Un scénario d'Olivier Jahan et Diastème – Publication à but éducatif uniquement

Un scénario d'Olivier Jahan et Diastème – Publication à but éducatif uniquement – Tous droits réservés - Merci de respecter le droit d’auteur et de mentionner vos sources si vous citez tout ou partie d’un scénario.   En écrivant ce scénario avec Diastème, nous nous sommes simplement laissés porter par l’écriture, par ce que les situations que nous avions imaginées nous inspiraient. Il n’y a eu de notre part aucun calcul afin de le rendre plus immédiatement « efficace », aucune envie de formater le récit, d’expliquer comment telle ou telle scène serait illustrée et découpée. Il ne fallait pas s’enfermer dans une écriture trop technique ou explicative. Dans ma note d’intention d’avant tournage, j’avais écrit ceci : “Le texte que nous avons écrit vous semblera sans doute un peu différent de ce qu’on a l’habitude d’appeler « scénario », à savoir un enchaînement de scènes dialoguées et découpées sous forme de séquences qui précisent où et quand l’action se déroule. C’est principalement l’envie de ne pas nous contraindre dans l’écriture et dans la proposition qui nous a guidés. C’est une histoire écrite à quatre mains qui conjugue des éléments très intimes que nous avons plus ou moins vécus, Diastème et moi, chacun à sa manière. Une envie d’être au plus près de ce que nous racontons : la façon dont on gère le deuil, le contrecoup, les problèmes administratifs, la découverte des secrets familiaux, l’histoire d’un couple qui n’en est plus un mais qui pourrait à chaque instant le redevenir, dans ces confessions brèves mais intenses, dans ce jeu trouble, ces rapports de tension, de séduction, d’agressivité et de lâcher-prise. Et d’aborder ce récit en alternant tension émotionnelle, moments introspectifs, plages de tendresse ou de drôlerie. Une histoire que nous souhaitons détachée d’un récit trop linéaire, afin d’entrer dans la tête de nos protagonistes, dans leurs pensées, leurs sentiments les plus intimes. De découvrir leurs états d’âme, ce qui leur traverse l’esprit à l’instant où ils le vivent. De se projeter dans leur univers mental afin de mieux les cerner, sans pour autant délaisser la narration. D’où ces photos, qui viennent simplement enrichir le texte ou lui donner la couleur que nous souhaitons, sans forcément se référer à ce qui sera tourné par la suite. On pourra se demander comment illustrer ces moments qui échappent soudain au récit tel que défini. C’est là que le projet prend tout son sens, dans une envie, après avoir écrit un scénario sans contrainte, d’en faire de même derrière la caméra. C’est-à-dire ne pas hésiter à filmer des plans qui trouveront leur véritable sens au montage, à imbriquer des images, des photos, des voix-off, des adresses caméra, de la musique, pour donner une vraie liberté et une force émotionnelle à ce projet où la forme s’inventera au fur et à mesure du tournage.” Dans cette version, j’ai donc un peu réordonné des séquences qui se sont déplacées au montage pour plus de fluidité mais j’ai aussi laissé quelques séquences qui ne figurent plus dans le film (et notamment certains des « apartés » de Samuel et d’Éléonore). Il y avait dans ce texte une proposition, le film je pense en conserve des traces, reflète l’état d’esprit qui avait guidé l’écriture, et s’est enrichi, pendant le tournage, de la sensibilité des acteurs, qui se sont approprié leurs personnages avec une aisance déconcertante, adoucissant ou durcissant parfois le trait, et de tous ces moments de vie inattendus captés par la caméra. La proposition pouvait sembler abstraite, elle a pris vie et a trouvé tout son sens lors du tournage et du montage, dernière étape exécutée dans le plaisir en découvrant que tous ces éléments assemblés de façon disparate, les petits plans tournés à droite à gauche, les voix, les photos, la musique de Patrick Watson, s’imbriquaient harmonieusement. Il reste un scénario, première étape d’un long chemin, un « objet » dont nous sommes fiers, parce que le refus de tout calcul, de tout compromis, tout au long des étapes du film, a fini par porter ses fruits. Olivier Jahan   « VOUS RECHERCHEZ LA PROXIMITÉ DE LA MER, UNE MAISON DE CARACTÈRE, DANS UN COIN TRANQUILLE SANS POUR AUTANT ETRE TROP ISOLÉ ? SITUÉE DANS UN PETIT HAMEAU, À À PEINE 200 MÈTRES DE LA CÔTE, CETTE LONGÈRE PLEIN SUD, PROLONGÉE PAR SA GRANDE TERRASSE, VOUS ATTEND. IDÉALE AUSSI POUR UNE ACTIVITE DE CHAMBRES D'HÔTES, AVEC UN ACCÈS INDÉPENDANT