5 Volume ! no 5-2 Ce numéro de Copyright Volume ! est consacré aux scènes metal

5 Volume ! no 5-2 Ce numéro de Copyright Volume ! est consacré aux scènes metal. Il comprend cinq articles scientifi ques, deux entretiens approfondis, cinq notes de lecture et une bibliographie des études métal qu’on a voulu la plus complète possible. Fidèles à la perspective de la revue, les contributions se penchent sur le metal à partir de lectures pluridisci- plinaires (musicologie, ethnomusicologie et sociologie) et internationales (France, Espagne, États- Unis, Finlande, Maroc et Taïwan). Une ouverture théorique raisonnée est en effet de mise si l’on considère, en suivant la lecture épistémologique de Jean Claude Passeron, que les sciences sociales « compensent le caractère toujours recommencé de leurs interprétations et la forme “interminable” de leurs intelligibilités “en écheveau” par leur teneur en phénoménalité historique et culturelle » (Passeron, 1990). Dans une perspective constructiviste, on considèrera en effet qu’il n’existe pas de lecture défi nitive d’un sujet mais une somme d’analyses théoriques qui se croisent et se superposent permettant, in fi ne, de mieux cerner et appréhender le phénomène social étudié. Les scènes metal Sciences sociales et pratiques culturelles radicales par Gérôme Guibert & Fabien Hein Prés entation 6 Volume ! no 5-2 Gérôme Guibert & Fabien Hein Défi nir le metal ? Qu’entend-on par « metal » ? Le terme désigne aujourd’hui une multitude de genres et de sous-genres musicaux dont les racines plongent à la fi n des années 1960. Il renvoie à une famille musicale dont la paternité doit autant au hard rock qu’au heavy metal. Des genres musicaux dont Led Zeppelin, Black Sabbath et Deep Purple constituent les fi gures tutélaires. En trente-cinq ans, ces trois formations vont engendrer une descendance proliférante. On compte aujourd’hui plus de soixante-dix genres et sous- genres affi liés à cette vaste famille musicale. Sans compter que cette appartenance ne relève, en outre, jamais exclusivement du seul registre musical. Elle procède également de conditions sociales, esthéti- ques, géographiques, médiatiques, économiques et culturelles. Ce qui rend toute défi nition du metal particulièrement complexe, sinon impossible. Au mieux peut-on affi rmer qu’il s’agit d’une « catégorie construite au cours des activités d’un ensemble complexe » (Chapoulie, 1985 : 16) d’acteurs et d’objets qui se déclinent sous la forme de scènes et qui composent le monde du metal. Dans la contribution qu’elle propose au sein de ce numéro, Silvia Martinez Garcia montre bien la part relative, subjective, localisée, mais aussi limitée, des paramètres qui constituent un genre musical. Ces paramètres sont d’ailleurs soulignés dès les premières études portant sur le metal. Il est donc important d’en retracer l’histoire, ou plus précisément, les histoires, compte tenu de la multiplicité des genres. Le concept de scène Une prise possible pour l’étude des phénomènes musicaux en sciences sociales passe — depuis les années 1990 — par la notion de « scène » (en anglais scene). Elle fut tout d’abord un terme journa- listique qui pouvait désigner soit un espace esthétique, celui d’un genre musical donné (« la scène metal » par exemple), soit un espace territorial (« la scène de Seattle »), soit les deux à la fois 1 (« la scène house de Chicago »). La notion fut discutée puis reprise par les universitaires à partir du début des années 1990, moment où Will Straw (1991) en proposa une défi nition. Alors que la notion de subculture telle qu’elle avait été proposée par les cultural studies anglaises du CCCS (Hall & Jefferson, 1976) était avant tout axée sur une sémiotique des looks et des paraîtres, appréhendant des courants souvent réifi és d’un point de vue stylistique, historique et social (Bennett & Kahn-Harris, 2004), la 1. En France, le terme est par exemple repris dans le livre de Max Well et François Poulain, Scènes de rock en France (1994). 7 Volume ! no 5-2 Les scènes métal : présentation notion de scène permet de souligner un continuum comprenant des acteurs plus ou moins impli- qués physiquement ou culturellement, qu’ils soient musiciens ou non. La notion de scène permet également de poser la question de la localisation, de l’interaction entre les acteurs, de la circulation des codes liés à un style de manière territorialisée. Avec cette notion, on peut différencier plusieurs niveaux de structuration, se demander notamment comment la scène infl uence l’industrie mais aussi comment l’industrie utilise la scène en tant qu’image (Bennett & Peterson, 2004). Concept encore en friche, le terme « scène » conserve une malléabilité selon l’utilisation qui en est faite par les chercheurs qui s’en emparent. On peut ainsi l’entendre selon deux acceptions principales. La première, de type goffmannienne, se réfère à la dramaturgie du monde social à travers l’interaction. Les looks, les