1 Paris 3 Sorbonne Nouvelle La tunique de Nessus, extrait de L’Amour, la Fantas
1 Paris 3 Sorbonne Nouvelle La tunique de Nessus, extrait de L’Amour, la Fantasia, d’Assia Djebar, 1985. Littératures francophones et études postcoloniales, Aline Bergé-Joonekindt. Semestre 1, 2015/2015 Marie Douat Beya Mehaouat 2 SOMMAIRE INTRODUCTION 3 I. DE L’ENFERMEMENT À L’EXCLUSION 4 1. LA LANGUE COMME ENFERMEMENT 4 2. UNE ENFANT « BÂTARDE » 5 3. L’ÉCRITURE FACE AU SILENCE 6 II. L’ENTRE-DEUX LANGUES: DES VOIX AU VOILE DE L’ÉCRITURE LIMINAIRE 7 1. UNE FORTERESSE ASSIÉGÉE 7 2. L’ESPACE DÉSERTIQUE DU DEDANS 8 3. (DÉ) VOILEMENT 8 III. L’ÉCRITURE AUTOBIOGRAPHIQUE COMME PALIMPSESTE 10 1. CHRONOTOPE: UN ESPACE-TEMPS HISTORIQUE ET BIOGRAPHIQUE 10 2. L’INTERTEXTUALITÉ COMME CRÉATRICE DE DIALOGUE 11 3. L’ÉLAN AUTOBIOGRAPHIQUE 12 CONCLUSION 13 BIBLIOGRAPHIE 14 3 Introduction « Le problème de l’identité commence quand on parle de moi », annonce Patrick Charau- deau dans une revue publiée en 2002. C’est en effet le cas pour Assia Djebar qui nous pro- pose ici une autobiographie, à savoir un récit qui porte sur son passé, non seulement per- sonnel mais aussi historique. A travers ce récit, elle pose la question de l’identité et en quoi la langue permet de définir son identité. Dans ce dossier, nous allons nous attarder sur l’extrait « La tunique de Nessus ». Rappelons d’abord que le nom du chapitre fait référence au récit mythologique d’Ovide « Le mythe d’Hercule », chapitre IX des Métamorphoses. Il s’agit de Hercule et de sa femme Déjanire qui souhaitent traverser le fleuve Evenus. Un cen- taure au nom de Nessus, les aide. Il porte Déjanire sur son dos, mais une fois sur l’autre rive, le centaure veut abuser de Déjanire. Hercule lance une flèche empoisonnée dans le dos de Nessus. Pour venger sa mort, le Centaure, dont la tunique est trempée de sang, la remet à Déjanire en lui prétendant qu’elle lui garantira la fidélité de son époux. Quelques temps plus tard, Hercule est pris de passion pour Iolé. Déjanire, jalouse et souhaitant raviver l’amour d’Hercule pour elle, lui offre la tunique. Hercule accepte le cadeau et le porte, c’est alors que le poison se répand. Hercule essaie d’enlever la tunique mais il enlève par la même de la peau. Souffrant trop, il préfère s’immoler. Comprenant son erreur, Déjanire se donne la mort. C’est à travers ce mythe que l’écrivain va développer la question du cadeau empoisonné. Autrement dit, en quoi Assia Djebar considère-t-elle le français comme un ca- deau empoisonné. Pour répondre à cette question, nous analyserons en premier lieu com- ment Assia Djebar développe sa relation avec la langue française, autrement dit comment celle-ci l’emmène de l’enfermement à l’exclusion. Puis nous analyserons l’espace désertique dans lequel se situent les deux langues, l’arabe et le français et pour finir, nous verrons en dernier point comment l’écriture autobiographique peut être vu comme palimpseste. 4 I. De l’enfermement à l’exclusion Dans cet extrait, Assia Djebar laisse entendre qu’elle considère le français tel la tunique de Nessus, à savoir comme un cadeau empoisonné. Cette tunique, que l’on porte, sous- entend une métaphore de l’enfermement. Ici, Assia s’enveloppe de cette tunique transmise par son père et qui du coup l’enferme. Comme dans le récit d’Ovide, Assia ne peut se dé- couvrir de cette tunique, car celle-ci « lui colle à la peau ». Plus elle voudra s’en débarrasser, plus elle va s’y enfermer, car malgré tout, cette langue fait partie de son identité. 1. La langue comme enfermement Assia Djebar, comme elle l’écrit dans l’extrait: « […] je jouissais du privilège reconnu d’être « l’aimée » de mon père, puisqu’il m’avait préservée, sans hésiter, de la claustration. » (l.35-37), se réjouit du fait d’avoir éviter la claustration comme ses cousines. Elle est d’ailleurs, l’une des premières algériennes musulmanes à avoir intégré l’école. Elle est ainsi libre de ses mouvements contrairement à ses cousines et pourtant, elle se trouve elle aussi, sous une autre forme, enfermée. Dès le début du texte, Assia Djebar souligne bien le fait qu’elle est justement exclue par rap- port à ses cousines et au reste de sa famille, de par l’emploi plusieurs fois de « moi » aux lignes 4, 5 où d’ailleurs elle écrit: « […] moi, la première de ma famille ». Elle l’emploie aussi aux lignes 7, 17 et 18 où là elle accentue vraiment son exclusion: « Pourquoi à moi seule […] ». Assia Djebar, pour marquer son exclusion emploie le pronom personnel tonique à la première