DEUX NOTES SUR L’ESCABEAU Mauricio Tarrab L'École de la Cause freudienne | « La

DEUX NOTES SUR L’ESCABEAU Mauricio Tarrab L'École de la Cause freudienne | « La Cause du Désir » 2015/3 N° 91 | pages 89 à 91 ISSN 2258-8051 ISBN 9782905040916 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-la-cause-du-desir-2015-3-page-89.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'École de la Cause freudienne. © L'École de la Cause freudienne. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Ces précisions et indications marquent un pas de plus dans le travail qu’accomplit J.-A. Miller pour faire passer le texte du dernier enseignement de Lacan à la praxis du psychanalyste. Ces quatre termes – escabeau, parlêtre, sinthome et corps – sont des catégories prometteuses, que nous devons explorer aujourd’hui, cinquante ans après le Séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Ils sont d’ailleurs en train de rentrer dans notre discours, et l’usage que nous en faisons produit de nouveaux sens. Dans son cours « Pièces détachées »2, J.-A. Miller avait déjà donné des indications très importantes au sujet de l’escabeau. Je n’en développerai ici que quelques unes. L’escabeau : d’où vient-il ? J.-A. Miller propose dans ce cours que l’escabeau soit ce avec quoi le parlêtre se présente au monde, c’est-à-dire ce avec quoi il peut être dit qu’il a un pied dans l’Autre. Néanmoins, le plus intéressant est que l’escabeau ne surgit pas de l’Autre. D’où vient- il ? Il vient d’un « médiocre malheur », d’un événement de corps qui est, au fond, la matrice du sinthome. Le mystère est : comment faire à partir de cela lien social avec l’Autre ? « Comment faire de cet événement, de ce médiocre malheur, quelque chose qui a pu être nommé beau et qui n’est plus qu’escabeau ? »3 Ce avec quoi le parlêtre se présente au monde – l’escabeau – se trouve également la marque de sa singularité ; il ne s’agit donc pas que de semblant, et cela donne une autre profondeur au concept classique de narcissisme. Le plus intéressant dans la façon dont J.-A. Miller le présente, c’est que si l’escabeau est fondé à partir d’un événement de corps, alors il devrait conserver quelque chose du plus singulier du parlêtre. C’est à partir de cela et avec cela qu’il se constitue. Comment ? C’est là qu’est introduite l’idée que l’escabeau est un nouveau nom de la sublimation. Il se produit à partir d’un événement de corps et de travail. J.-A. Miller utilise à plusieurs reprises le mot de « forger » qui ne renvoie pas simplement à un travail difficile et intense ; il dénote aussi la transformation d’une matière première pour créer un nouvel objet. Par exemple, on forge une épée ou, pour être plus près de l’exemple donné par Lacan, on forge un escalier. J Mauricio Tarrab est psychanalyste, membre de l’École d’orientation lacanienne (Argentine). 1. Miller J.-A., « L’inconscient et le corps parlant », La Cause du désir, n° 88, octobre 2014. 2. Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Pièces détachées », enseignement prononcé dans le cadre du Département de psychanalyse de l’université Paris VIII, 2004-2005, inédit. 3. Ibid., leçon du 1er décembre 2004. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.6 - 24/07/2020 19:23 - © L'École de la Cause freudienne Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.6 - 24/07/2020 19:23 - © L'École de la Cause freudienne Le nouvel inconscient 90 Le terme de « forger » témoigne de ce que l’escabeau, comme l’a appelé Lacan, est construit à partir d’un morceau de réel, duquel s’est également construit un semblant. Qu’il soit construit à partir d’un morceau de réel n’est pas la même chose que de prendre comme point de départ une identification. Ce que Lacan nomme l’escabeau se construit à partir de la relation singulière que chacun a par rapport à la langue. Si le sinthome est « la réponse singulière à l’existence »4, on peut en déduire que