UNIVERSITE DE LORRAINE LIRE AUGUSTIN AUTREMENT Etudes phénoménologiques Yves ME
UNIVERSITE DE LORRAINE LIRE AUGUSTIN AUTREMENT Etudes phénoménologiques Yves MEESSEN 2019 1 Introduction « L’essentiel est de voir ce dont on parle »1. Les textes présentés dans ce recueil ont été publiés sur une période d’une quinzaine d’années (2002-2017). Outre le fait qu’ils portent tous sur l’œuvre augustinienne, ils ont également en commun une certaine manière de lire ce corpus. Cette méthode de lecture est due à Augustin lui-même. Sa distinction entre la « voix » (vox) et le « verbe » (verbum) peut être appliquée aujourd’hui comme méthode de lecture. Lorsque nous lisons un mot, ce dernier ne nous communique pas directement le concept qui se trouve dans celui qui l’a émis. Cela signifie qu’entre l’écrivain et son lecteur, une coupure s’est définitivement introduite2. Cependant, cette rupture herméneutique, qui nécessite le long détour de la médiation, est en même temps fondée dans une parole qui agit immédiatement à la fois dans l’écrivain et le lecteur. Et c’est là que se situe l’originalité de notre méthode de lecture phénoménologique. Cela signifie qu’il est possible d’aller aux choses mêmes visées par Augustin à travers les mots qu’il prononce. Bien sûr, il ne s’agit pas de récupérer son intention, au sens où Dilthey l’entendait, mais bien d’accueillir une intention capable de viser la chose dont il parlait. Dans l’attitude phénoménologique, la signification n’a lieu que lorsqu’il y a remplissement par une intuition. S’il est possible de parler de « tournant herméneutique de la phénoménologie », il faut également réafffirmer l’irréductibilité de la phénoménologie à l’herméneutique. L’interprétation ne peut avoir le dernier mot en s’emparant du donné. Le texte n’est là que pour donner à voir, à nouveau. Voilà pourquoi je fais mienne cette déclaration de Natalie Depraz : « Pour commencer à pratiquer la phénoménologie, il s’agit d’abord de considérer le texte non comme un support clos sur lui-même et auto-finalisé, mais comme le support provisoire, contingent et incarné d’une expérience qui est prioritairement déterminante et qu’il va s’agir de faire émerger pour elle-même. » 3 1 J. Grondin, Le tournant herméneutique de la phénoménologie, Paris, PUF, 2003, p. 28. 2 « II ne suffît pas de dire que la lecture est un dialogue avec l'auteur à travers son œuvre; il faut dire que le rapport du lecteur au livre est d'une tout autre nature ; le dialogue est un échange de questions et de réponses ; l 'écrivain ne répond pas au lecteur ; le livre sépare plutôt en deux versants l'acte d'écrire et l'acte de lire qui ne communiquent pas ; le lecteur est absent à l 'écriture ; l 'écrivain est absent à la lecture. Le texte produit ainsi une double occultation du lecteur et de l'écrivain ; c 'est de cette façon qu 'il se substitue à la relation de dialogue qui noue immédiatement la voix de l'un à l'ouïe de l'autre. » (P. Ricoeur, Du texte à l’action, Paris, Seuil, 1986, cité par I. Bochet, « L’Eciture et le maître intérieur selon Augustin », Revue des sciences religieuses 72 n° 1 (1998), p. 20-37). 3 N. Depraz, Comprendre la phénoménologie. Une pratique concrète, Paris, Armand Colin, 2006, p. 5. 2 Table des matières Texte 1 (p. 4-19) : JAMAIS L’UN SANS L’AUTRE Une recherche sur l’intersubjectivité chez S. Augustin Publié dans : Revue des Sciences Religieuses, 76/4 (2002), p. 426-446. Texte 2 (p. 20-40) : PLATON ET AUGUSTIN : MÊMES MOTS, AUTRE SENS Publié dans : Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques, 89/3 (2005), p. 433-457. Texte 3 (p. 40-57) : LA TRIPLE SAGESSE Les interprétations d’Ambroise et d’Augustin Publié dans : Connaissance des Pères de l’Eglise, n°103 (2006), p. 34-52. Texte 4 (p. 58-65) : ANEANTISSEMENT ET RESPLENDISSEMENT Une lecture augustinienne de l’hymne aux Philippiens Publié dans : G. Nauroy, M.