personne. Celui-ci a pour effet de différencier la personne qui parle des autres per- sonnes dans le sens où la personne qui parle fait quelque chose que d’autres ne font pas. Et donc, lorsqu’elle emploie en plus l’adjectif « seule », elle renforce cette exclusion. De plus, on peut aussi noter que le pronom personnel tonique introduit à chaque fois une subordon- née relative. On a donc ici une anaphore qui marque bien l’exclusion d’Assia Djebar du reste de sa famille. Assia Djebar décrit le français comme une langue qu’elle n’a pas eu le choix d’accepter dans sa vie. Elle emploie d’ailleurs le terme « cohabiter », qui rappelons-le, signifie « habiter avec quelqu’un », ce qui montre bien qu’Assia Djebar ne fait pas un avec la langue française, voir elle ne se sent pas unie avec cette langue. Assia Djebar compare de ce fait l’enfermement à un mariage forcé et laisse entendre par là que c’est un point négatif: « […] par conscience vague d’avoir fait trop tôt un mariage forcé, un peu comme les fillettes de ma ville « promis- es » dès l’enfance. » (l. 24-26) On peut remarquer la métaphore filé du mariage forcé: « or- dinaire vie de ménage » (l.19), « rompre » (l.21), « mariage forcé » (l.25), « donnée » et « âge nubile » (l.29), qui accentuent l’image du mariage forcé. Mais pour Assia Djebar, il ne s’agit pas seulement d’un mariage forcé. 5 Pour finir, Assia Djebar, afin d’accentuer l’image du mariage forcé, donne comme exemple des princesses, qui elles aussi ont été touchées par le changement géographique et donc par le changement de langue: « Mais les princesses royales à marier passent également de l’autre côté de la frontière, souvent malgré elles, à la suite des traités qui terminent les guerres. » (l.38-41). A travers cette citation, Assia Djebar fait en fait référence à « la mariée nue de Mazouna », chapitre situé à la page 117 du roman. Il s’agit en fait de l’épisode his- torique des noces de Badra qui se sont transformées en guet apens par Bou Maza. Celui-ci dépouille les femmes et notamment Badra, la met presque à nue. Puis, Bou Maza emmène la fille et la fait prisonnière. Quelques temps plus tard, elle parvient à s’échapper et se cache pendant deux jours dans un arbre jusqu’à ce que son frère passe. A travers cet exemple, Assia Djebar veut prouver que même les personnes de niveau élevé sont aussi touchées par le changement de langue et géographique et que parfois on est contraint de vivre ou de con- naître des choses que l’on ne voudrait pas connaître. 2. Une enfant « bâtarde » Assia Djebar se considère ensuite comme une enfant « bâtarde » dont la langue mère, l’arabe, l’aurait abandonnée. « Bâtard » peut signifier « qui n’a pas de caractère tranché ». Ce qui est ici effectivement le cas d’Assia Djebar. On peut en effet se demander si elle se sent française et si elle peut considérer cette langue comme sa langue. Elle parle d’ailleurs du français comme une « langue marâtre » l.42 et non pas maternelle, car ici marâtre, mot péjoratif, sous entend « mauvaise langue », comme la « marâtre » qui signifie la « mauvaise mère », mais aussi la deuxième épouse du père par rapport aux enfants du premier mariage. Le français est considéré ici comme une langue de remplacement et est par la même peu appréciée, voir perçue comme négative. Il y a alors une opposition entre l’arabe et le fran- çais. Ici, l’arabe correspond à la première « mère », donc à la première langue et le français à la langue « marâtre ». Elle en veut à l’arabe de l’avoir abandonnée, ici non seulement l’arabe est personnifié, comme si c’était « la mère », mais aussi le français, en tant que se- conde mère. Elle emploie d’ailleurs l’expression: « langue mère disparue » (l.43) et qui du coup laisse entendre qu’Assia se considère presque comme une orpheline. Elle n’utilise pas le mot « langue maternelle » au hasard. On peut aussi noter que pour les deux langues, les deux sont liées au père. Comme pour l’image de la mère, s’il y a une « marâtre », c’est parce que le père s’est remarié. La langue pourrait être perçue non pas comme maternelle, mais plus comme paternelle. Le français est apparu dans la vie d’Assia Djebar grâce à son père, instituteur de français, qui le lui a transmis. Elle confirme ce propos à la page 12 du roman. « Cette langue que m'a donnée le uploads/Litterature/ expose-litte-ratures-francophones.pdf
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- Publié le Mai 16, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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