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Lettrure n°1 – 2011 http://www.ablf.be 25 Intervention centrée sur l’élève et retombées sur les apprentissages en lecture et écriture André C. Moreau Martine Leclerc Université du Québec en Outaouais Au Canada, depuis plus de cinq ans, le ministère de l’Éducation de l’Ontario (MEO, 2003a) a fait de l’amélioration de l’apprentissage en lecture chez les élèves l’une de ses priorités, conscient du fait que les compétences dans ce domaine influencent considérablement leur qualité de vie et ont des retombées économiques et sociétales. Cette orientation rejoint les travaux d’analyse des recensions antérieures sur les apprentissages en littératie qui signalent l’importance de réaliser des recherches qui visent à éprouver les stratégies d’intervention efficaces favorisant le développement des habiletés supérieures chez les jeunes élèves, telles que la compréhension en lecture (Ecalle et Magnan, 2002; Lonigan et Shanaham, 2010; McCardle, Chhabra et Kapinus, 2008; Pearson et Hiebert, 2010). Dans ces études recensées, certaines recherches longitudinales précisent qu’un échec scolaire précoce entraine chez certains jeunes des conséquences négatives sur leur trajectoire de vie (Pagani, Ghosn, Jalbert et Muñoz, 2005). Dans la région de Toronto, un conseil1 scolaire francophone regroupant plus de 41 écoles élémentaires a parrainé une recherche dont l’objectif est de comprendre la progression des compétences en littératie chez les élèves à la suite de l’implantation de nouvelles pratiques d’enseignement efficace de la lecture (Table ronde des experts, 2005). Pour observer la progression des élèves, des données portant sur les apprentissages en lecture et en écriture ont été extraites de trois bases de données : le bulletin (Trillium), le Test provincial (Office de la qualité et de la responsabilité en éducation [OQRE], 2008) et les Fiches d’observation individualisée en lecture (Clay, 2003) (logiciel2 de base de données d’apprentissage3). Les résultats en lecture et les avantages associés à l’analyse et à l’utilisation des données contribuant à une intervention centrée sur les besoins de l’élève sont décrits dans ce texte, mais avant, précisons quelques éléments théoriques et méthodologiques. DISPOSITIFS D’ENSEIGNEMENT ET DE FORMATION Les recherches sur l’apprentissage de la compétence à lire foisonnent et les synthèses de ces travaux sont diffusées à grande échelle (National Institute for Literacy, 2009; National reading panel, 2009; Réseau canadien de recherche sur le langage et l’alphabétisation, 2009). Ces connaissances nous renseignent sur les meilleures pratiques d’enseignement de la lecture (Pressley, 2007; Pressley, Mohan, Fingeret, Reffitt et Raphael‐Bogaert, 2007; Pressley, Wharton‐McDonald, Allington, Block, Morrow, Tracey et al., 2001; Richard, Bissonnette et Gauthier, 2008; Torgerson, Brooks et Hall, 2006). Ces pratiques relevant de « l’enseignement efficace » prennent appui sur les recherches de données probantes et sur les renseignements pertinents à leur implantation en classe (Hawken, 2009). Lettrure n°1 – 2011 26 ENSEIGNEMENT EFFICACE Issues des recensions des écrits, les principales caractéristiques d’un enseignement efficace de la lecture et de l’écriture se résument ainsi : a) une excellente gestion de classe reposant sur la valorisation de l’apprentissage et la collaboration, b) une approche qui intègre de façon équilibrée l’enseignement explicite des unités fines de la langue écrite (système graphophonétique) par des activités mobilisant le langage, des activités de lecture et d’écriture intégrant la littérature jeunesse, c) une gradation des tâches respectant la progression des apprentissages chez les élèves, associée à un soutien pédagogique différencié, et enfin d) une intégration de l’enseignement de la lecture et de l’écriture dans toutes les matières (liens étroits entre les éléments d’un programme) (Hawken, 2009; Pressley, et al, 2001; Richard et al., 2008). Plus précisément, les recherches montrent que lors de l’enseignement de compétences en lecture, les stratégies pédagogiques structurées, explicites et graduées sont des outils puissants pour soutenir la motivation des élèves et pour les encourager à s’engager activement. Ces pratiques peuvent également prévenir, sinon éliminer, des difficultés en lecture lorsque ces stratégies sont utilisées pour tous les élèves (Snow, Burns et Griffin, 1998). Certains chercheurs suggèrent d’intervenir le plus tôt possible auprès des élèves ayant des difficultés d’apprentissage de la lecture et d’implanter une combinaison d’approches dont l’enseignement explicite et l’enseignement stratégique (Brodeur, Dion, Laplante, Mercier, Desrochers et Bournot‐Trites, 2010; Dion, Brodeur, Campeau, Roux, Laplante et Fuchs, 2008; Richard et al., 2008; Swanson, 1999). APPUI A LA FORMATION CONTINUE ET A L’ACCOMPAGNEMENT Les recherches indiquent également que l’adoption de pratiques pédagogiques efficaces va de pair avec le développement professionnel continu et l’accompagnement des enseignants (Brodeur, Deaudelin et Bru, 2005; Clay, 2003; Hattie, 2003; Hawken, 2009). Le personnel enseignant ne peut plus ignorer ces nouvelles connaissances. L’appropriation de celles‐ci passe donc par une solide