2 Avant- propos Ce second tome est consacré à la participation du corps des sap
2 Avant- propos Ce second tome est consacré à la participation du corps des sapeurs-pompiers de Paris, corps de citoyens-soldats, aux diverses formes de résistance à l’occupant. Il a fallu attendre 1994 cinquante ans après la libération de Paris pour que soit accessible une partie des archives de la période 1939-1944 entreposées dans les sous-sols de l’état-major de la B.S.P.P. 1 De même, il a fallu attendre cinquante-deux ans (18 septembre 1997) pour que 7 anciens résistants (Henri-Lucius Grégoire, Jean-Baptiste Le Breton, Lucien Moès, Mirtyl Bonnafoux, Roger Sarté, Robert Crabol, Robert Maltrait) décident de créer une association loi 1901 « A.C.V.-O.C.M.-S.P. » (Anciens combattants volontaires - Organisation civile et militaire -Sécurité parisienne), parrainée par Jacques Chaban-Delmas. Association qui, dès lors, eut à cœur de faire connaître ou reconnaître les actions qui coûtèrent la vie, bien avant les combats pour la libération de Paris, à nombre de leurs camarades résistants 2. Ainsi, au cours du temps, les témoignages directs des combattants de l’ombre et les documents conservés par les familles ont permis de recouvrer très progressivement la mémoire de la Résistance au sein du régiment des sapeurs-pompiers de Paris 3. Pour autant, peut-on, dans l’état actuel de nos connaissances, écrire l’histoire de la résistance des sapeurs-pompiers de Paris de 1940 à 1944 ? Ecoutons Henri Noguères : auteur d’une très substantielle Histoire de la Résistance en France, écrite en collaboration avec Marcel Delgiane- Fouché et Jean-Louis Vigier, il précisait, lors d’un entretien avec un journaliste : Je n’ai pas écrit l’Histoire de la Résistance, mais une histoire de la Résistance parce que personne n’écrit l’histoire une fois pour toutes. Il y aura toujours quelqu’un pour aller plus loin dans ce domaine. Ce qui fait la force et la beauté des travaux historiques, c’est qu’un historien n’est jamais qu’une étape dans une connaissance qui va s’améliorant avec les générations 4. Nous adhérons à cette conception des choses. Aussi espérons-nous que cet écrit sur la résistance des sapeurs-pompiers de Paris s’enrichira de découvertes, sans doute lorsque d’autres documents d’archives protégés ou oubliés dans les familles viendront au jour ; non seulement ils compléteront nos connaissances, mais peut-être imposeront-ils quelques rectifications. Nous ressentons, cependant, malgré les connaissances fragmentaires, la nécessité de rendre hommage aux sapeurs-pompiers de Paris dont nous connaissons les actions, mettant fin à une occultation certaine et injuste à leur égard et nous espérons ainsi susciter l’intérêt des jeunes lecteurs, les engageant à poursuivre une indispensable recherche. 1 Exploitées alors par Emmanuel Ranvoisy pour la réalisation d’un mémoire de maîtrise à l’université Paris IV Sorbonne en 1994 – Le régiment des sapeurs-pompiers de Paris 1938-1944. 2 Documents sur Frédéric Curie d’Henri-Lucius Grégoire (cf. portraits IIIe partie). 3 Particulièrement grâce aux archives privées des familles Curie, Blanc et Charron. 4 Entretien de février 1977 avec Henri NOGUERES dans A bâtons rompus avec…, Paris : F.N.D.I.R.P., 2002, p. 46. 3 Ce second tome est donc un essai sur les sapeurs-pompiers de Paris résistants. Chacun sait que la résistance de Paris s’inscrit dans la Résistance globale et qu’elle est en relation avec divers mouvements, des réseaux s’étant constitués, groupés, dissous, fluctuant au cours des vicissitudes de l’occupation et de la répression allemande et vichyste, une seule personne pouvant appartenir à plusieurs réseaux. Cependant, si cet essai s’appuie sur des documents incontestables et des témoignages de grande valeur, il ne prétend pas relater les activités de l’ensemble des groupes de résistance, aux actions desquelles, à divers moments, ont participé des sapeurs-pompiers mais bien de relever la spécifi- cité des actions de ces derniers. Comme le soulignent Dominique Veillon et Jean-Marie Guillon dans le Dictionnaire historique de la Résistance 5, en 1940, entrer en résistance ne va pas de soi et, avant même la peur à surmonter, cela suppose de rompre avec la culture de l’obéissance à l’Etat, qui imprègne bien des consciences. C’est a fortiori le cas pour des militaires qui sont soumis au principe hiérarchique. Au tout début, c’est un débat entre légalité et légitimité qui a traversé les esprits embrumés des citoyens anéantis par la défaite et l’Occupation et il est évident qu’une question s’est posée pour beaucoup de sapeurs-pompiers : Le devoir patriotique peut-il transgresser la première mission du régiment, c’est-à-dire la sauvegarde des vies et des biens dans la cité et l’engagement dans la défense passive ? Et pourtant certains se levèrent et, même si le sursaut fut peu perceptible en 1940, ils portaient un témoignage de combativité et d’espérance. Or, qui pouvait espérer ? Pour eux, comme pour les