Lecture linéaire n°4 : Parcours associé. Le personnage, esthétiques et valeurs.

Lecture linéaire n°4 : Parcours associé. Le personnage, esthétiques et valeurs. Madame de La Fayette La Princesse de Clèves (1678) : la scène de l’aveu. Madame de La Fayette est née en 1634 et décédée en 1693, c’est une aristocrate qui fréquente l’hôtel de Rambouillet. Elle épouse en 1655 le comte de La Fayette et tient salon à Paris. Elle côtoie les grands de son temps puisqu’elle est dame d’honneur d’Henriette d’Angleterre. Elle a écrit deux romans, dont La Princesse de Clèves écrit en 1678, roman précieux où domine l’analyse psychologique. Dans ce roman, l’action se passe à la cour d’Henri II en 1558 et de François II en 1559 : une jeune fille de l’aristocratie, Mademoiselle de Chartres a reçu une éducation exemplaire et vertueuse. Elle fait un mariage de raison avec le Prince de Clèves mais rencontre à un bal le duc de Nemours dont elle tombe amoureuse. La jeune femme combat cette passion mais une nouvelle rencontre entre les deux personnages ravive cet amour. Elle l’avoue à son époux alors que le duc de Nemours est caché dans cette scène. En quoi cet aveu montre-t-il l’héroïsme des personnages ? Nous verrons d’abord une scène d’aveu divisée en trois parties : le discours de Mme de Clèves des lignes 1 à 10, puis la réaction de son époux des lignes 11 à 14 et enfin la réponse de ce dernier à cette nouvelle de la ligne 15 à la fin. NB : Il faudrait Noter les références exactes aux lignes I. L’aveu singulier de la Princesse de Clèves : (jusqu’à « aimez-moi encore, si vous pouvez ») 1. Un discours de défense : Cette scène peut donner l’impression de n’être qu’une illusion de sentiments vertueux. La Princesse promet en effet un aveu au début de l’extrait au présent à valeur de futur proche « je vais vous faire un aveu » mais ne prononce jamais le nom de son amoureux. Elle réussit la prouesse de confesser l’adultère tout en ne l’exprimant pas. Cette manière de procéder rejoint le goût des Précieux pour les énigmes, en effet dans les salons, les Précieux pratiquaient ce jeu pour deviner quelqu’un ou quelque chose. La Princesse aussi utilise tous les moyens rhétoriques de l’avocat qui plaide une cause : tout d’abord par la gestuelle « en se jetant à ses genoux », puis en posant le sujet (l’exorde : voir discours de Julien) avec « je vais vous faire un aveu », ensuite elle essaie de capter la bienveillance de son mari avec le champ lexical de l’innocence avec les mots « innocence » « conduite » « intentions » « force » « nulle marque de faiblesse ». Elle évoque d’ailleurs sa solidité morale avec la négation « je n’ai jamais donné nulle marque de faiblesse ». Elle indique aussi immédiatement ses intentions : quitter la cour avec l’impersonnel « Il est vrai que ». Elle fait appel à l’émotion en évoquant des circonstances atténuantes telles que la mort de sa mère avec la condition « si j’avais encore madame de Chartres pour me conduire » et son jeune âge, elle désigne sa jeunesse de façon vague « les personnes de mon âge » et elle s’inflige elle-même sa peine. 2. Un aveu héroïque : Cette page est un moment critique du roman où la Princesse de Clèves reconnaît à son mari son amour pour un autre. Son aveu est pudique et sa passion pour le duc de Nemours n’est évoquée qu’au moyen d’un euphémisme « et si j’ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions », . Cet héroïsme est accentué par le chiasme « Je vous demande mille pardons, si j’ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions », elle hésite comme les grands héros cornéliens entre amour et devoir. On note aussi une hyperbole qui indique la personnalité de la princesse « je vous demande mille pardons ». Cette évocation pudique de l’adultère correspond aux bienséances requises au XVIIème siècle. L’aveu de la princesse est exceptionnel comme le montre le champ lexical de l’héroïsme avec les mots « force » « périls » « nulle marque de faiblesse » « je ne craindrai pas » « dangereux » « digne » et « trop noble ». Le texte s’inscrit aussi dans le registre épique en mettant en scène une princesse héroïque qui brave les conventions religieuses et sociales pour faire une révélation pleine de sincérité et de noblesse. Enfin, elle semble