L'Art de bien choisir ses amis Flammarion © Flammarion, Paris, 2015. Dépôt léga
L'Art de bien choisir ses amis Flammarion © Flammarion, Paris, 2015. Dépôt légal : mars 2015 ISBN Epub : 9782081365650 ISBN PDF Web : 9782081365667 Le livre a été imprimé sous les références : ISBN : 9782081359802 Ouvrage composé et converti par Meta-systems (59100 Roubaix) Présentation de l'éditeur 50 ans de la GF 50 écrivains s'engagent pour les classiques Alain Absire Claude Arnaud Philippe Artières Gwenaëlle Aubry Olivier Barrot François Beaune Philippe Beck François Bégaudeau Pierre Bergounioux Arno Bertina Geneviève Brisac Belinda Cannone René de Ceccatty Bernard Chambaz Georges- Olivier Châteaureynaud Claro Philippe Claudel Thomas Clerc Vincent Delecroix Pierre Demarty Agnès Desarthe Manuela Draeger Claire Fercak Jérôme Ferrari Philippe Forest Christian Garcin Patrick Grainville Yannick Haenel François Hartog Philippe Jaenada Ismaël Jude Maylis de Kerangal Julia Kristeva Dany Laferrière Marc Lambron Linda Lê Gilles Leroy Jean-Michel Maulpoix Catherine Millet Jean-Marc Parisis Laurence Plazenet Sylvain Prudhomme Bernard Quiriny Thomas B. Reverdy Oliver Rohe Olivier Rolin Tiphaine Samoyault Laurent Seksik Antoine Volodine Julie Wolkenstein L'Art de bien choisir ses amis AVANT-PROPOS POUR TOI, AMI LECTEUR, nous avons formé une entreprise qui n'eut presque jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura sans doute point d'imitateur. Car cela fait un demi-siècle que la collection GF est née, et cela se fête. Ceux qui l'ont vue apparaître au début des années 1960 te le diront : elle a marqué l'avènement, dans le paysage éditorial, des « classiques pour tous ». Grâce à ses éditions critiques et peu onéreuses de textes célèbres ou rares, « il devenait soudain possible d'accroître ses connaissances sans compromettre son existence physique », comme le rappelle Pierre Bergounioux. Nulle collection de classiques en poche n'incarne mieux qu'elle la valeur sûre, l'excellence, l'audace. Cinq décennies et plus de mille titres plus tard, elle nous donne encore à rêver comme à penser, et reste une référence pour tous ceux qui croient en la littérature. C'est pourquoi nous avons invité, pour célébrer les cinquante ans de cette grande dame, cinquante écrivains à crier haut et fort leur attachement aux classiques. Dans les textes, interviews, témoignages et fictions qui suivent, tous nous font l'honneur de nous présenter leurs plus fidèles compagnons de route : des auteurs, des œuvres, des volumes sans lesquels leur vie n'aurait pas tout à fait la même saveur. À parcourir ces pages, on se dit qu'un homme dont la solitude est peuplée de livres est rarement mal accompagné. Mais aussi que des écrivains d'hier à ceux d'aujourd'hui, la même histoire se poursuit… AU COMMENCEMENT IL Y A LE CHOC. La découverte de la littérature telle qu'elle nous est ici contée prend souvent la forme d'une fulgurance, d'une déflagration, d'une commotion. « J'ouvre le livre, et là : ma cervelle est déchiquetée de joie pure », se souvient Yannick Haenel en évoquant la lecture des Chants de Maldoror, debout, contre un mur du pensionnat militaire du Prytanée de La Flèche. « C'est comme une bombe à fragmentation dont les éclats ne cessent de m'atteindre », confie Philippe Claudel au sujet du Voyage au bout de la nuit ; tandis que Philippe Jaenada, s'étant procuré au hasard Du côté de chez Swann pour draguer sur la plage, a pris, l'été de ses vingt ans, « la littérature en pleine poire ». Qu'on ait le sentiment d'y faire irruption « en intrus », comme Jean-Michel Maulpoix, ou d'appartenir depuis toujours à cette « société secrète », à l'instar de Catherine Millet, cette révélation est d'abord celle d'un monde parallèle qui infiltre le nôtre et lui donne sens : « un pan du monde resté clos s'ouvrait enfin, j'entrais dans la vraie vie, la grande vie » (Gilles Leroy). COMPAGNONNAGES. Bons élèves ou cancres, venus à la lecture par tradition familiale ou en autodidactes, ils ont aujourd'hui pour compagnons de route Homère, Villon, Montaigne, Agrippa d'Aubigné, Shakespeare, Cervantès, Pascal, Racine, Rousseau, Chateaubriand, Stendhal, Michelet, Balzac, Dostoïevski, Flaubert, Kafka, Proust, mais aussi Lagerkvist, Vivant Denon ou Murasaki-shikibu… Certains les relisent chaque année, d'autres les rouvrent de temps à autre, « selon l'humeur, comme on prend d'un fortifiant, à petite dose, trois ou quatre pages » (Sylvain Prudhomme). Les livres qu'ils aiment leur ont ouvert « des voies tortueuses et subversives » (Manuela Draeger) ; ils y puisent l'énergie d'écrire ; ils y prennent des leçons de style et des bains de liberté. Avec Sterne, Proust, Céline, ils s'offrent souvent de franches parties de rigolade. Quant