EXTÉRIEUR AUX CHAMBRES DE L'ÉTAGE ET UNE PETITE DÉPENDANCE QUI POURRAIT ÊTRE AMENAGÉE EN GÎTE POUR ACCUEILLIR SIMPLEMENT FAMILLE ET AMIS. LA PRESQU'ILE SAUVAGE “NATURA 2000” REGORGE DE PAYSAGES MARINS D'EXCEPTION, DANS UN CADRE AUTHENTIQUE. »      1 Les toilettes d’une station-service. Éléonore sort d’une cabine, vient se laver les mains. Ne se regarde pas dans le miroir. Et là elle le remarque, se rapproche du miroir, un cheveu blanc, un seul. Précautionneusement elle l’attrape, rageusement elle le tire. Samuel est aux distributeurs de boissons, il a les traits tirés. Il prend une pièce, la glisse dans la machine, appuie sur la touche “café expresso sucré”. Le jour est train de se lever. La station est quasi déserte. Samuel se frotte les yeux en attendant que le café coule. Le café coule. Il sort son téléphone, regarde s’il a un message. Puis baille, sans mettre sa main devant sa bouche, en grand.  2 Une femme qui s’appelle Claire Andrieux, dans une petite maison en Bretagne, vient juste de se lever. Elle est en peignoir. Elle prépare la gamelle de son chat, des carottes dans un Tupperware, du thon en miettes dans un autre. Qu’elle mélange. L’odeur du thon au réveil la fait un peu grimacer. C’est une femme qui, de fait, commence toutes ses journées par une grimace. Mais le chat miaule, il a l’air content. Elle dit : “Voilà, voilà, ça arrive !” Le chat continue à miauler, puis elle pose la gamelle à ses pieds, regarde son chat manger. Claire Andrieux sourit, le regarde une seconde. Puis elle dit, à voix haute : “Bon, allez, c’est pas tout ça ! Zou !” et se frotte les mains. C’est une femme qui se parle à voix haute. Et se frotte les mains. 3 Samuel et Éléonore sont en voiture, lui conduit, elle regarde la route. Ils roulent sur la Départementale 20, passent au lieu-dit “Le Paradis”, direction Lanmodez. Là ils rejoindront Ker Salloux. Cela fait plus de cinq heures qu’ils sont dans cette voiture. Elle mange les Figolu, il fume des cigarettes. Dès qu’il appuie sur l’allume-cigare, elle appuie sur l’ouvre-fenêtre. On croirait presque que l’allume-cigare, dans cette voiture, commande l’ouvre-fenêtre. Éléonore n’a pas grandi à Ker Salloux. C’est une maison dans laquelle son père s’est installé il y a dix ans, quand elle a quitté l’appartement de la rue Amelot, où ils vivaient ensemble depuis la mort de Marie, sa mère. La retraite est arrivée, il a quitté Paris, a acheté cette maison. Cette grande maison où il espérait sans doute accueillir Éléonore plus souvent. Mais cela fait deux mois que son père est mort, et il faut qu’elle vende la maison. Absolument.   Alors elle a groupé des rendez-vous, des visites. Vendredi et samedi, et retour le dimanche. La dame de l’agence sera là. Et puis elle a appelé Samuel, pour qu’il l’emmène en voiture passer trois jours à Ker Salloux. Elle n’a pas son permis. Lui l’a.   Éléonore est photographe, elle vit dans le présent. Ce qu’elle capture dans ses images est le présent. Un présent qui n’existe pas sinon dans les images. Samuel vit dans le passé. Il est agrégé et prof d’Histoire. Il finit sa thèse sur Geli Raubal, la nièce d’Hitler. Il donne des cours et il écrit. Une vie simple, après une vie compliquée. Ça lui plaît bien. Il a dit oui parce qu’il ne pouvait pas dire non. Parce qu’ils se sont aimés, éperdument, pendant cinq ans, même si aujourd’hui c’est fini, Sans doute aurait-il dû dire non. Mais c’est Éléonore. Et c’est son père. C’est cette maison. Il a dit oui. Et voilà qu’ils roulent en voiture, “Le Paradis” est derrière eux. L’Enfer, pensent-ils, doit être devant.  4 La maison, la voilà. Ils arrivent dans la cour. Chacun portant son sac. Devant la porte, cachée de la route, Éléonore découvre un tas de machins empilés, planqués sous une bâche. Sur la bâche une enveloppe, sur laquelle est posée un caillou. Éléonore, sans comprendre, retire le caillou, prend l’enveloppe, l’ouvre. Samuel retire la bâche : on découvre six caisses de six bouteilles de vin, étiquetées “Benoît Laffont – grossiste en vins”.   Éléonore/ C’est du vin. Samuel/ Je vois ça… Éléonore/ C’est des caisses qu’avait commandées mon père… Elles sont là depuis un mois… Elle aurait pu les rentrer, l’autre. Samuel/ (tentant une blague) Tu crois que ça suffira pour le weekend ? Éléonore le regarde sans sourire. 5 Éléonore hoche la tête, sans répondre, et ouvre la maison. Les stores sont tirés, mais l’électricité uploads/Litterature/ les-chateaux-de-sable.pdf

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