l’escabeau fait que quelque chose de cette réponse singulière est incapable de faire lien et rentre avec difficulté dans le lien social. Doit-on se faire un escabeau en analyse? L’ambition de Joyce a été de se forger un escabeau et d’en faire « un rêve d’éternité ». Joyce n’ayant pas de quoi garantir un lien avec l’universel, il a l’ambition de forger avec son art une clé d’entrée dans l’universel promis par l’amour du Père : « Il doit le forger à partir de l’affect du corps – cet affect du corps auquel Lacan donne son nom freudien modifié, à savoir, sinthome. C’est ça l’escabeau. Disons que c’est ça l’ambition de James Joyce. » Si telle est l’ambition de Joyce, avec laquelle il a fait de son art son escabeau, cela devrait-il être pour autant l’ambition de l’analysant ? Attendons-nous d’une analyse menée à son terme qu’elle aide à forger un meilleur escabeau pour rentrer dans le rêve d’éternité ? Absolument pas, et J.-A. Miller le souligne explicitement quand il dit que l’analyse travaille à la castration de l’escabeau. Dans une analyse, on doit repérer sur quel « petit escabeau » est monté un analysant pour faire face au monde. C’est à partir de ce point que souvent commence une analyse. Quel- quefois, dans une analyse, on prend aussi le risque de faire descendre imprudemment de son escabeau un parlêtre, ce qui peut parfois avoir des conséquences irréparables. Comment doser les effets analytiques sur l’escabeau ? Voilà ce qui pourrait bien être l’intitulé d’un chapitre sur les conséquences cliniques de ce nouveau « vocable » que nous étudions. Certaines passes nous permettent aussi de saisir quelque chose de la question de l’es- cabeau. Un commentaire d’Éric Laurent lors d’un témoignage de passe a situé claire- ment le moment de la chute de ce que représentait le sujet face au monde. Un morceau d’analyse proche de la fin, dans lequel « la relation avec l’Autre ne passait plus par l’uni- versel, ni par les croyances, ni par les idéaux, c’est-à-dire pour tout ce que signifiait la série des grandes identifications de la vie et d’une certaine manière de faire lien avec l’Autre qui s’était forgé. Dans ce moment l’être n’avait plus de représentations dans l’Autre. »5 Dès que l’analysant chute de cette place, on sort un peu du rêve d’éternité, et ce qu’il en reste est la relation au plus singulier. La seule chose qui reste pour se tenir est la rela- tion à lalangue. L’analyse fait que l’on descend de son petit escabeau pour atteindre au plus désincarné du sinthome. C’est pour cela que l’horizon de l’analyse ne peut être la 4. Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’Être et l’Un », enseignement prononcé dans le cadre du Département de psychanalyse de l’université Paris VIII, cours du 3 mai 2011, inédit. 5. Cf. le commentaire d’Éric Laurent à propos du témoignage de M. Tarrab, « La identificación no es el destino », Revista El Psicoanálisis, Barcelone, 2008, note 13, p. 79. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.6 - 24/07/2020 19:23 - © L'École de la Cause freudienne Document téléchargé depuis www.cairn.info - Cité internationale universitaire de Paris - - 193.52.24.6 - 24/07/2020 19:23 - © L'École de la Cause freudienne La Cause du désir no91 91 6. Lacan J., « Sur le plaisir et la règle fondamentale », Lettres de l’École freudienne, n° 24, 1978, p. 22-24. 7. Miller J.-A., « L’inconscient et le corps parlant », op. cit., p. 111. construction d’un escabeau. Dans sa réponse à André Albert, Lacan l’énonce clairement : « Nous, ce n’est pas ça, notre intention ; ce n’est pas du tout de conduire quelqu’un à se faire un nom ni à faire une œuvre d’art. C’est quelque chose qui consiste à l’inciter à passer par le bon trou de ce qui lui est offert, à lui, comme le plus singulier. »6 Sur ce point J.-A. Miller indique qu’il y a encore un pas de plus uploads/Litterature/ lcdd-091-0089.pdf

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