1 Les mille et une traductions du Coran Les traductions du Coran en français so
1 Les mille et une traductions du Coran Les traductions du Coran en français sont nombreuses et peuvent se répartir en deux catégories : celles à l'usage des croyants, et les éditions à destination du grand public ou des lecteurs cultivés qui veulent avoir accès à l'un des textes majeurs de la littérature religieuse. Les premières se désignent souvent par des périphrases telles que "essai d'interprétation" ou "essai de traduction du Coran inimitable". Outre la modestie des auteurs, il faut rappeler que, pour le musulman, le Coran est écrit en "arabe pur"et que son style est considéré comme "inimitable". On peut ranger dans cette première catégorie la version de Muhammad Hamidullah (Club français du livre), qui a été approuvée par les autorités religieuses saoudiennes et est largement diffusée dans les milieux musulmans. Il existe aussi une bonne traduction de Cheikh Hamza Boubakeur, ancien recteur de la Mosquée de Paris. La traduction de Régis Blachère (Maisonneuve & Larose, 1950) présente, elle, une édition "critique" du Coran, avec des notes abondantes. Elle respecte le classement habituel des sourates. Mais Blachère propose, en parallèle, un classement chronologique des sourates, par ordre de leur révélation au prophète Mahomet. Il s'appuie pour cela sur les travaux de l'école allemande des orientalistes, présentés dans la Geschichte des Qorans (1919-1938). La traduction de Régis Blachère n'est pas disponible en poche, et l'engouement du public a fini d'épuiser les stocks. Elle est donc en réimpression. La traduction du grand orientaliste français Jacques Berque (Albin Michel) est également recommandable. Elle aussi est provisoirement indisponible. La traduction de Kasimirski (Garnier-Flammarion) remonte à 1840. Son auteur était drogman à la cour de Constantinople. Elle reste intéressante, cependant, par ses qualités littéraires et le rôle qu'elle a joué dans la connaissance du Coran en France, pendant près d'un siècle. La traduction de Denise Masson est la plus répandue. Publiée en 1967, elle est disponible en Pléiade et en Folio (Gallimard). Elle se fonde notamment sur les travaux de Régis Blachère. Précédée d'une introduction fournie et d'un lexique, elle s'adresse au fidèle croyant comme au lecteur curieux. Deux autres versions du Coran occupent une place à part. Celle de Jean Grosjean (Seuil) s'efforce de rendre l'ampleur et le style poétique du texte arabe. André Chouraqui (Laffont) a poursuivi sur le Coran le travail qu'il avait déjà accompli sur la Bible : rendre le sens et la saveur de la racine sémitique des mots. Elle déconcertera sans doute plus d'un lecteur musulman. On peut signaler aussi les traductions d'E. Montet (Payot) et celle de René Khawam (Maisonneuve & Larose). Le petit "Que sais-je ?" de Régis Blachère, intitulé Le Coran (PUF), raconte l'histoire de la composition du livre, l'évolution de l'exégèse musulmane. Surtout, il insiste sur le rôle considérable joué par le Coran dans la vie des sociétés musulmanes. On lira avec intérêt l'ouvrage récent - mais un peu touffu - de Jacqueline Chabbi (Le Seigneur des tribus, Noêsis), qui propose une lecture décapante du texte coranique, en cherchant à retrouver, par- delà la tradition musulmane, ce que l'auteur appelle "l'islam des tribus". La meilleure introduction à l'islam reste l'ouvrage de Rochdy Alili, Qu'est-ce que l'islam ? (La Découverte). La biographie de Mahomet par Maxime Rodinson (Seuil) est toujours l'une des plus intéressantes. En se fondant sur les sources musulmanes, elle n'occulte aucun des aspects de la vie du prophète et le replace dans son temps et son milieu. La vie de Mahomet par l'Anglais Montgomery Watt, traduite chez Payot, est elle aussi l'une des plus complètes. 2 « Sourate des femmes : Verset 34/38 » S'il est un verset du Coran qui mérite d'être connu, c'est celui de la sourate des femmes où le divin texte exhorte le mari à frapper sa femme. Frapper sa femme, à moins qu'il ne s'agisse de la battre ou, dans la traduction plus pudique de Jacques Berque, de la corriger. Quant à celle de Si Hamza Boubakeur, sévir contre elles suffit, sans en préciser le moyen. Les nuances entre les traductions sont minimes et s'accordent toutes dans la légitimation du châtiment corporel de l'épouse. Texte barbare écrit à une époque où les musulmans se signalaient essentiellement par leur habileté à porter les armes, le Coran sert la domination masculine en alimentant la fable d'une infériorité féminine décidée définitivement lors du péché originel, une tare communément admise, et requise, par les trois monothéismes pour leur propre survie. Quand leur sont présentés les versets les plus haineux du "saint