LA TRADITION IMPRIMÉE DU DE DUABUS CHRISTI NATURIS 391 Pour une histoire de la
LA TRADITION IMPRIMÉE DU DE DUABUS CHRISTI NATURIS 391 Pour une histoire de la tradition imprimée du De duabus Christi naturis de Maxime le Confesseur* Katrien LEVRIE (Leuven) 1. Introduction Le petit traité de Maxime le Confesseur sur la double nature du Christ (CPG 7697.13)1 a été clairement en vogue pendant la période byzantine et post-byzantine, comme en témoigne le grand nombre de manuscrits qui contiennent ce texte2. En préparant l’édition critique du De duabus Christi naturis, nous avons constaté qu’il existait, à côté des manuscrits, une riche tradition imprimée, qui se présente sous diverses formes. En effet, ce petit texte a connu un grand succès à partir de la période humaniste et il a été édité et traduit plusieurs fois. L’édition la plus récente, c’est-à-dire celle de François Combefis, telle qu’elle a été republiée par Jacques-Paul Migne3, donne les dix chapitres transmis par la plupart des manuscrits, avec l’ajout, toutefois, dans le premier chapitre du texte, d’une phrase sur la doctrine de Macédonius, qui se retrouve seulement dans trois manuscrits4. Le texte a en outre été édité (en 1692 par Dosithée de Jérusalem) sous une forme où les dix chapitres sont alternés avec de longs extraits antilatins, dus à la plume * Nous aimerions remercier Caroline Macé et Reinhart Ceulemans pour leurs remarques sur le contenu du présent article, et également Céline Szecel et Marie-Rose Van Ael pour leur révision de l’article au niveau de la langue. 1 CPG = M. GEERARD et al., Clavis Patrum Graecorum, Turnhout, 1974-2003. 2 Pour le moment, nous avons recensé 88 témoins qui contiennent ce texte. La collation des témoins est déjà achevée, sauf pour deux manuscrits du Mont Athos, dont nous n’avons pu obtenir de reproductions : Esphigmenou 95 (Lampros 2108) (s. XVIII) et Lavra M 133 (Eustratiades 2146) (a. 1578). 3 J.-P. MIGNE, Patrologiae cursus completus seu Bibliotheca universalis, integra, uniformis, commoda, oeconomica, omnium ss. Patrum, doctorum scriptorumque ecclesiasticorum sive latino- rum, sive graecorum. Series Graeca, 91, Paris, 1865, col. 145-149. 4 Cette phrase (Ὁ Μακεδόνιος … διαβεβαιοῖ) se trouve dans les trois manuscrits sui- vants : le Matritensis, Bibliotheca Nationalis 4749 (O-18) (a. 1555), le Parisinus, Supplemen- tum graecum 8 (s. XII) et le Venetus, Marcianus graecus 139 (s. XI-XII). Elle est probablement inauthentique. DOI 10.1484/J.SE.1.103181 Sacris Erudiri 51 (2012) : 391-411 © 392 KATRIEN LEVRIE de Théodore Agallianos5 (env. 1400-1474). Il existe cinq manuscrits6 qui présentent ce texte sous cette même forme. Cet article a pour but de don- ner un aperçu de l’histoire des éditions imprimées de ce petit traité dogma- tique. Vu que notre édition critique du texte n’est pas encore achevée, nous utiliserons, pour toutes les références et les comparaisons, l’édition du texte dans la Patrologia Graeca de Jacques-Paul Migne (MIGNE 1865, PG 91, col. 145-149), que nous donnons en appendice à la fin de cet article7. 