Tous droits réservés © TTR: traduction, terminologie, rédaction — Les auteurs,
Tous droits réservés © TTR: traduction, terminologie, rédaction — Les auteurs, 1988 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 16 oct. 2022 17:30 TTR : traduction, terminologie, rédaction Les stratégies de traduction dans les cultures : positions théoriques et travaux récents José Lambert Volume 1, numéro 2, 2e semestre 1988 La traduction et son public URI : https://id.erudit.org/iderudit/037021ar DOI : https://doi.org/10.7202/037021ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Université du Québec à Trois-Rivières ISSN 0835-8443 (imprimé) 1708-2188 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Lambert, J. (1988). Les stratégies de traduction dans les cultures : positions théoriques et travaux récents. TTR : traduction, terminologie, rédaction, 1(2), 79–87. https://doi.org/10.7202/037021ar Les Stratégies de traduction dans les cultures: positions théoriques et travaux récents José Lambert Théorie et histoire En 1983, un théoricien bien connu se déclarait convaincu que l'étude historique des traductions n'est d'aucune utilité pour la théorie. Seul l'essor des théories depuis les années 1960 ainsi que l'orientation plutôt formaliste de ces théories peuvent expliquer une telle prise de position. Entre temps les positions théoriques dominantes ont évolué au point que les modèles appliqués à la question des traductions sont devenus nettement plus fonctionnels. On accepte généralement, désormais, que les techniques utilisées par les traducteurs répondent à des options culturelles, ou à des normes,1 au point qu'on leur applique le terme «stratégies»: les traducteurs individuels et collectifs choisissent entre différentes options, qui se situent souvent à l'intérieur d'un schéma de possibilités. Il devient ainsi essentiel, du point de vue théorique et du point de vue historique, de mieux connaître les relations entre les traditions en matière de traduction, d'une part, et les situations culturelles, d'autre part. Les travaux historiço-descriptifs cessent par la même occasion d'être du seul ressort des «Études de traduction»; elles relèvent de l'histoire des langues, des littératures, de la théorie de la littérature, de l'anthropologie, voire des études politiques ou économiques, etc. Une meilleure compréhension du caractère interdisci- plinaire des travaux en matière de traduction amène par ailleurs les spécialistes à opposer de manière moins mécanique les traductions «littéraires» et les autres, voire même à renoncer à des oppositions trop étroitement binaires (littéraire/technique; théorique/historique). Bref, l'assouplissement des positions théoriques et des positions histori- cistes a eu pour effet de replacer la question des traductions au sein des études culturelles. 79 Les cultures d'antan: travaux actuels La linguistique générale et la théorie de la littérature sont restées plutôt fermées, jusqu'ici, à la question des traductions. La littérature comparée, par contre, et même une certaine histoire des littératures, qui ont été vivement critiquées sous cet angle voici une dizaine d'années, ont tendance à accorder à la traduction une place privilégiée. L'Association internationale de littérature comparée et de multiples sociétés nationales de littérature comparée lui réservent un pourcentage élevé de leurs publications et de leurs rencontres. En même temps, les méthodes appliquées ont évolué considérablement. Des groupes relativement homogènes partagent au moins la conviction que la recherche historique ne saurait survivre sans une mise au point de ses bases théoriques, et sans une redéfinition de son objet. Dans l'ensemble, c'est l'Europe - si nous exceptons le Canada et Israël - qui se concentre le plus systématiquement sur le rôle joué par les traductions dans les littératures et les cultures. La connaissance de la carte culturelle de l'Europe a fait des progrès énormes en quelques années.2 Étudiée jusqu'à récemment comme un aspect particulier de la question des langues (la sociolinguistique ne manque pas d'y contribuer) ou de celle des littératures, la traduction est désormais étudiée, d'un point de vue interdisciplinaire, comme domaine sui generis. La prise en considération de la traduction comme objet de recherche à part entière -et non plus comme prétexte ou comme digression - est le signe évident d'un changement des mentalités. Ce fait se confirme par la reprise et la mise au point d'anthologies de textes théoriques3 et par la mise au point d'anciens travaux de synthèse sur la traduction à travers l'histoire.4 Comme il est rajeunissant pour une discipline de voir que ses classiques vieillissent vite! A l'instar des histoires littéraires classiques, la plupart des «Readers» d'autrefois portaient sur les sommets des théories, ce qui excluait le contact avec la réalité culturelle quotidienne. De plus en plus, des équipes entières envisagent la question de la traduction sous tous les angles, et la question des théories n'est qu'un des objets à creuser dans une large interrogation sur les cultures par le biais des traductions.5 Nous avons une connaissance déjà assez fouillée de l'époque moderne en Europe occidentale, du XVIe au XIXe siècles, grâce à des tableaux vraiment internationaux (il en va de même du phénomène Shakespeare); les traditions classiques, pour la même époque et surtout pour les XIXe et XXe siècles, ont été explorées par à-coups; la France des Belles Infidèles et la tradition des traductions indirectes ont livré une bonne part de leurs secrets. 