Table des matières Introduction Renaud GaGné & Miguel Herrero de JáureGui, Sauv
Table des matières Introduction Renaud GaGné & Miguel Herrero de JáureGui, Sauver les dieux ............................... 7 Chapitre I Gabriella Pironti, Questions homériques : des dieux personnels et de l’anthropomorphisme (im)moral ...................................................................................... 43 Chapitre II Daniela Bonanno, (Dis)habilités divines chez Homère et au-delà : Atē, les Litai et l’enfant d’Horkos ............................................................................................................... 65 Chapitre III Carmine Pisano, Au-delà de l’anthropomorphisme : « icônes culturellement possibles » des dieux dans le monde grec .................................................................................................. 89 Chapitre IV Hélène Collard, Distinguer un dieu d’un homme : l’anthropomorphisme des dieux d’Homère en images ............................................................................................................. 113 Chapitre V Adeline Grand-Clément, Les sourcils bleu sombre du fils de Kronos : du Zeus d’Homère à la statue de Phidias ........................................................................................... 135 Chapitre VI Vinciane Pirenne-delforGe, Imaginer les dieux. L’anthropomorphisme divin chez Artémidore et Dion Chrysostome .................................................................................. 155 Chapitre VII Corinne Bonnet, L’anthropomorphisme du Zeus d’Homère au miroir de Lucien ............. 177 Chapitre VIII Renaud GaGné, Les « dieux semblables à des étrangers » (Odyssée, XVII, 485-487) .... 197 6 Table des matières Chapitre IX Miguel Herrero de JáureGui, Xenophanes redivivus? L’anthropomorphisme des dieux d’Homère dans la littérature apologétique chrétienne .............................................. 235 Chapitre X Maurizio Bettini, Ad negotia humana compositi. L’agency humaine des dieux antiques ................................................................................................................ 261 Abréviations et bibliographie ................................................................................... 277 Liste des contributeurs ............................................................................................... 309 Index général .................................................................................................................. 313 Index locorum ............................................................................................................... 321 Chapitre IX Xenophanes redivivus ? L’anthropomorphisme des dieux d’Homère dans la littérature apologétique chrétienne Les jugements des auteurs chrétiens anciens sur la religion grecque sont souvent laissés de côté, balayés d’un revers de main comme étant lourdement chargés d’une pers pective dogmatique pleine de préjugés 1. Il est vrai que l’accumulation répétitive de topoi d’un littéralisme assez simple pour condamner le « paganisme », tout autant que la manipulation de textes provenant d’anthologies et l’intolérance du monothéisme exclu siviste font de la lecture des apologistes une tâche généralement peu agréable pour le spécialiste de la Grèce ancienne. S’entendre dire qu’il faut condamner le théâtre tout court, ou lire constamment que des passages comme la Dios apatē ou les amours d’Arès et Aphrodite attestent l’immoralité des mythes grecs, donne souvent à penser que, puisque les apologistes n’ont rien compris de la vraie nature de la culture et de la reli gion grecques, ils ne méritent pas mieux que les habituelles expressions de dédain. Et pourtant, ces auteurs ont une véritable importance pour la compréhension de la religion grecque ancienne, et ce pour diverses raisons : d’une part, ils transmettent un grand nombre de textes et d’informations uniques sur des rites, mythes et réflexions reli gieuses de la Grèce classique, hellénistique, et impériale, qui doivent être filtrés par une compréhension adéquate de leur contexte de transmission ; de l’autre, leurs argu ments nous désespèrent précisément parce qu’ils ont été répétés durant des siècles après eux jusqu’à l’époque moderne, et ils constituent donc une étape fondamentale de la réception culturelle de la religion grecque. Les approximations modernes, teintées des projections christianisantes et de préoccupations anachroniques, se rattachent sou vent à celles des apologistes. C’est encore plus vrai d’un sujet comme l’anthropomorphisme religieux, très à la mode dans les cercles cognitivistes aujourd’hui (e.g. Stewart Guthrie, pour qui toute 1. Je remercie Corinne Bonnet de son aide généreuse avec le français dans la première version de ce texte, ainsi que Renaud Gagné et Vinciane Pirenne-Delforge pour la révision attentive du texte final. 