autres résistants, qui pouvait imaginer, en juin 1940, que presque cinq ans plus tard la France, en la personne du général de Lattre de Tassigny, recevrait à côté des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Union Soviétique, la reddition sans condition de l’Allemagne nazie anéantie ? René Rémond écrit : Le 18 ou le 25 juin 1940, il fallait un grain de folie ou une prescienc peu commune pour refuser l’évidence et concevoir une autre issue que la victoire totale de l’Allemagne 6. Cet ouvrage tente essentiellement de faire saisir comment certains pompiers ont pu concilier des actes de résistance et leurs fonctions traditionnelles, comment parfois l’appartenance à l’institution a été utilisée pour œuvrer dans la clandestinité contre l’occupant mais aussi la nécessité impérieuse que nombre d’entre eux ressentirent de se détacher de leur régiment afin de poursuivre leur action résistante. Pour être au plus près des faits, pour veiller à l’impartialité dans l’équilibre de leur diversité et dans la rigueur de leur description, par souci de traduire au mieux les difficultés de toute action dans un contexte d’une extrême complexité, nous avons pris le parti de préserver autant que possible un développement chronologique et de renvoyer à de nombreuses notes, dont on nous pardonnera l’abondance. 5 Dictionnaire historique de la résistance : résistance intérieure et France libre sous la direction de François MARCOT, avec la collaboration de Bruno LEROUX et Christine LEVISSE-TOUZE, Paris : Robert Laffont, 2006, page 3. 6 René REMOND, Notre siècle 1918-1988, tome 6 d’Histoire de France, Jean Favier (dir.), Paris : Fayard, 1988, page 331. Première partie : La résistance des sapeurs- pompiers de Paris : des actes individuels dès 1940 aux actions organisées 4 - Caserne Vieux-Colombier en 1941 © Caserne Vieux-Colombier BSPP 4 5 5 - Carte des zones d’occupation et de la zone libre. La France sous l’occupation (1940-1944) © IDE La mise en place de l’occupation à Paris en 1940 1. 6 L’occupation de Paris est sans précédent dans l’histoire de la ville. En effet, Paris devient une « capitale allemande ». L’armée allemande avait conquis huit capitales étrangères. Mais ces dernières étaient restées capitales des pays asservis. Il n’en sera pas de même pour Paris avec l’installation du gouvernement à Vichy et le découpage du territoire entre zone annexée, zone interdite, zone occupée et zone libre. Dès le 14 juin 1940, l’envahisseur entre dans Paris déclaré ville ouverte et déserté par une popula- tion qui fuit sur les routes : c’est l’exode. A 10h, le drapeau à croix gammée flotte sur l’Hôtel de ville écrit René Rémond. Ce 14 juin 1940, à 11h du matin, des voitures munies de haut-parleurs se font entendre à chaque carrefour. L’une d’elles s’arrête place Saint-Sulpice, proche de la caserne des pompiers ; elle annonce : Le haut commandement allemand ne tolèrera aucun acte d’hostilité envers les troupes d’occupation. Toute agression, tout sabotage sera puni de mort. En d’autres lieux, toujours ce 14 juin, on entend : Vous êtes libres, nous ne vous voulons aucun mal ; les Anglais vous ont engagés dans une guerre que vous avez perdue d’avance. Dans cette atmosphère d’intimidation et de propagande démoralisatrices, l’appareil d’occupation allemand se met rapidement en place, l’administration allemande est omniprésente et, au-delà de l’état-major militaire, elle régente, au moyen d’un état-major de contrôle, l’ad- ministration et l’activité économique. Les jours qui suivent leur entrée dans Paris, les Allemands nomment des commissaires dans chaque entreprise importante 7,8. Si une certaine « vie parisienne » continue pour quelques nantis et futurs collaborateurs 9, les autres Parisiens ne se sentent plus chez eux et l’atmosphère dans les rues devient même rapidement oppressante 10. Le malaise des habitants est accentué par les panneaux indicateurs en allemand et par les drapeaux à croix gammée présents sur tous les bâtiments publics et le rationnement étant instauré dès 1940, cette population restée sur place a pour préoccupation essentielle de trouver de quoi se nourrir, se vêtir et lutter contre le froid. En dépit de cela et malgré le traumatisme de la défaite et la lutte pour survivre de beaucoup, la Résistance s’inscrit dans la capitale. 7 Le 25 juin 1940, les préfets recevront une note de la Feldkommandantur, document qui affirme : La Feldkommandantur commande, l’administration française exécute. 8 Kruger, à l’Hôtel de ville contrôle le budget de la ville de Paris (octroi, impôts, assistance publique) et épluche la gestion financière des sociétés concessionnaires de l’eau, du gaz, de l’électricité et du métro. La ville ne pourra plus passer un seul contrat sans son uploads/Litterature/ le-regiment-de-sapeurs-pompiers-de-paris-tome-2.pdf
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- Publié le Nov 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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