Alcools, 1913 Guillaume Apollilaire Explication linéaire n°2 : "Les Colchiques"
Alcools, 1913 Guillaume Apollilaire Explication linéaire n°2 : "Les Colchiques" Introduction : • éléments sur l'auteur : "Les poètes modernes sont [...] des créateurs, des inventeurs et des prophètes." écrit G. Apollinaire en 1917 dans L’esprit nouveau et les poètes, essai sur la poésie moderne, contemporaine de la peinture cubiste. Guglielmus Apollinaris de Kostrowitzky (1880-1919), connu sous le nom de Guillaume Apollinaire (CF ses deux prénoms, et référence à Apollon, dieu grec de la poésie avec sa lyre), est en effet un écrivain qui a révolutionné l’écriture poétique. Il a côtoyé les peintres cubistes de sa génération, Picasso, Delaunay et Marie Laurencin. Lui-même a modernisé l’écriture poétique, puisqu’il a inventé le poème sans ponctuation, le calligramme, et qu’il a introduit en poésie un nouveau lyrisme, celui d’un « je » composite à la manière des portraits cubistes qui donnent à voir plusieurs facettes d’un personnage en même temps. • éléments sur l'oeuvre : qui donnent à voir plusieurs facettes d’un personnage en même temps. Il publie Alcools en 1913. L’ordre des poèmes n’y est pas chronologique. L’ensemble est encadré par deux « poèmes manifestes » : « Zone » (1912) ajouté en première position à la place de « La chanson du mal-aimé » et « Vendémiaire » (1908) placé en clôture. • éléments sur le poème étudié : Ce poème, le quatrième du recueil, sorte d'églogue (petit poème champêtre) a été inspiré par Annie Playden. Le poème est un poème en vers libres, mais c’est à l’origine un sonnet, dont le vers 2 a été scindé en deux. Les 14 vers et les 4 strophes du sonnet sont devenus un ensemble de 15 vers et 3 strophes, formant ainsi trois tableaux. Le système de rimes plates s’éloigne du modèle traditionnel : le vers 2 n’a pas de rime. L’absence de ponctuation achève l’œuvre de démembrement voulue par Apollinaire. Le thème lyrique de l’amour fatal qui figure ici remonte au moins à la poésie de la Renaissance (voir « Comme un Chevreuil » de Pierre de Ronsard Les amours de Cassandre, 1552). Les fleurs qu’il place dans ce tableau champêtre sont ambiguës, comme l’automne, et comme les femmes aux yeux du poète : elles sont à la fois belles et vénéneuses... . • lecture expressive • projet de lecture : - forme traditinnelle/modernité - thème de l'amour fatal Problématique: comment dans ce tableau champêtre GA renouvelle-t-il le thème de l’amour fatal? • mouvements : • trois tableaux se succèdent : -on voit d’abord un paysage d’automne qui rappelle la femme aimée ; (strophe 1 = septain) -puis l'irruption de la vie, qui contraste avec le calme paysage ; (strophe 2 = quintil) -enfin dans le dernier tableau surgit le gardien du troupeau de vaches et la fin du pâturage. (strophe 3 = tercet) I. Strophe 1 : un paysage automnal, reflet de la femme aimée (vers 1 à 7) Texte Procédés Interprétation Les colchiques Plante des prés, toxique, à fleurs roses ou mauves. Surprenant ici comme choix de fleur car peu présente dans la tradition lyrique contrairement aux roses et aux lys. Référence aux Fleurs du Mal ? Le pré est vénéneux mais joli en automne Les vaches y paissant Lentement s’empoisonnent Le colchique couleur de cerne et de lilas Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la Violâtres comme leur cerne et comme cet automne Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne Paysage traditionnel, réaliste. Présent de vérité générale offre un cadre spatio temporel généralisant et donc facilement identifiable, notamment avec des mots simples : pré, vache, fleur Mots mis en valeur par leur place en début ou en fin de vers : tonalité mélancolique d'emblée identifié grâce au thème de l'automne antithèse renforcée par la conjonction de coordination "mais" « le Colchique »: emploi de l’article défini sing et non pluriel comme dans le titre: fleur = symbole Antithèse: ambiguïté de la fleur, renforcée par une 2ème « couleur de cerne et de lilas ». Lilas = fleur printanière sans connotation négative mais les cernes révèlent des nuits d’insomnie. Analogie 1: comparaison amène une analogie entre le colchique, l’automne, la femme aimée avec la synecdote "tes yeux". + mise en évidence du lien entre le poète et la femme, réunis dans ce même vers grâce à l'emploi des déterminants. Blason : poème qui a pour objet une partie du corps féminin comme les yeux = tradition. Analogie 2: empoisonnement des vaches et le sien : répétition de « lentement