2. Les éditions du De duabus Christi naturis a. Une traduction latine (1605) Le De duabus Christi naturis a été imprimé pour la première fois dans la traduction latine de treize opuscules de Maxime le Confesseur8, prépa- rée par le Jésuite espagnol Francisco Torres (Franciscus Turrianus) (1509- 1584)9 et parue à titre posthume à Ingolstadt en 1605 (elle a été rééditée 5 Théodore Agallianos était théologien, écrivain et copiste à Constantinople au XVe siècle. Il était hiéromnèmon, garde des archives sacrées, au patriarcat de Constantinople et est devenu plus tard, sous le nom de Théophane, évêque de Médie. Agallianos était fortement anti-unioniste et a écrit maintes œuvres dirigées contre les Latins et les héré- sies. Pour plus d’informations sur ce personnage, voir l’étude détaillée de Chr. Patrinélis (Ο Θεόδωρος Αγαλλιανὸς ταυτιζόμενος πρὸς τὸν Θεοφάνην Μηδείας καὶ οἱ ανέκδοτοι λόγοι του, Athènes, 1966) et l’article récent de M.-H. Blanchet qui contient des actua- lisations à l’étude de Patrinélis (« Bilan des études sur Théodore Agallianos (1966-2011) », Ο Ερανιστής (volume en l’honneur de Christos Patrinélis), 28 (2011), p. 25-48). Voir également notre article (K. LEVRIE, « Le Florilegium patristicum adversus Latinos de Théodore Agallianos. Remarques préliminaires à une édition critique », à paraître dans Me- dioevo Greco, 13 (2013)). 6 Il s’agit des témoins suivants : l’Atheniensis, Ethnikè Bibliothèkè, olim Constantinople, Metochion tou Panagiou Taphou 204 (a. 1598), l’Athous, Lavra M 133 (Eustratiades 2146) (a. 1578), le Leukosia, Bibliothèkè tès Archiepiskopès Kuprou, codex 34 (s. XV), le Monacensis graecus 256 (s. XV) et le Parisinus graecus 1218 (s. XV). 7 Vu que notre édition critique du De duabus Christi naturis est encore en cours, la pu- blication d’un apparat critique contenant toutes les variantes de la tradition manuscrite serait un peu précipitée. Afin de présenter le matériel disponible d’une manière claire et synoptique, nous avons opté, dans cet article, pour le format d’un apparat critique ne contenant que les va- riantes pertinentes pour notre argumentation. En plus, nous avons éliminé les leçons de Migne qui sont en opposition avec la tradition manuscrite, comme par exemple l’emploi systématique de ὡς devant les participes. Une explication des sigles employés se trouve en appendice. 8 L’édition latine de Torres contient les opuscules (CPG 7697) dans cet ordre : 1-5, 7, 6, 14, 8, 9, 25, 18 et 13. 9 Pour des éléments biographiques, voir : C. GUTIERREZ, Españoles en Trento, Valladolid, 1951, p. 446-473 ; H. JEDIN, « Torres, Francisco », dans Lexikon für Theologie und Kirche, éd. J. HÖFER et K. RAHNER, 10, Freiburg, 1965, col. 258. Pour des informations concernant ses activités éditoriales, voir entre autres : C. SOMMERVOGEL, Bibliothèque de la Compagnie de LA TRADITION IMPRIMÉE DU DE DUABUS CHRISTI NATURIS 393 en 1615)10. Dans l’index, le traité sur les deux natures est annoncé comme étant le treizième opuscule de l’édition (p. 149-153) et il porte comme titre : Sanctus Maximus. De duabus naturis domini et dei salvatoris nostri Iesu Christi, & quod Arius & Nestorius in Theologia, & Incarnatione, contra atque Sabellius, & Eutyches sentiunt, ce qui correspond à ce que nous avons trouvé dans la plupart des manuscrits grecs11. Torres ne nous dit pas de quel(s) manuscrit(s) il s’est servi. On sait qu’il a habité à Rome au début des années 1540 et le professeur Santo Lucà pense