livre", les croyants rétorquent systématiquement et avec suffisance, fort de s'imaginer les seuls instruits en pseudo-sciences islamiques, que la traduction est mauvaise, que l'infidèle n'a pas compris, que le propos coranique est déformé et autres fariboles qui ne font que refuser, et la précipitent par la même occasion, l'évolution lente, mais inéluctable, de la société vers moins d'emprise du religieux, de son autoritarisme et de ses superstitions. Afin de couper court à cette argumentation simpliste ("le texte n'est pas mauvais, c'est ta lecture infidèle qui l'est"), neuf traductions de ce verset de la sourate 4 ont été examinées. Comme la numérotation peut varier, le verset apparaît au numéro 34 dans la plupart des éditions alors qu'il est noté au numéro 38 dans celle de Kasimirski et que Blachère indique les deux correspondances 38/34. Et le résultat est à couper le souffle : selon la traduction, le sort réservé aux femmes par la grandeur spirituelle de l'islam est d'être battues, frappées ou corrigées. Sachant que, d'après les légendes musulmanes, le Coran est incréé (pas d'auteur humain ni de date ou de lieu de confection ce qui résout astucieusement les nombreux écueils propres à l'élaboration de tout texte historique) et qu'il constitue la copie parfaite du "Livre conservé au ciel", la simple existence de ce verset brutal et misogyne suffit à rejeter l'ensemble du livre. Et l'islamophobie devient alors une attitude saine et naturelle. Les traductions du verset 34/38 de la sourate 4 : Mouhammad Hamidullah "34. Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu'Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu'ils font de leurs biens. Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui doit être protégé, pendant l'absence de leurs époux, avec la protection d'Allah. Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d'elles dans leurs lits et frappez-les. Si elles arrivent à vous obéir, alors ne cherchez plus de voie contre elles, car Allah est certes, Haut et Grand !" 3 Jacques Berque, Albin Michel, 1995 "34. Les hommes assument les femmes à raison de ce dont Dieu les avantage sur elles et de ce dont ils font dépense sur leurs propres biens. Réciproquement, les bonnes épouses sont dévotieuses et gardent dans l'absence ce que Dieu sauvegarde. Celles de qui vous craignez l'insoumission, faites-leur la morale, désertez leur couche, corrigez-les. Mais une fois ramenées à l'obéissance, ne leur cherchez pas prétexte. Dieu est Auguste et Grand." Kasimirski, GF-Flammarion, 1970 "38. Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci, et parce que les hommes emploient leurs biens pour doter les femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises ; elles conservent soigneusement pendant l'absence de leurs maris ce que Dieu a ordonné de conserver intact. Vous réprimanderez celles dont vous avez à craindre l'inobéissance; vous les relèguerez dans des lits à part, vous les battrez ; mais aussitôt qu'elles vous obéissent, ne leur cherchez point querelle. Dieu est élevé et grand." André Chouraqui "34. Les hommes ont autorité sur les femmes, du fait qu’Allah fait grâce à certains plus qu’à d’autres, et du fait qu’ils dépensent leurs biens. Les vertueuses adorent, et gardent le mystère de ce qu’Allah garde. Admonestez celles dont vous craignez la rébellion, reléguez-les dans des dortoirs, battez-les. Si elles vous obéissent, ne cherchez pas contre elles de querelle. Voici, Allah, le Sublime, le Grand." Si Hamza Boubakeur, ancien recteur de l'Institut musulman de la mosquée de Paris, Maisonneuve et Larose, 1995 "34. Les hommes ont autorité sur les femmes en raison [des qualités] par lesquelles Dieu vous a élevés les uns au-dessus des autres et en raison des dépenses qu'ils prélèvent sur leurs biens [au profit de leurs femmes]. Les [femmes] vertueuses sont sobres et maintiennent intact en l'absence de leur mari ce que Dieu a prescrit de conserver [ainsi]. Exhortez celles dont vous redoutez l'insubordination. Reléguez-les dans des lits à part et sévissez contre elles. Si elles vous obéissent, ne leur cherchez plus querelle. En vérité Dieu est très haut et très grand." C'est fort judicieusement, mais aussi plus sûrement pour mieux convaincre de sa candeur, que Si Hamza Boubakeur note dans son commentaire du verset 34 que le judaïsme et le christianismeenseignent eux aussi la supériorité de l'homme sur la femme, sans toutefois aller jusqu'aux coups. Mais on ne pourra qu'esquisser un sourire de compassion envers le père de Dalil Boubakeur lorsqu'il en appelle à la Tradition pour expliquer que l'islam, contrairement à ce que professe le Coran, uploads/Litterature/ les-mille-et-une-traductions-du-coran.pdf
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