comportements, les techniques du corps, les prises de position sont liées aux genres musicaux par un ensemble de valeurs, qu’on retrouve au sein d’espaces, comme les festivals par exemple (Dowd et al., 2004). La seconde envisage plus largement la notion de scène comme un outil permettant à la fois d’expliciter la manière dont un courant musical s’implante, vit et se développe localement mais aussi d’éclairer ses relations avec le translocal (c’est-à-dire entre les scènes locales), le virtuel (internet) et le global comme l’illustrent les contributions de ce numéro. Metal : de l’hagiographie à la recherche académique Les premières études portant sur le hard rock et le heavy metal paraissent au cours de la première moitié des années 1980. Ce sont généralement des hagiographies produites par une poignée de journalistes musicaux. En France, Hervé Picart, Jean-Yves Legras (1980, 1982) et Philippe Blanchet (1985) en sont les pionniers. Dans l’intervalle, apparaît un second type d’études fortement marqué par la religion. Courant 1983, le prêtre québécois Jean-Pierre Régimbal publie Le Rock’n’Roll. Viol de la conscience par les messages subliminaux. L’ouvrage s’inscrit dans le sillage intellectuel de reli- gieux fondamentalistes américains dont le projet vise à dénoncer la composante satanique du rock, mais dont le heavy metal est la cible particulière. La théorie du père Régimbal et ses amis consiste à prétendre que les disques hard rock sont truffés de messages subliminaux destinés à « transmet- tre l’évangile de Satan ». Plus sérieusement, la seconde moitié des années 1980 voit paraître une première salve de recherches académiques traitant du heavy metal. Celles-ci vont prendre plusieurs orientations. La première, initiée par des criminologues (Trostle, 1986) et des psychologues (Iversen, 1989 ; Wanamaker, 1989) cherche à établir un rapport entre jeunesse, heavy metal et déviance. 8 Volume ! no 5-2 Gérôme Guibert & Fabien Hein La seconde orientation, sociologique, vise à examiner ces liens pour en interroger les fondements (Miller, 1988), à en désamorcer les aspects caricaturaux (Verden, 1989) ou plus simplement, à étudier le heavy metal comme une sous-culture (Gross, 1990) ou un genre musical parmi d’autres (Straw, 1990). Dans le même esprit, une troisième orientation, de type musicologique (Walser, 1989) va quant à elle plutôt s’intéresser à la qualité artistique des œuvres. Ces orientations se renforceront progressivement. Elles vont prendre du volume. En effet, les années 1990 voient paraître les premiers ouvrages académiques de référence. Les États-Unis donnent le ton. En 1991, la sociologue Deena Weinstein (DePaul University, Chicago) publie Heavy Metal. The music and its culture dont on trouvera une recension à la fi n de ce dossier. En 1993, paraît Running with the devil: power, gender & madness in heavy metal music, du musicologue Robert Walser (University of California, Los Angeles). Dans la seconde moitié des années 1990, le pôle de production se déplace en Europe avant de retourner aux États-Unis. En 1998, l’ethnologue allemande Bettina Roccor (Universität Regensburg) publie Heavy Metal. Die band. Die fans. Die gegner. Courant 1999, paraît Enganxats al heavy. Música, cultura i trangressió, de la musicologue espagnole Silvia Martinez Garcia (Universitat Autonoma de Barcelona). Suivi la même année par Metal, rock and jazz. Perception and the phenomenology of musical experience, de l’ethnomusicologue Harris M. Berger (Texas A&M University) — ouvrage dont ce numéro propose à la fois un compte rendu et la traduction d’une partie du chapitre 10, « Death metal perspectives : affect, purpose and the social life of music ». Qu’elles adoptent une approche sociologique, ethnologique ou encore musicologique, les études metal ont incontestablement leurs pierres fondatrices. Elles ont stimulé une production scientifi que foisonnante dont les références sont présentées dans ce numéro sous la forme d’une bibliographie. Par conséquent, on conviendra que sur un plan intellectuel, il semble quelque peu étonnant de prétendre réaliser la « première sociologie de la musique metal » en 2005 2. Quoiqu’il en soit, les études metal vont continuer de se développer au cours des années 2000. Fin 2003, parait notamment la première étude française intitulée Hard Rock, Heavy Metal, Metal. Histoire, cultures et pratiquants du sociologue Fabien Hein (université Paul Verlaine, Metz). À la manière des études antérieures, celle-ci se veut plutôt globalisante. À savoir que le terme metal y est utilisé de manière relativement indifférenciée. Mais la tendance générale des études metal, depuis le début des années 2000, consiste 2. Sociétés, n° 88, « La religion metal. Première sociologie de la musique metal », 2005. Numéro coordonné uploads/Litterature/ les-scenes-metal-sciences-sociales-et-pratiques-culturelles-radicals.pdf

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