à Diderot, élu à l'unanimité maître ès incipit et meilleur copain par-delà les siècles, on l'inviterait volontiers au troquet du coin ou dans les jardins du Palais-Royal – à la terrasse du Café Corazza, pour lui faire dire du mal de Rousseau, ou sur le banc d'Argenson, pour regarder passer les filles en discutant de tout et de rien. Note, ami lecteur, que ces compagnons ne suscitent pas tous le même type d'enthousiasme. Car on peut très bien, comme Patrick Grainville, admirer sans réserve le « génie tout-terrain » de Victor Hugo, et se le représenter en « vieux monsieur maussade » comme un bonnet de nuit. Mais si certains des auteurs ici sondés ont avalé Le Lys dans la vallée comme on se force à terminer un plat de betteraves, si d'autres admettent n'avoir jamais réussi à lire Proust, s'ils semblent même être plusieurs à avoir bâillé d'ennui devant Joyce ou Musil, tous se rejoignent peut-être sur un point : « La littérature, ce grand édifice organique et souterrain, fonctionne mieux qu'une science lorsqu'il s'agit de comprendre l'homme » (Thomas B. Reverdy). VOUS AVEZ DIT CLASSIQUES ? Mais au fait, « est-ce que Joyce est un classique ? » se demande Olivier Rolin. « Borges est-il un classique ? » renchérit Bernard Quiriny. « Je ne sais pas si Thomas Bernhard est un classique » s'interroge Vincent Delecroix. Murmures dans l'assemblée. Doute. Stupeur. Des voix s'élèvent, pour tenter d'esquisser une définition. Les classiques ont-ils nécessairement traversé les siècles ? Les a-t-on forcément rencontrés dans les classes ? « On les imagine sanglés dans des toges condescendantes, en train de déclamer d'une voix rugueuse des phrases définitives, affirme Claro. Mais ils sont et toujours seront les samouraïs du possible ! » L'enthousiasme se propage. Arno Bertina se lève : « Dans un classique je trouve des phrases ou des visions ou une façon de prendre la parole qui me surprennent aujourd'hui et me serviront demain. » Puis Laurence Plazenet : « Ils font sourdre en miracle la langue qu'on remâche tous les jours. » Des applaudissements se font entendre. Chacun se lève à son tour ; les paroles fusent. Jean-Marc Parisis brandit son exemplaire des Nouvelles de Balzac : « Ce sont des pionniers » ! Antoine Volodine interpelle la foule : « Villon, un camarade frère humain » ! Maylis de Kerangal : « Ils sont comme des murs porteurs. Ils sont là, ils tiennent la maison. » Philippe Forest : « Ils appartiennent à l'enfance de la littérature. » Marc Lambron : « Les opinions passent, les classiques restent. » Gwenaëlle Aubry : « On les porte à même sa peau ou même un peu plus profond. » Julia Kristeva sourit à Tiphaine Samoyault qui sort de son sac, une à une, ses éditions fétiches de la Recherche ; de ces exemplaires jaunis, usés, dont les couvertures sont marquées au sceau de deux lettres rouges et rondes reconnaissables entre mille, les pages griffonnées se détachent : « Dans ces volumes se sont déposés mes désirs et mes chagrins et presque tous mes âges. » À présent, cinquante hommes et femmes, debout pour les classiques, se tiennent côte à côte, et la clameur monte. Tous ne se connaissent pas, mais ils savent pourquoi ils se sont rassemblés. Beaucoup ont à la main leur édition de l'Odyssée, du Banquet, des Métamorphoses, de La Légende dorée, de La Divine Comédie, de l'Éthique, des Confessions, d'Adolphe, de La Chartreuse de Parme, et tiennent bien haut ces livres, les arborent fièrement, les aiment, les citent et les agitent ; tous parlent fort, s'amusent, débattent, chantent, se souviennent et racontent. Une jeune femme au fond de la salle, en retrait mais debout elle aussi, croque la scène. C'est alors que celle dont on fête les cinquante ans, et à qui tous sont venus ici rendre hommage, fait son entrée. Du dehors, on n'entend bientôt plus que des cris de joie, et un tonnerre d'applaudissements. Les auteurs sont classés par ordre alphabétique, de G à F. NON, LE LION N'EST PAS MORT par CHRISTIAN GARCIN Quel fut votre premier grand choc littéraire ? Que pouvez-vous nous en dire ? Le Lion, de Kessel. Je venais d'avoir dix ans. J'en avais terminé la lecture en pleurant, et je me souviens que dans le même temps j'étais en colère : cela n'aurait pas dû se passer ainsi, le lion n'aurait pas dû mourir – d'ailleurs non, il n'était pas mort, c'était impossible. Pour me le prouver je feuilletais les pages et relisais celles du début, du milieu, comme pour remonter le temps et trouver du réconfort dans un passé uploads/Litterature/ lart-de-bien-choisir-ses-amis-by-collectif-collectif.pdf
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- Publié le Mai 28, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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