UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE – PARIS 3 MÉMOIRE FINAL DE MASTER 2 RECHERCHE ÉTUD

UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE – PARIS 3 MÉMOIRE FINAL DE MASTER 2 RECHERCHE ÉTUDES CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUDIOVISUELLES Le personnage éclaté : Traces de l’inquiétude du sujet dans le cinéma contemporain par João Vitor RESENDE LEAL Mémoire dirigé par M Philippe DUBOIS Soutenu à la session de septembre 2013 SOMMAIRE INTRODUCTION _______________________________________________________________________ 4 CHAPITRE 1 LE SUJET CONTEMPORAIN ET LE PERSONNAGE ÉCLATÉ _________________________ 9 1 – Un statut pour le sujet contemporain __________________________________________ 10 2 – Le personnage de cinéma _______________________________________________________ 19 3 – Personnage et corps _____________________________________________________________ 29 4 – Effet de personnage, effet de sujet ______________________________________________ 36 5 – Le cinéma et la tradition romanesque __________________________________________ 43 6 – Fragmentation ___________________________________________________________________ 47 CHAPITRE 2 LA DISSOCIATION ____________________________________________________________________ 54 1 – La dissociation ___________________________________________________________________ 56 2 – D’un tout et ses parties __________________________________________________________ 62 3 – Une question de plasticité _______________________________________________________ 75 4 – Doubles et dédoublements ______________________________________________________ 83 5 – Illusion ____________________________________________________________________________ 87 6 – Le risque du non dédoublement ________________________________________________ 91 CHAPITRE 3 L’EXPLOSION _________________________________________________________________________ 96 1 – L’explosion _______________________________________________________________________ 99 2 – Encore la plasticité _____________________________________________________________ 104 3 – Les spectacles du feu ___________________________________________________________ 109 4 – Le scintillement de la lumière _________________________________________________ 113 5 – Le clignotement, le spectacle et l’éclatement du personnage ______________ 119 6 – Inland empire ___________________________________________________________________ 129 CONCLUSION ________________________________________________________________________ 137 FILMOGRAPHIE _____________________________________________________________________ 140 BIBLIOGRAPHIE ____________________________________________________________________ 142 4 INTRODUCTION Ce projet est né d’une incompréhension : qu’est-­‐ce qui nous permet de reconnaître un personnage en tant que personnage ? Or, il me paraît bien possible de repérer les principaux éléments qui constituent un personnage de cinéma, comme le corps de l’acteur ou un ensemble de qualités psychologiques, sa fonction dans un récit, son lien avec les autres personnages… Imaginons pourtant, par exemple, un personnage sans nom, muet, dont on ne voit pas le visage, interprété à chaque scène par un acteur différent ; imaginons que son comportement d’une scène à l’autre du film soit incohérent, voire contradictoire ; imaginons que ses actions manquent de continuité ou d’une logique quelconque. Imaginons que ce personnage se donne à percevoir de manières tellement distinctes que l’on risque tout simplement de ne pas le comprendre en tant qu’un seul et même personnage, c’est-­‐à-­‐dire qu’il risque irrémédiablement de se disperser ou de disparaître au profit d’une multitude d’autres, d’autres personnages, de figurants, de figures. Alors, qu’est-­‐ce qui nous permet effectivement de continuer à associer de telles manifestations multiples à l’écran à un seul et même personnage ? Comment reconnaissons-­‐nous le personnage ? C’est bien là la première interrogation qui me motive, et qui a aussi motivé de nombreux écrivains, dramaturges et réalisateurs. J’espère, en essayant de répondre à cette question, prendre en compte les différents enjeux – narratifs, esthétiques – qu’elle mobilise dans les arts narratifs. Plus particulièrement, nous pouvons observer, au cours de l’histoire du cinéma, plusieurs films qui essayent de travailler des possibilités alternatives pour le personnage, assemblant de différentes manières les éléments cinématographiques qui le constituent. Ce qui m’intéresse dans ce mémoire, c’est d’examiner de plus près quelques-­‐uns de ces films, les plus « contemporains », pour étudier les différentes manières par lesquelles le cinéma contemporain opère la notion de personnage. Films tels Inland Empire, réalisé par David Lynch en 2006, dont la fascination est justement de mettre en scène un personnage – en 5 l’occurrence une actrice de cinéma – éclaté à tel point que tout le récit et toute l’expérience filmique semble affecté par cet éclatement. À ce propos d’étudier un corpus filmique pour analyser la notion de personnage dans le cinéma contemporain, une deuxième question se pose. Si l’on considère le personnage filmique comme une construction censée représenter ou faire l’effet d’une personne fictive, d’un sujet fictionnel, comment l’éclatement du personnage affecte-­‐il la notion même de sujet ? Autrement dit, comment le cinéma contemporain opère-­‐t-­‐il la notion de sujet, et comment, au contraire, cette notion opère-­‐t-­‐elle le cinéma contemporain ? En formulant ces questionnements, je me concentrerai notamment sur les éléments esthétiques