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Tous droits réservés © Les Presses de l'Université de Montréal, 1998 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 11/24/2019 3:34 p.m. Meta Journal des traducteurs Le langage, la poésie et la traduction poétique ou une approche scientifique de la traduction poétique Erol Kayra Volume 43, Number 2, juin 1998 URI: https://id.erudit.org/iderudit/003295ar DOI: https://doi.org/10.7202/003295ar See table of contents Publisher(s) Les Presses de l'Université de Montréal ISSN 0026-0452 (print) 1492-1421 (digital) Explore this journal Cite this article Kayra, E. (1998). Le langage, la poésie et la traduction poétique ou une approche scientifique de la traduction poétique. Meta, 43 (2), 254–261. https://doi.org/10.7202/003295ar Article abstract This article discusses various aspects of poetic translation. An art in itself and a form of creativity, poetic translation constitutes more than language to language transfer; it is an activity involving both perception and creation. Meta, XLIII, 2, 1998 LE LANGAGE, LA POÉSIE ET LA TRADUCTION POÉTIQUE OU UNE APPROCHE SCIENTIFIQUE DE LA TRADUCTION POÉTIQUE1 EROL KAYRA Université Çukurova, Adana, Turquie Meta, XLIII, 2, 1998 Résumé L'auteur discute de divers aspects de la traduction poétique. Plus qu'un simple reco- dage, la traduction poétique est un art en soi, une création originale, une activité pratique et de savoir lié à la perception et à la création. Abstract This article discusses various aspects of poetic translation. An art in itself and a form of creativity, poetic translation constitutes more than language to language transfer; it is an activity involving both perception and creation. 1. INTRODUCTION La traduction poétique est d'abord, à mon sens, un art de recoder, c'est-à-dire une activité linguistique destinée à déchiffrer les codes d'un message source et à produire par voie de transfert de sens et de style sa double cible, dont les constituants sont reliés à ces mêmes codes par une relation à la fois interne et externe. En effet chaque mot, ou chaque groupe de mots, prend son sens véritable selon sa position contextuelle ou sa fonction dans l'énoncé dont il est un constituant. C'est dire que l'activité de traduction poétique ne con- siste pas seulement à transférer d'une langue à l'autre une pensée ou un sentiment, mais aussi à mettre en œuvre une valeur d'ordre esthétique mais de caractère sonore. En d'autre termes, le langage poétique, en tant qu'il implique une double structure, ou plus exacte- ment une double dimension d'interdépendance — dimension référentielle et dimension stylistique ou esthétique (Hymes 1984 : 26) quant à sa structure interne et à sa valeur sonore — peut se définir comme une expression ou une transposition au moyen de «signes particuliers» (Bréal 1904 : 329) d'une psychologie ou d'un comportement, d'un sentiment ou d'une pensée, d'une attitude ou d'une esthétique. D'où la différence entre le mode poéti- que fondé sur la fonction symbolique et le pouvoir harmonique du langage, et le mode technique ou prosaïque fondé sur des codes dont la fonction ne consiste qu'à signifier et à communiquer une expérience objectivante et rationnelle (Guiraud 1971), expliquée tout simplement par cette connaissance du monde et du réel découpé différemment dans cha- que langue, et cela non seulement parce qu'il s'agit pour chaque langue de rapports diffé- rents à «exprimer» (Martinet, cité par Mounin 1963 : 261), mais aussi parce que «chaque langue est constamment en formation et en développement» (Gadamer 1975 : 415). Or le code poétique ne consiste pas seulement à nous informer, mais aussi et surtout à nous communiquer une certaine impression, à provoquer en nous des «émotions analogues» (Earnap, Philosophy and Logical Syntax), et cela non seulement par le pouvoir symboli- 2 Meta, XLIII, 2, 1998 que des mots qui impliquent des sens au-delà de leur aire naturelle (Lyons 1970), mais aussi par leur valeur harmonique. 2. ACTIVITÉ DE TRADUCTION 2.1 La traduction poétique est une activité aux multiples dimensions C'est de là que vient ce caractère symbolique, expressif, descriptif et stylistique de l'œuvre poétique dû, d'une part, à la vertu des codes choisis parmi les plus abtraits et dont on utilise toutes les nuances et, de l'autre, au pouvoir imaginatif et harmonique des figures, qui ont une fonction très variée — descriptive, combinatoire, expressive, codificatrice, antithétique, etc. — ce qui fait de la traduction poétique une activité aux multiples dimen- sions. De là on peut déduire que, dans la traduction poétique, les codes, étant de nature non seulement à actualiser les valeurs connotatives mais aussi à les développer (Guiraud 1971), se trouvent canalisés nécessairement autour d'une image-concept (Claret 1979) et prennent leur véritable signification eu égard à cette image-concept qui tient au contenu sémantique du contexte en même temps qu'à la valeur phonique des éléments utilisés en vue d'augmenter l'efficacité du pouvoir poétique et d'exercer ainsi une influence relative sur la substance sémantique. C'est dire que les éléments intrinsèques qui caractérisent l'œuvre poétique tels que couleur, harmonie, rythme, ont un caractère plastique et sont de nature à désigner un rapport interne et constitutif entre le sens et le son considéré par cer- tains linguistes (Hope, par exemple) comme un «un écho du sens». Mallarmé, quand il disait qu'on fait des vers avec des mots, ne voyait pas les mots, certes, comme de simples substituts sémantiques; il entendait plutôt par-là l'harmonie des mots, c'est-à-dire cette par- faite convenance entre le son et le sens, et voulait nous amener ainsi à avoir une logique et une esthétique de la poésie où l'idée et le symbole se trouvent constamment associés. Je veux dire par là que la traduction poétique n'est pas une simple opération d'ordre lexical; elle est une activité linguistique prise sous toutes ses formes en même temps qu'une esthé- tique de caractère phonique impliquant le sens le plus mélodique du mot. Ce rapport strict entre la poésie et le langage fait de la poésie un art du langage, et du traducteur un bon technicien du langage mais conscient de l'effet poétique qui est au fond l'œuvre commune du sens et du son. 2.2 La traduction poétique est une création originale Il s'ensuit que l'esprit véritable de la traduction poétique est impliqué dans la défini- tion même de la poésie, qui peut être considérée comme un art de la parole destiné à créer une émotion et un style propres à lui et qui n'existent pas dans d'autres combinaisons ver- bales ou cas du langage, en ce sens que la parole est prise ici en tant qu'unité de langage à double valeur : la valeur représentative ou symbolique, celle qui constitue une image et un tableau, et la valeur communicative, celle qui consiste à transmettre un message fait plus souvent de l'extérieur vers l'intérieur et impliquant l'idée poétique, c'est-à-dire cette idée «qui mise en prose, réclame encore le vers» (Valéry 1941 : 44). Cette caractéristique de la poésie, et par conséquent du langage poétique, nous conduit à être soucieux de ce qui est rythmique et concentrique linguistiquement et esthétiquement parlant, à traiter le texte source à deux niveaux (niveau d'ordre référentiel et niveau d'ordre stylistique ou esthéti- que) et sur deux plans (plan sensible et plan intelligible), parce qu'il s'agit de concilier dans une même expérience Idée et Harmonie, qui ont leur source «dans les variations sty- listiques et connotatives» (Guiraud 1971 : 10) issues des propriétés formelles et substan- tielles des figures, tropes, métaphores, etc. (Kayra 1993 : 164). LE LANGAGE, LA POÉSIE ET LA TRADUCTION POÉTIQUE 3 Compte tenu de cette caractéristique du langage poétique où les significations sont même saisies, comme le dit Jean Rousselot, «à travers des formes» (1962), la tâche pre- mière du traducteur poétique doit consister à poser le problème, d'une part, au niveau de la fonction poétique elle-même et, de l'autre, au niveau où le message poétique (le vers) est pris en tant que partie de la linguistique, car il s'agit avant tout d'une série bien combinée d'énoncés qui demandent à être analysés sur le plan sémiotico-sémantique. Il faut donc traiter d'abord le message poétique au regard des éléments propres à la poésie qui consistent en deux aspects — l'aspect acoustique et phonétique, révélé par l'expression et qui constitue la substance phonique, et l'aspect sémantique lié aux signifi- cations et qui constitue la substance du contenu — et l'analyser ensuite en tant que «forme conventionelle et strictement codifiée du langage» (Cohen 1966 : 8). Cela revient à dire qu'il ne suffit pas de traduire le sens, qu'il faut traduire aussi le style ou l'esthétique du poète qui procède de son sens de la beauté formelle et de la profondeur psychologique. Jakobson voit même dans le style un élément servant de sous-code par rapport au code total. On lui attribue même une fonction supra-segmentale faisant partie du message com- muniqué (Hill 1958). Ce n'est pas par hasard qu'on emploie le uploads/Litterature/ le-langage-la-poesie-et-la-traduction-poetique-ou-une-approche-scientifique-de-la-traduction-poetique.pdf

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