Ouvrage publié avec l'aide du Ministère de l'éducation, de la recherche et de l
Ouvrage publié avec l'aide du Ministère de l'éducation, de la recherche et de la formation de la Communauté française de Belgique ISBN 2-86820-680-8 © by Presses Universitaires de Strasbourg Palais Universitaire - 9, place de l'Université 67000 STRASBOURG Table des auteurs BARREAU Hervé, C.N.R.S., Strasbourg BEAUNE Jean-Claude, Philosophie, Université de Lyon III BONNAUD Robert, Histoire, Paris BRAUN Lucien, Philosophie, Université de Strasbourg BROZE Michèle, Philologie classique, Université Libre de Bruxelles COULOUBARITSIS Lambros, Philosophie, Université Libre de Bruxelles DANON Hilda, Ethnologie, Paris DECHARNEUX Baudouin, Histoire des religions, Université Libre de Bruxelles DESTRÉE Pierre, F N. R. S, Bruxelles DUBOIS Claude-Gilbert, Littérature française, Université de Bordeaux III DUVERNOY Jean-François, Ecole européenne, Bruxelles FELTZ Bernard, Biologie, Université de Louvain FERON Olivier, Philosophie, Université de Liège GAYON Jean, Institut Universitaire de France, Philosophie, Université de Bourgogne GIOVANNANGELI Daniel, Philosophie, Université de Liège LACROSSE Joachim, ft N. R. S., Bruxelles LEROY Claude, Eco-éthologie humaine, Paris MATTEI Jean-François, Institut Universitaire de France, Nice MOUTSOPOULOS Evanghélos, Philosophie, Université de Athènes PIERI Georges, Histoire du droit, Université de Bourgogne PINCHARD Bruno, Philosophie, Université de Tours QUILLIOT Roland, Philosophie, Université de Bourgogne RABATÉ Dominique, Littérature française, Université de Bordeaux SOMVILLE Pierre, Philosophie, Université de Liège STENGERS Isabelle, Philosophie, Université Libre de Bruxelles STEWART John, Chercheur au C. N. R. S., Paris TALON Philippe, Philologie orientale, Université Libre de Bruxelles TERREL Denise, Anglais, Université de Nice THOMAS Joël, Littérature antique, Université de Perpignan WALLENBORN Grégoire, F.N.R.S., Bruxelles WALTER Philippe, Littérature médiévale, Université de Grenoble II WUNENBURGER Jean-Jacques, Philosophie, Université de Bourgogne Présentation Lambros Couloubaritsis et Jean-Jacques Wunenburger otre représentation courante du temps est associée à une succession unique, Nlinéaire et irréversible de moments, différenciés selon l'antériorité, la contemporanéité et la postérité (passé, présent, futur). La philosophie s'est avant tout préoccupée de s'interroger sur la nature de cette représentation : est-elle objective ou subjective, relève-t-elle d'une structure de fait ou d'une construc- tion mentale ? Mais on peut aussi se demander si ce modèle est le seul possible et s'il ne convient pas de prendre en compte d'autres représentations, fondées entre autres sur des complexifications internes du temps linéaire par une rythmique : alter- nance de phases dilatées ou concentrées, ponctuations, intervalles, sauts, intro- duction de bifurcations, noeud, carrefours ; des développements de temporalités plurielles, le temps linéaire étant en concurrence avec des inversions, des emboîtages, des cycles, etc. Ces représentations ont constitué depuis l'Antiquité une sorte de réserves d'images et de modèles conceptuels, qui tantôt ont croisé la rationalité dominante, tantôt ont été refoulés ou marginalisés par elle. De quelle nature se présentent alors ces représentations alternatives ? De quelle manière viennent-elles oeuvrer dans l'imaginaire et la rationalité? Leur élaboration généralement imaginaire ou symbolique en fait-elle de simples fic- tions ludiques ou comportent-elles une part de rationalité, et donc une valeur d'intelligibilité? Quels problèmes permettent-elles d'éclairer? Dans quels domaines privilégiés se développent-elles (temps cosmologique, temps social, temps personnel) ? Que nous apprennent-elles sur la logique du temps ? Dès lors, que gagne-t-on à penser le temps comme une multiplicité de temps diffé- rents, mêlés, opposés ou interactifs ? Toutes ces questions ont servi de fil conducteur à deux colloques organi- sés conjointement par Jean-Jacques Wunenburger, Professeur de philosophie, Directeur du Centre Gaston Bachelard de recherches sur l'imaginaire et la ratio- 6 Lambros Couloubaritsis et Jean-Jacques Wunenburger nalité de l'Université de Bourgogne (France) et par Lambros Couloubaritsis, Professeur de philosophie, Directeur du Centre de philosophie ancienne de l'Université libre de Bruxelles (Belgique). Ces rencontres qui ont permis de réunir un grand nombre de philosophes et scientifiques francophones ont eu lieu successivement du ler au 3 février 1996 à Dijon et du 5 au 6 février 1996 à Bruxelles. Le présent volume permet de rassembler la plus grande partie des tra- vaux souvent plus développés que les communications proposées durant le col- loque. L'ensemble de cette manifestation scientifique a permis une nouvelle fois de mettre en oeuvre une coopération internationale fructueuse entre deux Universités, française et belge. Que soient remerciées, en particulier, toutes les institutions qui l'ont rendu possible : Conseil régional de Bourgogne, Conseil scientifique de l'Université de Bourgogne, Fonds national de la Recherche scientifique de Belgique, Ministère de l'Education, de la recherche et de la for- mation de la Communauté française de Belgique, l'Université libre de Bruxelles. Les organisateurs tiennent aussi à exprimer leur gratitude à Madame Marie-Françoise Conrad, qui