, passé », caractérisés par l’apposition « sombres abîmes » et leur demande, avec une question de nouveau rhétorique, si elles rendront à l’homme les moments qu’elles lui ont volés. Au début de la quatrième partie, le poète change d’apostrophe. Maintenant il va parler de nouveau au lac, et mieux encore, à toute la nature « lac », « rochers », « grottes », « forêt » : la nature est éternelle, peut rajeunir (par le cycle des saisons) et belle. Lamartine lui demande de garder le souvenir de cette nuit d’amour. La nature est continuellement personnifiée : on lui parle, comme on parle à une personne et elle a des caractéristiques humaines, comme la mémoire, le souvenir. Le thème du souvenir que le poète veut conserver imprègne toute la partie finale, avec l’exclamatif « qu’il soit ! » répété plusieurs fois dans les strophes XIV et XV comme pour que la nature toute entière soit impliquée directement par l’appel martelant du poète. Même la lune «l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface/De ses molles clartés » - qui a accompagné la promenade des deux amants l’année précédente et qui embellit le paysage lacustre au moment où parle le poète – doit garder le souvenir de cet amour. L’appel à la nature trouve son point culminant dans la toute dernière strophe, avec l’emploi de l’anaphore « que » utilisé pour introduire un subjonctif d’exhortation : « Que […. ] /Tout dise : Ils ont aimé. » Le passage à l’emploi de la troisième personne du pluriel pour parler de lui et de Julie et l’emploi du passé composé illustre le thème du temps qui passe, qui a passé inéluctablement : c’est déjà uploads/Litterature/ lamartine-lac-commentaire.pdf

  • 38
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager