Camille Riverti 08.10.14 Théophile Gautier, « Le pin des Landes » « Le pin des
Camille Riverti 08.10.14 Théophile Gautier, « Le pin des Landes » « Le pin des Landes » est un poème de Théophile Gautier (1811-1872). Ecrit suite à un voyage en Espagne, il fut publié en 1840 dans La Presse puis en 1845 dans le recueil España. En quels termes le poète est-il comparé au pin des Landes ? Grâce à quels recours stylistiques ? Quelle est la place du poète dans le monde ? Quel portait du poète Théophile Gautier dresse-t-il dans ce poème ? Quelle réflexion sur l’art mène l’auteur ? Nous verrons tout d’abord que Le pin des Landes est un poème parabolique qui élève au même rang la figure du pin et celle du poète. Nous verrons ensuite que le pin dans les Landes définit la place du poète dans le monde. Enfin, nous verrons que la souffrance du pin est à l’image de l’exercice poétique. I. Un poème allégorique : le pin et le poète 1. Un poème en triptyque : un paysage, deux portraits « Le pin des Landes » est un poème qui, à l’image d’un polyptique, articule plusieurs tableaux et portraits. Il s’agit d’un poème à la construction régulière et décomposable. Ainsi, le poème est composé de deux strophes, toutes deux des huitains (huit vers). Chacune se décomposent en deux quatrains (quatre vers) voire, pour le dernier quatrain, en distiques (deux vers). La régularité est également respectée dans le mètre et les rimes. La totalité des vers sont des alexandrins. Les rimes sont croisées (A/B/A/B). Cette rigueur formelle est caractéristique du mouvement parnassien dont Théophile Gautier est l’un des précurseurs. Les trois premiers quatrains sont autant de tableaux que dresse le poème. Le poème s’ouvre ainsi sur un tableau général des Landes (V.1-4), agrémenté de couleurs : On ne voit en passant par les Landes désertes Vrai Sahara français, poudré de sable blanc Surgir de l’herbe sèche et des flaques d’eau vertes (…) La forme impersonnelle on convoque le regard du lecteur qui devient spectateur. Le poète est celui donne à voir au lecteur. Une fois que le décor est planté, le second quatrain dresse le portait de l’homme (v.5-8) ; puis, le troisième quatrain, le portait du pin (v.9-12). Les Landes, le pin et l’homme sont figures-pivots du poème. Les termes sont mis en valeur par leur place dans les vers. Les Landes désertes sont placées en fin de vers. Le pin, au cœur du poème, « surgit » à la césure du vers 3. L’homme, en tête du vers 6, laisse ensuite la place au pin, qui placé en tête du vers 9, dirige le troisième quatrain. 2. La parabole du pin Les Landes, le pin et l’homme sont autant de personnages auxquels le poème donne une valeur générique. Ce sont, à l’exception des Landes, des substantifs au singulier auxquels est accolée une série de groupe nominaux qui les caractérisent et en font les représentants d’une catégorie ontologique. Le quatrième quatrain introduit ton totalement différent. En guise de conclusion, il propose de substituer la figure du poète à celle du pin dans la comparaison (v.12) : Le poète est ainsi dans les Landes du monde. La place du pin dans les Landes constitue par conséquent une parabole de la condition du poète dans le monde. Les Landes sont un microcosme dans lequel on peut observer les rapports de notre monde. Le Pin des Landes joue ainsi sur un registre métalinguistique. Il s’agit d’un poème qui prend pour objet les poèmes. L’image du pin est elle même mise en abyme au travers de la comparaison comme un soldat blessé (v.11). En d’autres termes, le poète est comme le pin qui est, à son tour, comme un soldat blessé. Les maillons des comparaisons s’enchainent également pour le paysage des Landes. Ainsi, les Landes, allégorie du monde, sont également à l’image d’un Sahara français (v.2). Le poème se construit en superposant des images à d’autres images, à savoir celle des Landes, du Sahara et du monde d’une part, et celles du pin, du soldat et du poète d’autre part. 3. La personnification du pin En même temps que le pin sert d’allégorie du poète, il est personnifié. On lui prête des attributs humains. On lui prête d’abord un corps. Le tronc est comparé à un flanc (v.3) ; la résine à des larmes et à du sang (v.5 ; v.9). La verticalité du tronc fait implicitement référence à la tenue verticale propre à l’homme dans la métaphore et la comparaison suivantes : Et se tient toujours droit sur le bord de la route Comme un soldat blessé qui veut mourir débout (v.11-12). On lui prête également des actions : il surgit (v.3), verse (v.10) et se tient droit (v.11). Enfin, on lui attribue le sentiment du regret (v.9). Au fur et à mesure du poème, l’humanisation du pin se fait de plus en plus explicite. La comparaison du pin au soldat blessé ouvre le pas au franc et final remplacement du pin par le poète. II. Le Pin dans les Landes et le poète dans le monde 1. Des êtres en contraste avec leur environnement Le pin, image du poète, est décrit à partir d’une série d’antithèses qui l’opposent à son environnement. Entre horizontalité et verticalité, sécheresse et fluidité, stagnation et mouvement, le pin est, comme le poète, un élément saillant du paysage. En effet, le pin est un élément vertical dans Les Landes horizontales de Théophile Gautier. L’horizon linéaire est évoqué dans la métaphore des Landes désertes (v.1) et dans l’énumération d’éléments qui se trouvent au ras du sol (l’herbe sèche » et les flaques d’eau, v.3). A l’opposé, le pin, pourvu d’un tronc, est un élément saillant : il surgit et se tient toujours droit. La saillance du pin est également visuelle : la couleur rouge, évoquée par sa plaie et son sang, s’oppose aux couleurs blanche et verte du début du poème. Puis, l’antithèse entre horizontalité et verticalité est complexifiée par celle entre sécheresse et fluidité. Ainsi, l’oxymore les Landes désertes (v.1) introduit la dense forêt sous les traits d’un désert aride. L’oxymore anticipe la métaphore qui suit : vrai Sahara français (v.2). L’aridité du paysage est rendue à l’oreille dans l’allitération en r, accompagnée de la sensation d’étouffement qui ressort de l’allitération en bl. On ne voit, en passant par les Landes désertes, Vrai Sahara français, poudré de sable blanc, Enfin, la sécheresse est une sécheresse stagnante qui rentre en opposition avec les liquides en mouvement du pin. Ainsi la vase statique, évoquée dans la couleur verte des flaques d’eau, s’oppose aux larmes du pin, à son sang qui coule et à sa sève qui bout (v.5 ; v.10 ; v.11). 2. Et victimes de l’homme Le pin entretient, de plus, un rapport conflictuel avec l’homme. Le sombre portrait de ce dernier met en relief, grâce à une seconde série d’antithèses, la posture digne et généreuse du pin. L’homme est, en effet, affublé des pires attributs. Bourreau (v.6), assassin, l’homme apparaît, par la métaphore filée, sous les traits d’un meurtrier. L’homme assassine (v.7) le pin. Cet acte fait référence au processus de gemmage au cours duquel on retire du tronc de l’arbre de la résine, nécessaire à la fabrication, entre autres, de colle, vernis, savon et chewing gum. La métaphore de l’homme assassin trouve sa réponse, chez le pin, dans l’image du soldat blessé (v.12). L’homme est également celui qui prend tandis que le pin est celui qui donne. L’utilitarisme de l’homme - avare, qui vit aux dépends des autres (v.6-7) – rentre en contraste avec la générosité du pin qui verse son sang (v.10). La posture attribuée au pin s’apparente à celle d’un martyre. Debout et digne, donnant son sang sans le regretter (v.9), il supporte son supplice la tête haute. Ce sont donc deux portraits contrastés que dresse le poème. La forme du poème en est l’écho. L’écart entre la première et la seconde strophe semble servir, aussi, à illustrer le fossé entre deux ontologies : l’homme et le pin. On pourrait peut être déceler – à l’aune de l’opposition entre l’utilitarisme humain et la générosité végétale - les conflits entre les courants artistiques du XIXème siècle. Théophile Gautier défend en effet l’« art pour l’art », un art à la recherche de la perfection formelle, qui s’oppose à l’art qui se veut utile et engagé sur le plan politique et social. III. La souffrance du pin et l’origine de l’activité poétique 1. le pin et le poète, des êtres en souffrance Le pin est, dès le début, caractérisé par sa plaie (v.4). Le champ lexical de la souffrance se déroule tout au long du poème : larmes (v.5), tronc douloureux (v.8), sang (v.9), blessé (v.12). D’abord appliqué au pin, ce champ lexical est ensuite repris au sujet du poète : la blessure (v.13), une entaille profonde (v.15). La résine du pin et les vers du poète partagent d’ailleurs la même métaphore : les larmes (larmes de résine v.5, et divines larmes d’or v.16). La souffrance du pin uploads/Litterature/ le-pin-des-landes-the-ophile-gautier-commentaire.pdf
Documents similaires










-
26
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 27, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3012MB