clamer son innocence et les verbes à l’impératif « conduisez- moi » « aimez-moi » et « ayez pitié » montrent une maîtrise de la situation : elle indique à son époux ce qu’il doit faire. Après cet aveu héroïque de Madame de Clèves, où elle fait part de son aveu en taisant le nom de son amoureux, on note une scène qui progresse vers la tragédie. II. Une scène de tragédie : (de « Monsieur de Clèves était demeuré pendant tout ce discours » à « et l’embrassant en la relevant ») ( des didascalies ici, comme au théâtre) : 1. Un tableau : Les caractéristiques de la tragédie sont présentes à travers le champ lexical de la douleur « demeuré » « la tête appuyée sur ses mains » « larmes » « mourir de douleur » et la gestuelle tragique « la tête appuyée sur ses mains » « à ses genoux » « l’embrassant en la relevant ». Ces mentions se rapprochent d’une didascalie de théâtre et placent le lecteur dans un extrait dramaturgique. Les prises de parole des personnages, équilibrées et successives encadrent ce tableau tragique qui ressemble à un dialogue de théâtre où les personnages argumentent pour se justifier. Cette tragédie de l’amour impossible est accentuée par la beauté de la princesse de Clèves qui est décrite comme un tableau religieux avec sa posture à genoux « il la vit à ses genoux », son extrême beauté avec l’hyperbole« d’une beauté admirable » et le lecteur peut penser à ces tableaux représentant la Vierge Marie éplorée. 2. Un témoin caché : (pas de référence au texte, scène à témoin caché, fréquente dans la tragédie, Nemours entend ce qui se dit) En outre, cette scène s’apparente à une tragédie car elle comporte un personnage, celui dont il est question pour l’aveu d’amour qui épie la scène. Il est spectateur de la scène, témoin discret. On peut se demander quelles vont être les réactions du duc de Nemours après avoir écouté cet aveu. Généralement, au théâtre, ces scènes à témoin caché sont fondamentales pour faire rebondir l’action et le lecteur se doute qu’il va en être de même ici. Cette scène s’apparente donc au théâtre classique dans la forme et l’attitude des personnages. Cependant, le personnage de l’époux manifeste des qualités particulières. III. La dignité de monsieur de Clèves : (de « Ayez pitié de moi, vous-même, Madame » à « la plus grande marque de fidélité que jamais une femme ait donnée à son mari ») 1. Le trouble intérieur de Monsieur de Clèves : Au début de sa réplique, Monsieur de Clèves pratique des ruptures syntaxiques nombreuses qui montrent son trouble : ce sont des anacoluthes. On note cette phrase avec le registre pathétique « ayez pitié de moi, vous-même, Madame, lui dit-il, j’en suis digne ». Le prince de Clèves est en plein désarroi, le champ lexical de la douleur est omniprésent dans la réplique du prince de Clèves avec « affliction aussi violente » « le plus malheureux homme » « je m’étais consolé » « la jalousie » « vous me rendez malheureux ». Ce vocabulaire est de surcroît accentué par des adverbes intensifs « aussi » et des superlatifs de supériorité « le plus ». La peine de Monsieur de Clèves est telle qu’il ne parvient pas entièrement à étouffer sa jalousie. Elle s’exprime par une succession de questions : « et qui est-il Madame, cet homme heureux »… jusqu’à « Quel chemin a-t- il trouvé pour vous plaire ? ».Ces questions montrent son désarroi et sa volonté d’information. 2. La grandeur d’âme de Monsieur de Clèves : Pourtant il dépasse la jalousie avec grandeur : à ses interrogations, il répond de manière ferme et catégorique par des tournures négatives « je n’abuserai pas de cet aveu » « je n’en abuserai pas » qui montrent qu’il ferme son cœur à la jalousie et qu’il sort vainqueur de sa lutte contre une passion négative. Il emploie aussi le champ lexical de la vertu pour désigner son épouse « confiance » « sincérité » « prix infini » « marque de fidélité » « donné », il chasse ainsi toute trace de péché et son épouse est rachetée de sa faute. Les deux personnages sortent grandis de cette épreuve et dépassent le vice ou les passions pour s’élever à la vertu. La structure rigoureuse de cette scène montre une solennité dramatique qui uploads/Litterature/ lecture-lineaire-4-la-fayette.pdf

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