80 Même dans les secteurs les mieux connus, cependant, des lacunes énormes subsistent, telle la question capitale des textes religieux en traduction, ou la question des genres (littéraires et non littéraires). L'étude des traductions fonctionne comme une discipline-pilote dans de nombreux cas. On peut lui reprocher de rester victime des traditions positivistes de la philologie: les recherches s'enferment dans des relations binaires («language pairs»); et de nombreux chercheurs restent convaincus qu'une juxtaposition et une accumulation de monographies tiendront un jour lieu de panorama global de la question des traductions. Le monde contemporain et la traduction: missions pour une discipline nouvelle Les communications dans le monde actuel, on le sait bien, ne cessent de s'internationaliser. Nous disposons, par conséquent, de situations culturelles privilégiées pour étudier la traduction dans toute sa com- plexité. Retenons en effet que l'observation des situations culturelles d'autrefois aura toujours quelque chose d'artificiel, étant donné le caractère inévitablement lacunaire de notre connaissance du passé. Les théoriciens des années soixante avaient tendance à formuler en termes étroits l'objet à étudier et à exclure de leur champ d'observation les adaptations, les imitations, etc. Or, la situation culturelle contem- poraine révèle clairement que les traductions ne livreront jamais leurs secrets à la recherche aussi longtemps qu'on ne les situe pas dans le contexte large de toutes les formes de communication, y compris celle de la non-traduction. Vinay et Darbelnet ont envisagé la non-traduction comme un procédé de «traduction» parmi d'autres, et comme un procédé micro-structurel. Que les théoriciens puissent envisager le fait de ne pas traduire comme un aspect de «la traduction» dénote que la définition adoptée au départ est trop étroite. Or, en effet, il paraît difficile d'interpréter le rôle que jouent les traductions dans la communication si on ne tient pas compte d'une décision extrêmement courante dans les contacts internationaux. Lors d'une conversation internationale, un des inter- locuteurs au moins renonce à la traduction, ou il l'impose aux autres interlocuteurs; dans les communications écrites, il en va de même, et de manière plus explicite. En fonction des décisions face à l'utilisation ou à la non-utilisation de la traduction, le langage utilisé s'adapte généralement aux interlocuteurs et à leurs règles de base. Dans les rencontres internationales entre intellectuels, en particulier au niveau académique, le recours à la traduction constitue souvent une simple option, et non une nécessité. Il convient de supposer que les principes suivis par les traducteurs varient en fonction des données communica- tionnelles. Ainsi la Communauté Européenne ne s'adresse pas à ses employés établis à Bruxelles - qui pratiquent par définition plusieurs langues et pour lesquels la traduction est une convention - de la 81 même manière qu'elle s'adresse aux simples citoyens des différents pays membres, pour lesquels la traduction n'est pas un luxe, mais une nécessité. Grâce à l'expansion des mass-media, l'internationalisation des discours est devenue un phénomène quotidien. Grâce aussi à l'expansion d'une nouvelle langue internationale, l'anglais, une couche énorme de la population mondiale peut se permettre de renoncer à la traduction dans de multiples situations, ou de l'utiliser comme une option délibérée à laquelle on aurait pu renoncer. La traduction «comme option ou'comme nécessité» n'est certainement pas un phéno- mène nouveau dans l'histoire de l'humanité, mais c'est un phénomène très répandu et un phénomène dont les implications socio-culturelles, voire économiques et politiques, feront encore couler beaucoup d'encre. Dans toutes les sociétés bilingues, le recours à la traduction est en principe une option, et il convient de déterminer pourquoi elle est préférée à la non-traduction. La traduction comme option ou comme nécessité devrait être un objet privilégié de la sociolinguistique et de la sociologie (ou des sciences de la culture en général), dans la mesure où les options en matière de langue ne sont jamais un fait strictement linguistique. On devine uploads/Litterature/ les-strategies-de-traduction-dans-les-cultures-positions-theoriques-et-travaux-recents.pdf
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- Publié le Apv 12, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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