a assuré la préparation et le suivi administratif des colloques ainsi qu'à Monsieur le Président Lucien Braun, qui a bien voulu accepter d'accueillir ce volume aux Presses Universitaires de Strasbourg. SOURCES ANTIQUES Chronos, Aion et Kairos Le temps linéaire comme temps du mythe ou la pseudo-histoire des Mésopotamiens Philippe Talon (Bruxelles) La Mésopotamie ancienne n'est pas, c'est le moins qu'on puisse dire, un domaine bien connu du public. C'est pourquoi je crois utile de commencer cet exposé en rappelant certaines notions fondamentales indispensables à mon propos. C'est vers 3200 avant notre ère qu'apparaît l'écriture cunéiforme dans une cité de la basse vallée du Tigre et de l'Euphrate : Uruk. Inventée dans le but de permettre un meilleur contrôle économique et comptable de l'administration sumérienne cette écriture va très vite être mise au service de l'activité intellec- tuelle des savants de l'époque. Les premiers textes que l'on peut qualifier de « littéraires » vont apparaître presque simultanément avec les documents admi- nistratifs. L'écriture cunéiforme qui note au départ les langues sumérienne puis akkadienne va se répandre dans toute la Mésopotamie pour gagner ensuite la Syrie, l'Anatolie, la côte palestinienne, l'Iran, etc. Elle restera en usage pendant plus de trois mille ans, puisque le dernier texte daté remonte aux alentours de 100 après J.-C. Pendant ces trois millénaires, les scribes, ou plus justement les lettrés sumériens, babyloniens et assyriens vont composer et rédiger un nombre colos- sal de tablettes. Nous ignorons aujourd'hui exactement combien de tablettes cunéiformes ont été découvertes au cours de fouilles régulières ou irrégulières depuis 150 ans, mais ce nombre doit avoisiner le million. 10 0 Philippe Talon À côté d'une majorité bien compréhensible de textes économiques et administratifs, on trouve des lettres, des contrats, des textes mathématiques, astronomiques, astrologiques, des listes encyclopédiques, des prières, des hymnes, des mythes, des inscriptions royales, des chroniques, des traités divina- toires, etc. Les textes qui vont intéresser notre propos dans ce colloque sont, bien entendu, parmi les moins nombreux. Nous possédons une série fort intéressante de mythes en langue sumérienne et en langue akkadienne qui nous permettent d'appréhender quelque peu l'univers mental et religieux des élites mésopota- miennes2. Mais plusieurs éléments viennent compliquer l'interprétation que nous pouvons nous en faire aujourd'hui. Il y a d'abord l'écueil de la langue. La langue sumérienne est isolée parmi les familles linguistiques actuellement connues et des points fondamen- taux de sa grammaire restent encore désespérément obscurs. L'akkadien est mieux connu, car il appartient à la famille sémitique et la comparaison lexico- graphique avec l'arabe ou l'hébreu permet d'éclairer de nombreuses difficultés. Il y a ensuite l'écueil chronologique. Nos textes s'échelonnent sur plus de trois millénaires. Il serait dès lors audacieux et même absurde de croire que les conceptions religieuses ou mythologiques du 3ème millénaire sont appli- cables telles quelles 2000 ans plus tard. Les Mésopotamiens appréhendaient et concevaient le monde selon des schémas différents des nôtres, cela va de soi. Leur pensée fonctionnait de manière analogique, cherchant à tisser entre les différents concepts des liens fondés non pas sur le rapport de cause à effet qui nous est familier, mais sur la proximité linguistique, la couleur, la texture, ou la graphie. Ces relations apparaissent notamment dans ce que nous appelons aujour- d'hui les listes lexicographiques3. Afin de décrire l'univers, les lettrés mésopo- tamiens ont eu recours au système de l'énumération. Plutôt que d'énoncer des règles générales ou d'organiser les éléments du monde visible ou invisible selon des lois universelles, ils énumèrent les concepts, les objets, les êtres vivants, les plantes, les minéraux, les dieux dans de gigantesques listes classées selon des clefs graphiques, phonétiques ou analogiques, selon des procédés qui ont été bien décrits par Claude Lévi-Strauss4 et Jack Goody5. Ces diverses relations sont presque toujours extrêmement difficiles à retrouver aujourd'hui. Après cette mise au point, venons-en au thème de ce colloque. L'homme mésopotamien, au contraire de nous, considère que le passé se trouve devant lui. Les expressions qui désignent, en akkadien et en sumérien, le passé et le futur sont sémantiquement liées au notions d'avant et d'arrière. Le passé est connu et se trouve donc devant l'homme. Celui-ci progresse donc vers le futur à reculons, puisqu'il ne peut le contempler. Cette attitude entraîne plusieurs implications qui vont conditionner la manière de penser des Mésopotamiens. Le passé a tou- Le temps linéaire comme temps du mythe 11 1 jours eu, pour les Akkadiens et les Sumériens, valeur d'exemple. C'est des évé- nements passés, réels ou mythiques, que le savant tire son expérience, le roi son modèle. La notion même de progrès, telle que nous l'envisageons, semble com- plètement absente. L'ordre cosmique mis en place lors des origines est conçu comme parfait et idéal. Les connaissances qui uploads/Litterature/ le-figures-du-temps.pdf
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- Publié le Jul 12, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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