Le thème de L’amour dans Le roman « À la recherche du temps perdu » « … Si notr

Le thème de L’amour dans Le roman « À la recherche du temps perdu » « … Si notre amour n’est pas seulement d’une Gilberte (ce qui nous fait tant souffrir), ce n’est pas parce qu’il est aussi amour d’une Albertine, mais parce qu’il est une portion de notre âme, plus durable que les moi divers qui meurent successivement en nous et qui voudraient égoïstement le retenir, et qui doit, quelque mal (quelque mal d’ailleurs utile) que cela nous fasse, se détacher des êtres pour en restituer la généralité et donner cet amour, la compréhension de cet amour, à tous, à l’esprit universel… »1p.12 Le début du XXe siècle a porté le genre romanesque à son point de perfection technique. Proust s’inscrivait lui aussi dans le courant d’intellectualisation de la sensibilité poétique, où s’illustrèrent Valéry, Giraudoux, Claudel et Gide. Mais Proust fut une monumentale synthèse de la poésie, traditionnelle par son harmonie de la forme, et moderne par ses motif tirés de l’oublie mentale, et d’un pur réalisme. Son œuvre apparait comme « la liquidation psychologique et romanesque de la somme des représentations concrètes que le travail littéraire de ses prédécesseurs avait accumulées, une prise de conscience exhaustive d’un monde commun à beaucoup de personnes et tel qu’il pouvait être compris totalement » (R. Fernandez, A la gloire de Proust, P.198). La plupart des romans de l’époque, s’ils reprennent le thème romanesque par excellence, convergent vers la tristesse du « Mal Aimé ». Assez naturellement, Proust s’abandonne à cette pente et son œuvre porte les marques de la sensibilité commune. Chez lui, en effet, se retrouvent des éléments issus des grands romans du XIXe siècle, avec cette différence qu’il les fait subir comme des pressions plus fortes. « Proust durcit l’analyse, appuie le trait, en même temps qu’il adjoint un certain nombre de trouvailles et de détails originaux, à commencer par les 1 Proust Marcel, Le Temps retrouvé, III, p.897 intermittences du cœur, par lesquelles temps et espace pénètrent plus complètement la matière romanesque »2 Pour beaucoup de lecteurs-ceux qui ne lisent que les « morceaux choisis » ou les biographies, Proust fut longtemps un écrivain snob, mondain, le jeune dilettante raffiné, portant une orchidée à la boutonnière. André Gide, après avoir feuilleté le manuscrit que Proust soumettait au jugement des hommes de la NRF et avoir rassemblé quelques souvenirs sur son auteur, avait refusé de publier le livre, anticipant (predviđajući) ce que serait trop souvent le jugement de la postérité (sud potomstva). « Je m’étais fait de vous une image d’après quelques rencontres dans « le monde » qui remontent à près de vingt ans », écrivait-il à Proust en 1914. « Pour moi, vous étiez resté celui qui fréquente chez madame X ou Y, et celui qui écrit dans le Figaro. Je vous croyais, vous l’avouerai-je, du coté de chez Verdurin ! un snob, un mondain amateur- quelque chose d’on ne peu plus fâcheux pour notre revue. »3 Parmi ceux qui ne lui ménageaient ses griefs était aussi Jean Paul Sartre, qui lui reprocha, comme l’un de ses détracteurs les plus acharnés, l’homosexualité et l’origine bourgeois, sous prétexte que cela ne lui donnait pas le droit et l’artifice de se livrer à une analyse de l’amour qu’en recourant à « l’atomisme psychologique » et en supposant l’existence humaine invariable (ce second grief sera répété pour A. Camus). Si Proust a tenté de peindre des sentiments aussi différents des siens, « c’est donc qu’il croit à l’existence de passion dont le mécanisme ne varie pas sensiblement quand on modifie les caractères sexuels, la condition sociale, la nation ou l’époque des individus qui les ressentent. A propos de cette attitude, Sartre a dit suivant : « Nous ne croyons plus à la psychologie intellectualiste de Proust et la tenons pour néfaste, et cela pour quatre raisons : 1- Nous n’acceptons pas a priori que l’amour-passion soit une affection constitutive de l’esprit humain. (il y a comme dit Proust des « veinards »( sreckovic), il y a les êtres qui « ont du plaisir » que Proust a opposé aux « ceux qui aiment »). 2- Nous ne pouvons admettre qu’une affection humaine soit composée d’éléments moléculaires qui se juxtaposent sans se modifier les uns avec les autres. 3- Nous refusons de croire que l’amour d’un inverti présente les mêmes caractères que celui d’un hétérosexuel. 