DAVID BANON LA LECTURE INFINIE LES VOIES DE L'INTERPRÉTATION MIDRACHIQUE PRÉFAC

DAVID BANON LA LECTURE INFINIE LES VOIES DE L'INTERPRÉTATION MIDRACHIQUE PRÉFACE D'EMMANUEL LEVT:"-; AS Blbliathèque de l'E1ole Biblique i! ffllll~llllill llm !H · , 37116 PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DES LETTRES ÉDITIONS DU SEUIL 27, rue Jacob, Paris VI~ ua NS E .. ISBN 2-02.(1()9769-9 © ~omoNS DU SEUIL, OCTOBRE 1987. La loi du li mm 1957 iinenlil les copies ou reproductions destillm • - ulilisa1ioa coUective. Toul< rcpmencalioa ou rcprodUClion in!~ ou partielle faile par quelque proa!df que ce soi!, sans le consen1emen1 de l'au leur ou de ses ayanlS cause, es, illici lc el amstilue u.ae contn:laçoa WICliomiœ par la aJ1icles 425 el SWVIOIS du Code phal. Ura'ayati, échète héh'ayil va'adinate hanéfèche Pour Pascale, femme vaillante et fine d'esprit . De l'écrit à l'oral La lecture infinie, c'est la lecture de la Thora et sa sagesse, complexe, mais cohérente. David Banon, dans ce livre érudit et subtil, en aura, avec délicatesse et vigueur, précisé et voies et envols. Précieuses analyses des ressources de la langue hébraïque même, pour le rapprochement des significations, en apparence inattendu, et la dé-couverte et le renouvellement des possibles. Modes primordiaux de l'approche, classification savante des données matérielles et des textes . Étude remarquable à tous points de vue, aboutissant à une œuvre de référence dont travaux et recherches ultérieurs ne sauraient se passer. Mais aussi, haut niveau général de la réflexion, admirable- ment informée, au contact de la pensée actuelle et en dialogue avec ses représentants. Mais qu'est-ce que la Thora? Le texte antique de la Bible hébraïque et les traités talmudiques - Saintes Écritures d'Israël, ses livres par excellence, fondements de la foi et de la culture juives, Thora au sens large du terme. Texte massorétique de la Bible hébraïque transmis - invariable - sous la garantie d'une succession continue des scribes et rabbins, d'une part; et, de l'autre, traités du Talmud remontant à la fin du 1f siècle pour la partie ancienne des leçons, groupées sous le nom de Michna, puis à la fin du v", pour les enseignements et les débats des docteurs rabbiniques qui développent et discutent, sous le nom de Guémara, les formules de la Michna. Débats entre docteurs rabbiniques et énoncés de leur doctrine qui se situent à l'époque du second Temple de Jérusalem et pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne, en Terre sainte et dans les « académies » rabbiniques de la diaspora babylonienne. Mais patri- moine spirituel qui témoigne sans doute aussi des principes très 7 DE L'ÉCRIT À L'ORAL anciens et des hautes traditions religieuses et éthiques, comme pour justifier la notion importante de Thora Orale sous laquelle le Talmud se comprend lui-même. Thora se voulant ainsi_ conteml?orain:_ de la Révélation sinaïque, et se voulant liée à la vo~ humaine _e~ etre au moins égale en vérité et en autorité - théologiquement, si l on peut dire - à la Thora Écrite, c'est-à-dire au Pentateuque - conten~ du rouleau essentiel à la liturgie synagogale - que le mot Thora, d~signe dans un sens éminent. Au moins égale : car la Thora Ecrzte ne prendra sa pleine mesure spirituelle qu'à travers l'étude de la Thora Orale et les échanges verbaux d'idées que cette étude compo~te. Le Talmud se réfère sans cesse aux versets ~e la Th~ra Ecrite, au Pentateuque et à la Bible hébraïque tout entière, ma,s - confo~mé- ment à la sagesse ou à la foi d'Israël - ü assure, de cet univers exprimé par les lettres, le vrai éclairage. . , Thora Orale mais clouée comme document aux pages des traités. Ne retrouve-Hile pas son «essence» d'orale sur les lèvres_ des hommes, qui l'enseignent ou l'apprennent ou la me,~ent en que~tw~ ? Sa modalité essentielle ne tient-elle pas à sa façon d mt~"oger l écr~t ? N'est-elle pas revenue ainsi à elle-même, dans toute la littérature qui la prolonge de bonne heure, et pendant u~ millénaire, to_ut au long de la diaspora, et qui lui pose des questio~ à _elle-meme et, par sa médiation à la Bible ? Importance pnmord1ale de la lecture, du passage de l'Écrit à l'Oral. Presque to~ les !extes ~!us d'elle ne cherchent qu'à la lire. Commentaires qui, dès l apl?aritton des tex!