236 Chapitre IX – Miguel Herrero de JáureGui reli gion est forcément anthropomorphe 2 ). Mais, comme on l’a vu dans l’introduction de ce volume, le concept a une très longue histoire, et il nous parvient forcément fil tré à travers sa théorisation chrétienne, largement formée par les apologistes des premiers siècles de notre ère, qui se trouvaient confrontés à ce problème dans une dou ble perspective. D’une part, les arguments des chrétiens à ce propos sont non seule ment hérités de ceux des Juifs, mais aussi de la tradition grecque ellemême, lon gue déjà de plusieurs siècles, et ils se mêlent au traitement du problème par les cer cles intellectuels grecs contemporains des apologistes. De l’autre côté, la question de l’anthropomorphisme est très importante pour le christianisme luimême, comme quel ques critiques païens, tels Celse ou Porphyre, l’ont fait remarquer. Un regard au Patristic Greek Lexicon de Geoffrey Lampe montre que les mots anthrōpeios, anthrōpoeidēs, anthrōpomorphos, anthrōpopathēs, non seulement sont appliqués aux dieux païens pour les atta quer, comme on le verra, mais aussi au Dieu chrétien, très anthropomorphique dans l’Ancien Testament et plus encore dans le Nouveau, en tant qu’incarné dans son fils sous une forme humaine et participant à des souffrances humaines. En fait les chrétiens du ive siècle ont dû combattre une « hérésie », appelée les Anthropo morphites, des moines égyptiens qui attribuaient une forme humaine à Dieu — dont la représentation en image est le problème central de la polémique iconoclaste du viiie siècle 3. La critique des dieux grecs sera nécessairement conditionnée par la diffi- culté d’éviter cette même accusation. Un mot sur le corpus pertinent à cette étude avant de commencer. La littérature apolo gétique est immense (et beaucoup de ses arguments perdurent sous diverses formes, quelquefois sans grands changements, jusqu’à nos jours), alors que la géné ra tion dite des Apologistes désigne les écrivains du iie siècle, ceux qui défendent le christianisme contre les païens. On peut prendre les chrétiens comme un tout, adver saires ou continuateurs de la tradition grecque, et se concentrer sur leurs traits communs (le mode d’analyse le plus fréquent dans les études classiques) ; ou se concentrer sur leurs différences générationnelles et individuelles (le mode le plus com mun dans les études patristiques). Une approche plus récente et plus pro duc tive consiste à les étudier en regard des auteurs « païens » contemporains, en rela ti visant la différence idéologique et en se concentrant sur leurs préoccupations et thèmes partagés 4. On utilisera ici une combinaison de ces trois approches. Pour le sujet de l’anthropomorphisme homérique, il faut éviter un traitement trop général de 2. GutHrie (1993) ; un résumé chez GutHrie (1997). Voir l’introduction à ce volume. 3. Sur cette secte et les problèmes théologiques autour de l’anthropomorphisme divin dans le christianisme ancien, cf. Patterson (2012). 4. Cette perspective a été utilisée dernièrement surtout pour Tatien : cf. Crawford (2015) et nesselratH (2016) avec bibliographie ; pour Clément, Kindt (2013), p. 155189. En général, esHleman (2013) et sur tout les œuvres sur la religion de l’Antiquité tardive de Guy Stroumsa, qui a été l’instrument de ce tour nant, e.g. stroumsa (2016). Xenophanes redivivus ? L’anthropomorphisme des dieux d’Homère 237 la réception chrétienne des mythes grecs, un sujet déjà étudié plusieurs fois 5. Étudier chez les apologistes la présence des fragments de Xénophane qui critiquent l’anthro po morphisme semble le point de départ le plus adéquat pour montrer leur façon d’opérer à ce sujet (surtout parce qu’il y a eu des doutes récents à propos de l’authen ticité des fragments, auxquels on n’a pas encore répondu). Ensuite, je présen terai de manière synthétique les arguments et les stratégies des apologistes à propos de l’anthro pomorphisme des dieux. Finalement, je me concentrerai sur un cas très repré sen tatif mais guère étudié, à ma connaissance, à savoir celui du Zeus Olympien dans le Protreptique de Clément d’Alexandrie. Xenophanes christianus ? La critique la plus célèbre de l’anthropomorphisme des dieux d’Homère est celle de Xénophane de Colophon. Les fragments ont été transmis par Clément d’Alexandrie, dans un passage du Ve livre des Stromates, où il essaie de montrer le larcin de la sagesse prophétique opéré par les Grecs. Après avoir cité Antisthène, Xénophon et la Sibylle, il dit 6 : Εὖ γοῦν καὶ Ξενοφάνης ὁ Κολοφώνιος, διδάσκων ὅτι εἷς καὶ ἀσώματος ὁ θεός, ἐπιφέρει· εἷς θεός, ἔν τε θεοῖσι καὶ ἀνθρώποισι μέγιστος, οὔ τι δέμας θνητοῖσιν ὁμοίιος οὐδὲ νόημα. καὶ πάλιν· ἀλλ’ οἱ βροτοὶ δοκοῦσι γεννᾶσθαι θεούς, τὴν σφετέρην δὲ ἐσθῆτα ἔχειν φωνήν τε δέμας τε. καὶ πάλιν· ἀλλ’ εἴ τοι χεῖρας <γ’> εἶχον βόες ἠὲ λέοντες, ὡς γράψαι χείρεσσι καὶ ἔργα τελεῖν ἅπερ ἄνδρες, ἵπποι μέν θ’ ἵπποισι, βόες δέ τε βουσὶν ὁμοίας καί <κε> θεῶν ἰδέας ἔγραφον καὶ σώματ’ ἐποίουν τοιαῦθ’ οἷόν περ καὶ αὐτοὶ δέμας εἶχον ὁμοῖον. Xénophane de Colophon, excellemment, enseigne aussi que Dieu est unique et incorporel, et ajoute : « Un seul dieu, le plus grand parmi les dieux et les hommes, qui ne ressemble en rien aux mortels par le corps, ni même par la pensée » (fr. 23 DielsKranz). Et encore, « mais les mortels croient que les dieux sont engendrés, et qu’ils ont leur vêtement, leur voix et leur corps » (fr. 14 DK). Et encore, « mais 5. La restriction à Homère nous permet de limiter le corpus aux apologistes grecs qui le citent (les latins généralement dépendent d’eux à cet égard). Les études sur la présence d’Homère chez ces auteurs ont porté surtout sur la dimension littéraire de l’ornementation du texte par des citations. Cf. fédou (2003) ; villani (2012), sur le rôle d’Homère dans le débat entre Celse et Origène. Pour une uploads/Litterature/ les-dieux-d-x27-homere-ii-l-x27-anthropomorphisme.pdf
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- Publié le Mai 02, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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