4- Nous nions que l’origine, la classe, le milieu, la nation de l’individu soient de simples concomitants(pratioci koji papalelno postoje) de sa vie sentimentale. »4 Mais vu que l’attitude de Sartre s’appuie à un système philosophique déterminé : l’existentialisme d’après guerre, nous ne pouvons pas admettre qu’elle nous perde la route qui 2 Bernard Pluchart-Simon, PROUST, L’Amour comme vérité humaine et romanesque, P. 50 ; Larousse université : collection- thèmes et textes, 1975 3 Correspondance, t. XIII, p.53 4 J.P.Sartre, Situations II, p. 20 sqq / cité d’après : Ibid.2 est du domaine romanesque et qui est susceptible d’être dissipé, nié, détruit par les jugements d’une intelligence raisonneuse qui, comme disait Proust dans Le Temps retrouvé fait qu’ «il n’y a plus rien de fixe, de certain, on peut démontrer tout ce qu’on veut », ou comme dit Voltaire : » Donnez-moi vingt lignes de n’importe quel auteur, je me charge de le faire pendre ». Cependant, Proust n’est pas un romancier mondain, il est le romancier d’un monde. On ne peut toutefois négliger un aspect important de son œuvre, et plus important encore dans Guermantes que dans les autres volumes : la PEINTURE DES SALONS, DU FAUBOURG SAINT-GERMAIN, DES « SNOBS », DES « MONDAINS AMATEURS » ; Proust, fut-il snob ? La réponse varie selon les témoins et n’est pas d’une grande importance. Mais il est sur que le snobisme prend un grand rôle et la place dans son œuvre. Avec Le Plaisirs et les jours, paru en 1896, Proust est fort occupé de mondanité, et les titres de certaines pièces du recueil témoignent même d’une véritable obsession : « Violante ou la mondanité », « Snobs », « Personnages de la comédie mondaine » « Mondanité et mélomanie de Bouvard et Pécuchet » « Un dîner en ville » La méthode employée est ici la condamnation sans appel : les personnages du monde sont médiocres, le snobisme est une « malédiction ». cette attitude est transposée aussi dans La Recherche du Temps perdu. Toutefois, au-delà du désenchantement des personnages, l’auteur découvre une authentique poésie : le snob n’a-t-il pas ses chimères qui ont la forme et la couleur de celle qu’on voit peintes sur les blasons(grbovima) » ? En fréquentant des aristocrates, il fait revivre l’histoire qui est concentrée dans leurs noms évoquant des batailles, des aïeux prestigieux. Son « rêve solidarise le présent au passé(Les plaisirs et les jours : « à une snob », Folio p. 89) ». Et si cette tentative de retrouver le temps perdu à travers des chimères n’aboutit pas dans Les Plaisirs et les jours on sait la valeur qu’elle prendra dans le dernier volume de La Recherche. Les scènes mondaines sont également nombreuses dans Jean Santeuil, où Proust semble abandonner la poésie du snobisme pour privilégier l’étude des mécanismes de la société (1895- 1899). Les noms de l’aristocratie n’ont qu’un faible pouvoir d’attraction aux yeux du héros, qui apparait davantage comme un ambitieux, soucieux de fréquenter les meilleurs salons, inquiet de sa situation social, des égards que lui témoigne telle ou telle duchesse. Proust décrit le snobisme de l’extérieur, avec un désabusement(razocarenje,bez zablude) une lucidité de commande, dictés par le désir de ne pas passer soi-même pour snob. Il fait une étude psychologique sur les différents variétés de l’ambitieux, dans une étude historique sur la société à la fin du XIXe siècle que dans l’histoire plus modeste de Jean Santeuil (voir Jean Santeuil, p.426 ; Pléiade), et la formulation de cette vérité lui permettra quelques années plus tard, de transformer la description objective du snobisme en ressort romanesque : « Le désir (est) dans le snobisme comme dans l’amour le principe et non l’effet de l’admiration» (Jean Santeuil, p.428). Quels que soient les salons qu’il décrit, celui d’un bas-bleu ou celui d’une reine d’élégance, une certaine exigence intellectuelle préside (vlada, predsedava, rukovodi) à la conversation. La mode a passé de vouloir chercher l’œuvre à travers son auteur comme la faisait la critique beuvienne ou plutôt que de se demander seulement si l’on est en présence d’un homme dévoré du besoin d’aimer, plutôt que de considérer en Proust un émule(takmac, suparnik) de la Rochefoucauld, désireux, comme il l’écrivait dès 1894, « de vivre dans un cercle de femmes et d’hommes magnanimes(velikodusan, plemenit, dobar) et choisis, assez loin de la bêtise du vice et de la méchanceté » il est vrai qu’on peut remarquer déjà dans Les Plaisirs et les jours la nature sensible de l’écrivain, qui appelle de ses vœux « le pur, le parfait amour », mais il n’y est pas encore un vrai romancier ; il le deviendra dans La Recherche, où, après avoir s’orienté uploads/Litterature/ le-theme-de-l-x27-amour-dans-le-roman-a-la-recherche-du-temps-perdu.pdf

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