~s imprimés de la Bible et du Talmud, auront envahi les marges qu ils avaient attendues et les pages blanches s'ajoutant aux antiques rédactions. Exégèse qui conserve la manière, la coutume et le ton du passage qui l'appelle. Ou recueils d'apologues qui reprennent ou complètent ou transforme nt ceux qui abondent dar_:s les textes du_ Talmud et toujours s'attribuent à ses maîtres, aux memes, à ce~ qui parlent déjà dans la Michna et la Guémara. Partout, ce_rtes, do7;1me~t les normes formelles de la pensée rigoureusement logique, meme si, dans leur conceptualité, peut-être ici plus mouvante, _les concepts ne lâchent jamais définitivement les exemples dont ils résument et remuent le contenu essentiel. Rationalisme rigoureux. Mais aussi rationalisme interrompu par une pensée inventive ou poétique, rationalisme inspiré recour~nt à des figures spéciales qu'on peut réunir sous le terme générique de 8 l DE L'ÉCRIT À L'ORAL midrach. Mot qui signifie recherche, mais aussi exigence , et aussi questionnement, et presque interrogatoire, et, en tout cas, sollicita- tion. Sollicitation du texte : peut-être une façon, naïve ou avertie, de prendre à la lettre la figure rhétorique d'une parole venant de très haut, d'y entendre une figure secrètement logique, de voir en elle en tout cas l'indice d'un problème encore dissimulé dans le mot te"estre, dans le langage qui est aussi quotidien. Invitation à vaincre une timidité intellectuelle, un clin d'œil: allons plus loin! Inspiration du texte et apJ?el à l'inspiration du lecteur ou de l'interprète! Dans la lettre de l' Ecriture sainte et dans le sens obvie de ses propositions, de ses séquences, seraient disséminés des signes et des appels. Énigmes ou promesses. Derrière le sens obvie des mots, des horizons innombrables de significations et de vérités; et, derrière ces horizons, de nouveaux horizons à explorer , à diverses hauteurs. Midrach ou carrefour des pensées ou de leurs anticipations. Possibles qui attendent le bon entendeur. La Thora Orale , le Talmud- c'est aussi cette lecture-là de la Bible. Malgré sa fixité de document étalé sur les pages des traités talmudiques, la Thora retrouve son essence d'orale sur les lèvres des hommes adonnés à l'étude, comme si le verset 59,21 d'Isaïe, qui souhaite à la Parole de Dieu de « ne jamais quitter les lèvres des fidèles », ne procédait pas d'un quelconque souci pour la fidélité des fidèles mais importait à la signifiance de la parole. Sur les lèvres des hommes, la sagesse talmudique retrouve le débat, la contradiction et, ainsi, les possibilités - notamment par le midrach - de l'incessant renouvellement, d'une éventuelle sublimation ou d'une nouvelle chance, pour un rite commandé dans l'absolu, de s'insérer dans le réel qu'il semble transcender. Débordant le cadre subsidiaire et marginal du commentaire où il échoit, le propos de la Thora Orale est approfondissement et découverte, mise en question des lieux com- muns -devenus communs à force de demeurer immédiats. Élévation de la lettre du texte et du sens littéral à l'esprit, de par l'acuité du regard prêté aux allusions qui environnent la première suggestion du sensé, elle s'est fait la mauvaise réputation de manquer d'esprit. Elle rend à la Thora Écrite sa vraie mesure et même l'indispensable démesure de la recherche s'ouvrant précisément sur une lecture infinie d perspectives inattendues. Lecture qui est aussi, et sans métaphore , adoration. Modalité ou ambition extra-ordinaire du spiritu el dans 9 DE L'~CRIT À L'ORAL cette lecture-ttude : sptculation monothéiste qui est aussi liturgie; sptculatwn en guise de dtchiffrage du verset inépuisable,· herméneu- tique audacieuse, mais pieuse écoute des ordres souverains, préoccu- pée d'obéissance et d'insertion dans le concret du monde. Dans la respiratwn de cette spiritualiti, distinction certes entre la formulation impérative des règles de la sainteté - égards envers autrui, envers le faible (la veuve, l'orphelin, l'étranger), rites et cérémonies, mais déjà aussi approche du Saint, béni soit-Il, du transcendant; approche qui s'avoue dans l'étude et l'amour du prochain, plus proche que toute vision -, distinctwn, ainsi, entre halakha, ordre impératif de la conduite, et l'ordre ou mode indicatif, l'ordre du savoir à travers les analogies et les disproportions suggestives de la métaphore et de la parabole: ordre de la aggada, de la légende, de la fable, du récit, de l'apologue. Et, dans la respiration de l'esprit, insensible transition d'un ordre à l'autre; revendication de la raison - et osée et pure - à c6té du miracle intellectuel du midrach désignant et recherche et trouvaille, et problème et sa solution. La lecture infinie a-t-elle toujours le souffle nécessaire pour lire à l'infini? Mais l'entreprise est heureusement menée à bien par David Banon : relever et analyser sans faille les mouvements où entre cette lecture toujours à recommencer sur l'océan et dans les tempêtes du Talmud, à travers la dialectique sévère de la raison et la merveilleuse inspiratwn du midrach à laquelle la halakha doit autant que la aggada uploads/Litterature/ david-banon-la-lecture-infinie-les-voies-de-l-x27-interpre-tation-midrachique-french-edition-1987-seuil-libgen-li.pdf

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