s’empoisonne » Le poison se diffuse progressivement car la fleur se multiplie, d'abord dans le titre au pluriel, puis reprise par "le colchique", Tableau digne d’un poète romantique, paysage traditionnel, mis à mal par : - un animal très rustique, réalité prosaïque très inhabituelle dans un poème lyrique. La lourdeur et la lenteur de la vache sont renforcées par l’enjambement du vers 2 après « paissant » qui suspend le vers, et par l’adverbe « lentement » (v. 3). -antithèses qui placent « le Colchique » au centre de la strophe, tout gravite autour de cette fleur symbolique et ambiguë. = Le poème d’Apollinaire traite de l’amour fatal comme le faisaient les poètes de la Renaissance, eux-mêmes inspirés par Pétrarque : le poète pris au piège du regard de la femme aimée (+ blason). L'automne est la saison du déclin, annonce la mort. Le poison se diffuse progressivement car la fleur se multiplie. Circularité présente aussi dans cerne (designe le cercle= étymologie). Image entêtante de l'amour dangereux dont on ne peut échapper, idée confirmée par la répétition du mot "empoisonner" à la rime. terme général avec l'article défini puis "fleur" et "fleurit" et enfin dans le lilas qui relève de la même famille que le colchique. Cette même essence ouvre et ferne donc le vers 4. Transition : à cette scène figée, qui plante le décor, succède irruption de la jeunesse. II. Strophe 2 : qui s'ouvre à la vie turbulente (vers 8 à 12) Texte Procédés Interprétation Les enfants de l’école viennent avec fracas Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières Qui battent comme les fleurs battent au vent dément Tableau rustique : introduction du bruit dans ce tableau paisible Allitérations en [k] vocabulaire des sens : vue ("les yeux" dans la première strophe + les couleurs strophe 1 + "couleur de tes paupières) ; l'ouïe ("fracas", "harmonica") ; le toucher ("battent", "cueillent") Répétition = caractère menaçant avec la polysémie du mot (bouger ou frapper) Dément : adj mis en valeur à la rime = ajoute l’idée de folie au caractère malsain du colchique « Des mères / filles de leurs filles »: allusion possible à la particularité botanique des colchiques dont les fleurs apparaissent bien avant les feuilles. Apollinaire aurait féminisé le terme botanique qui désigne ce phénomène : filius ante patrem (« le fils avant le père ») Le tableau se réveille avec la présence bruyante des enfants. Leur présence sert à mettre en évidence le fait qu'eux, contrairement au poète et aux vaches, échappent au charme ou à la menace des colchiques. Eux sont actifs et résolus, ils font des bouquets. Comme la femme aimée le colchique a un caractère énigmatique voire angoissant. Il faut savoir que le bulbe du colchique se reproduit naturellement par clonage, si bien que la plante mère n’en est pas une au sens strict du terme puisqu'il n'y a pas de reproduction sexuée de l’espèce. La prolifération du colchique prend alors un caractère angoissant (voir première strophe). De plus, fleur qui cache son jeu (comme des mères alors qu'elles sont toxiques). Thème de la folie : l'amour, comme le poison des colchiques rend fou le poète qui voit dans ces fleurs les yeux de la femme qu'il aime. L’analogie entre le colchique et la femme aimée repose cette fois sur la forme et la couleur du pétale des fleurs, qui évoque celles des yeux ornés de cils « qui battent » (v. 12). Transition : Après la scène figée puis dérangée par la venue des enfants, on clôt le poème par la scène achevée et le départ du troupeau. III. Strophe 3 : surgissement du gardien du troupeau et fin du pâturage (vers 13 à 15) Texte Procédés Interprétation Le gardien du troupeau chante tout doucement Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne « Le gardien du troupeau » mis en valeur à la tête du vers fait son apparition. Ajoute du bruit au vacarme des enfants et au meuglement des vaches. Toutefois, ce bruit se fait de plus en plus discret "tout doucement" + "lentes" en opposition au fracas des enfants. = comme une plainte Analogie entre les vaches et le poète Euphémisme : poème va en se réduisant : on passe d'un septain à un tercet = idée de la mort + mime ce qu'il dit, les vaches disparaissent. Jeu avec la tradition : formes utilisées au moyen-Age uploads/Litterature/ explication-lineaire-2-colchiques.pdf
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- Publié le Jul 17, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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