et narratifs du cinéma. Il s’agit pour moi de comprendre ces éléments en tant que pièces potentiellement composantes d’un effet de personnage, en emphatisant parmi eux le corps de l’acteur, et de discuter comment un personnage ainsi composé peut atteindre un certain effet de sujet. Pour développer davantage ces questionnements, je propose dans mon premier chapitre d’étudier différentes définitions de « sujet » et de « personnage » pour essayer d’établir des articulations entre les deux notions. L’accent sera mis, d’un côté, sur la quête pour un statut pour le sujet contemporain – sujet qu’on affirme inquiet, pris par doutes et peurs concernant sa propre identité – et, de l’autre, sur la « multiplicité » psychique et plastique du personnage dans le cinéma contemporain. J’actualiserai les définitions de sujet et de personnage d’une manière critique, en les situant entre les imprécisions du sens commun et les contraintes théoriques modernes qui les ont souvent immobilisées. Dans ce premier temps, mon objectif sera de comprendre les voies par lesquelles le cinéma peut effectivement exprimer et problématiser l’inquiétude du sujet contemporain à travers ce sujet « matérialisé » par le film qui est le personnage. J’éviterai de parler en termes de « crise » du sujet ou de « crise » du personnage, puisqu’il ne s’agit pas à mon sens de valider l’idée d’une rupture radicale de ces deux notions. Il ne s’agit pas d’évacuer le contenu des notions de sujet et de personnage, mais de remettre en question leurs imprécisions et ambivalences. Je privilégierai donc la notion d’« éclatement », qui me permettra de circuler au milieu de différentes idées, de pointer l’inquiétude sans la 6 transformer en « crise », de diagnostiquer l’inquiétude chez le sujet contemporain sans la transformer en maladie terminale. Mon hypothèse de départ consiste donc à affirmer que les éléments esthétiques et narratifs du cinéma se prêtent à une réflexion sur l’inquiétude de l’homme contemporain : ils peuvent travailler la notion de personnage, l’interroger, et, en le faisant, ils laissent entrevoir d’autres possibilités pour le sujet, ils mettent en évidence son inquiétude – inquiétude parfois si difficile à saisir. Le sujet inquiet devient une évidence et un vrai objet d’étude par le biais du personnage éclaté. Une fois posée l’articulation entre cinéma, personnage, sujet, inquiétude et éclatement, il va me falloir la tester, la manipuler, voir comment elle résiste – ou ne résiste pas – à l’analyse. Il va me falloir dessiner la perspective éclatée1 du sujet contemporain avec les traces, points et couleurs du personnage filmique. Pour répondre à ce besoin, je convoquerai dans le développement de ce mémoire quelques films qui explorent le thème de l’inquiétude identitaire de l’homme contemporain : films qui proposent au spectateur de témoigner des moments de construction et d’affirmation (mais aussi de perte) de l’identité du personnage. Je partirai donc de récits filmiques, mais mon objectif majeur n’est pas seulement l’analyse des récits eux-­‐mêmes ; je m’efforcerai davantage à comprendre les outils, stratégies et procédés esthétiques qui font la consistance des histoires racontées, c’est-­‐à-­‐dire qui travaillent visuellement l’éclatement que ces histoires expriment ou problématisent. Une telle démarche demandera tout de suite des repères concrets pour ne pas tomber dans une réflexion trop vague et dans une série d’analyses filmiques désorganisée et à priori arbitraire. D’un côté, le thème de « l’inquiétude du sujet » convoque énormément de sous thèmes – la dépression, la solitude et l’ennui en sont quelques exemples. De l’autre, ce que je viens d’appeler, peut-­‐être un peu négligemment, « les outils, stratégies et procédés esthétiques », cela désigne énormément d’aspects distincts, quoique interdépendants – comme la 1 Le Petit Robert : Dictionnaire de la Langue Française présente dans sa définition d’« éclaté » : « Représentation graphique d’un objet complexe (machine, moteur, ouvrage d’art), qui en montre les éléments ordinairement invisibles par séparation de ces éléments représentés en perspective ; perspective éclatée. Dessiner l’éclaté d’une machine. » Petit Robert : Dictionnaire de la Langue Française. Paris : Dictionnaires Le Robert, 2003, p. 825. 7 mise en scène, le montage, le jeu d’acteur, etc. Il est ainsi nécessaire d’établir une ligne directrice pour ne pas se perdre dans la diversité de possibilités et pour mieux organiser le développement de l’écriture. Je propose donc de parcourir différentes acceptions du terme « éclatement » pour établir une telle ligne directrice capable d’éviter de réduire l’ampleur de la démarche à tel sous thème ou à tel procédé cinématographique. Il sera question d’établir, à travers cette typologie de l’éclatement, différentes catégories d’analyse pour le personnage filmique. Cela me permettra de l’interroger de manière plus efficace, de repérer les traces esthétiques qui expriment et problématisent son éclatement et qui, j’espère, traduisent ainsi l’inquiétude du sujet contemporain. Cette typologie de l’éclatement comprendra deux catégories générales : la dissociation et l’explosion, qui seront l’objet respectivement de mon deuxième et troisième chapitres. Chacune de ces catégories travaillera une dimension différente du « personnage éclaté » à travers la mobilisation de quelques figures, récurrentes et bien délimitées, employées par les films analysés. Ainsi, je mettrai notamment en évidence uploads/Litterature/ le-personnage-eclate-traces-de-linquietu.pdf

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