pouvoir identifier sa main dans les notes écrites en latin et en grec en marge du Vaticanus grae- cus 1502 (s. XI-XII), notre Vat (les marges du De duabus Christi naturis ne portent cependant pas de notes)12. Si l’on compare le texte latin, que, pour la facilité du lecteur, nous donnons dans son intégralité à la fin de cet article, avec les manuscrits grecs, on observe un certain nombre de cor- respondances entre la traduction de Torres et les manuscrits M Mon Sin. 7-10 Ὁ Μακεδόνιος...διαβεβαιοῖ] om. Torres plurimi codd. 16-17 Πῶς... ἔμπαλιν] om. A P Ἢ...ἔμπαλιν] ἡ ταυτότης οὐσιῶν F V at, ἢ ταυτότητα οὐσίας καὶ ἑτερότητα προσώπων ἢ προσώπων ταυτότητα καὶ ἑτερότητα οὐσιῶν O Par Scor, om. Torres M Mon Sin 19 ὑποστάσεις] personas Torres 23 προσώπου ἤτοι ὑποστάσεως] hypostasis sine persona Torres 26 ἐπὶ τοῦ ἑνὸς τῆς ἁγίας Τριάδος] in incarnatione Torres, καὶ ἐπὶ τῆς οἰκονομίας A P, ἐπὶ τῆς οἰκονομίας M Mon, ἐπὶ τοῦ Χριστοῦ Sin 32 διαφορά] naturarum add. Torres 34 οὐχ] om. Torres M Mon Sin 35 λέγοντα] praedicantem Torres 36 οὐχ] om. Torres M Mon Sin 37 τὴν φυσικὴν διαφορὰν] diff eren- tiam substantiarum Torres λέγοντα] confi tentem Torres, γνωρίζοντα F 39 οὐχ] om. Torres A Mon P Sin 40 λέγοντα] praedicantem Torres 41 οὐχ ὡς μὴ] om. Torres A Mon P Sin 42 ἐπὶ τοῦ Χριστοῦ] om. Torres 52 μὴ] om. Torres Vatp.c. 63 τὴν…κρατεῖ] hic regiam, & omni reprehensione, & macula carentem fi dem tenet Torres, τὴν ὀρθόδοξον καὶ ἀμώμητον πίστιν κρατεῖ O Par Scor 65 ὁ θεῖος] ἅγιος Sin, om. Torres plurimi codd. 68 ἀναιροῦντας] post διαφορὰν transp. Torres plurimi codd. La traduction de Torres est très littérale et beaucoup des ‘différences’ par rapport au texte grec peuvent s’expliquer par un choix ou par une erreur du Jésus, VIII, Bruxelles, 1898, col. 113-126 ; O. KRESTEN , « Zu Griechischen Handschriften des Francisco Torres SJ », Römische Historische Mitteilungen, 12 (1970), p. 179-196. 10 Sancti Maximi Confessoris, Contra monothelitas et acephalos, opuscula tredecim. ‘Nunc primum in lucem prolata.’ Interprete Francisco Turriano Societatis Iesu - non haec sunt edita ab illo, sed quasi de domini funere rapta sui. Emendaturus, si licuisset, erat, Ingolstadii, 1605. 11 Περὶ τῶν δύο φύσεων τοῦ Κυρίου καὶ Θεοῦ καὶ Σωτῆρος ἡμῶν Ἰησοῦ Χριστοῦ· καὶ ὅτι Ἄρειος μὲν καὶ Νεστόριος, τόν τε τῆς θεολογίας καὶ τῆς οἰκονομίας λόγον (διαιροῦσι)· Σαβέλλιος δὲ καὶ Εὐτυχὴς, ἀπεναντίας τούτων συγχέουσιν. (Le verbe διαιροῦσι n’est pas toujours présent.) 12 Nous voudrions remercier le professeur Santo Lucà qui a examiné tous les témoins sus- ceptibles d’avoir été employés par Torres. 394 KATRIEN LEVRIE traducteur (par exemple, « omni reprehensione, & macula carentem » peut s’expliquer comme une traduction, certes un peu redondante d’ἀμώμητον). La proximité avec le manuscrit de Munich (Mon) semble toutefois assez sûre, mais il faudrait étayer cette constatation par une comparaison entre la traduction latine et les autres opuscules contenus uploads/Litterature/ levrie2012-pour-une-histoire-de-la-tradition-imprimee-du-de-duabus-christi-naturis-de-maxime-le-confesseur.pdf
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- Publié le Sep 26, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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