démarche de formation continue et d’accompagnement à l’implantation de ces nouvelles pratiques d’enseignement efficace des compétences en littératie. Dans cette foulée, en Ontario, depuis 2003, les enseignants disposent d’un Guide d’enseignement efficace de la lecture expliquant les nouvelles pratiques d’enseignement à implanter (MEO, 2003b). Ce guide insiste sur les éléments suivants : a) l’environnement et la gestion de la salle de classe (par exemple, grand nombre de livres jeunesse classés selon les niveaux de lecture et regroupements flexibles d’élèves selon les besoins d’apprentissage), b) les quatre situations de lecture que sont la lecture aux élèves, la lecture partagée, la lecture guidée et la lecture autonome, et c) l’analyse des données d’apprentissage collectées à la suite d’observations directes de l’élève (Clay, 2003). Trois grandes composantes sont ciblées : la fluidité, la compréhension et la motivation. La fluidité est l’habileté à reconnaitre les mots et à lire le texte avec rapidité, précision et expression favorisant ainsi la compréhension. La compréhension est l’habileté à extraire le message d’un texte, à y réfléchir et à en tirer des conclusions. La motivation à lire est associée à un ensemble d’attitudes reposant sur l’engagement de l’élève à accomplir des activités de lecture. Ces éléments s’appuient sur les résultats de recherches qui reconnaissent que la lecture alphabétique associe une composante auditive phonémique à une composante visuelle graphique qui tient compte de la structure phonémique du langage : les auteurs observent des liens très forts entre les performances des élèves dans des tâches portant sur les phonèmes et leurs progrès dans l’apprentissage de la lecture. Les auteurs décrivent un continuum d’apprentissages partant de la conscience phonémique, allant ensuite vers le système graphophonétique et l’étude de mots. Précisons que la résolution de problèmes en lecture occupe une place centrale. L’élève doit arriver à utiliser conjointement les trois systèmes d’indices de lecture soit, graphophonétique, sémantique et syntaxique. À titre d’exemple, les quatre situations de lecture offrent un contexte d’enseignement méthodique et intégré des structures de la langue écrite et favorisent l’apprentissage continu. (Leclerc et Moreau 2008; MEO, 2003b; Table ronde Lettrure n°1 – 2011 27 des experts en lecture, 2003). Également, dans ce guide, de nombreuses stratégies d’enseignement associées sont expliquées concrètement et sont abondamment illustrées. En soutien à l’implantation de ce guide et pour assurer un appui à son personnel, le Conseil scolaire offre aux enseignants un service d’accompagnement à l’actualisation de ces nouvelles pratiques. Plusieurs programmes de formation et d’accompagnement pour l’amélioration des interventions en littératie ont été mis sur pied par le Service de la programmation. Le personnel des écoles bénéficie entre autres du programme d’Enseignants‐accompagnateurs dont le but est de soutenir les interventions pédagogiques. Les enseignants disposent également du programme d’Appui aux écoles qui leur offre une aide en ce qui concerne l’analyse et l’interprétation des données d’apprentissage. De plus, un programme d’Accompagnement permet aux écoles de recevoir sur place un appui personnalisé pour faciliter le transfert des nouvelles pratiques en salle de classe. Enfin, pour visualiser la progression des élèves et afin de promouvoir le questionnement pédagogique lors des rencontres collaboratives, les enseignants collectent des données d’apprentissage des élèves en lecture à l’aide de la Fiche d’observation individualisée (Clay, 2003). Un expert‐conseil assure un soutien à la formation et l’accompagnement dans cette démarche. C’est donc dans ce contexte que s’inscrit la présente recherche. OBSERVER ET ANALYSER LES DONNÉES POUR AMÉLIORER L’APPRENTISSAGE Au regard du développement des compétences en lecture, une classe efficace fournit aux élèves plusieurs situations les incitant à lire et à réagir à des textes variés et, à l’enseignant, de nombreuses occasions de les observer et de réfléchir sur ces apprentissages (Leclerc et Moreau, 2009a et 2009b, Leclerc, Moreau et Rainville, 2010). La progression de l’apprentissage en lecture s’exprime par le passage d’un niveau4 de lecture à un autre; l’élève doit démontrer sa capacité à lire d’une façon satisfaisante des textes d’un niveau représentant un défi avant de passer à un autre niveau de texte. Ce passage d’un niveau à un autre est un facteur de progrès. Par ses expériences, l’élève‐lecteur élabore au fur et à mesure de nouvelles stratégies pour faire face à l’augmentation du niveau de difficulté (Clay, 2003). Le niveau de difficulté doit être bien ciblé, car s’il constitue un obstacle trop difficile à surmonter, l’élève risque de se décourager face à l’apprentissage de la lecture. Plus l’élève est laissé longtemps en situation d’échec, plus difficile sera la résolution du problème. Il est indispensable de s’assurer que le niveau des textes proposés à l’élève représente un défi qui le stimulera à vouloir lire davantage. Partant de cette prémisse, les enseignants doivent comprendre et uploads/Litterature/ lettrure-25.pdf

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