-A. Vannier (éd.), Saint Augustin et la Bible, Bern, Oxford, Wien, Peter Lang, coll. « Recherches en littérature et spiritualité », 2007, p. 245-257. Texte 5 (p. 66-74) : COR UNUM ET ANIMA UNA : l’Eglise en chemin vers la communion trinitaire Publié dans : M.-A. Vannier (dir.), Les Pères et la naissance de l’ecclésiologie, Paris, Cerf, coll. « Patrimoines/Christianisme », 2009, p. 183-196. 3 Texte 6 (p. 75-82) : DE L’USAGE DU DOUBLE CONCEPT ARISTOTELICIEN MATIERE-FORME dans la pensée augustinienne de la création Publié dans : M.-A. Vannier (éd.), La Création chez les Pères, Bern, Oxford, Wien, Peter Lang, coll. « Recherches en littérature et spiritualité », n°19, 2011, p. 133-145. Texte 7 (p. 83-93) : CHRISTUS TOTUS, INTERPRETE DE SA MANIFESTATION Publié dans : M.-A. Vannier (éd.), La christologie et la Trinité chez les Pères, Paris, Cerf, coll. « Patrimoines/ Christianisme », 2013, p. 177-194. Texte 8 (p. 94-101) : LA RELATION DANS LA THEOLOGIE TRINITAIRE DE SAINT AUGUSTIN Publié dans : M.-A. Vannier (éd.), La christologie et la Trinité chez les Pères, Paris, Cerf, coll. « Patrimoines/ Christianisme », 2013, p. 373-385. Texte 9 (p. 102-111) : DE LA FIGURE A LA MANIFESTATION dans le Contra Faustum de saint Augustin Publié dans : M.-A. Vannier (éd.), Judaïsme et christianisme dans les commentaires patristiques de la Genèse, Bern, Peter Lang, coll. « Recherches en littérature et spiritualité », n°23, 2014, p. 109-125. Texte 10 (p. 112-120) : L'EAU CHANGEE EN VIN : une herméneutique savoureuse de saint Augustin Publié dans : Graphè, n°24, Les noces de Cana, 2015, p. 59-69. Texte 11 (p. 121-128) : CHUTE ET REDEMPTION dans le De ciuitate Dei de saint Augustin Publié dans : « Chute et Rédemption chez saint Augustin » dans : D. Attala et V. Rosiau (dir.), Chute et rédemption dans la littérature, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2017. 4 JAMAIS L’UN SANS L’AUTRE Une recherche sur l’intersubjectivité chez S. Augustin Publié dans : Revue des Sciences Religieuses, 76/4 (2002), p. 426-446. INTRODUCTION Pourquoi reparler de ‘l’intersubjectivité’ chez s. Augustin ? Au Congrès international augustinien de 1954, Maurice Nédoncelle posait la question : « L’intersubjectivité humaine est-elle pour saint Augustin une image de la Trinité ? »4 Il attirait l’attention sur des « textes minoritaires »5 dans lesquels Augustin présente le mystère trinitaire à partir de « l’amour intersubjectif » pour équilibrer des présentations « devenues schématiques ou caricaturales » basées sur la triade ‘memoria, intelligentia, uoluntas’. A la question posée, nul doute qu’il ne faille répondre : non, l’intersubjectivité n’est pas une « imago Dei »6. Cela étant dit, il ne faudrait pourtant pas en déduire trop vite qu’Augustin conçoive Dieu comme un sujet doué de trois facultés. Comme le rappelle M. Nédoncelle, « Augustin refuse de faire correspondre les images psychologiques de la Trinité à des attributs divins »7. A la fin du De Trinitate, Augustin s’exprime très clairement sur la distinction à faire entre « l’image » et la « Trinité dans sa réalité même »8. Alors que « l’image » correspond à « une personne unique », il n’en va pas de même de la « réalité » qui, elle, est « trois Personnes ». Augustin emploie les trois facultés comme « image de Dieu » pour une double raison, scripturaire et didactique. Primo, la référence à Gn 1, 26 l’autorise à parler de la « mens », qui est « la partie principale de l’âme humaine », comme « image de la Trinité »9. Secundo, les trois facultés lui permettent de « progresser »10 vers la réalité du mystère de Dieu par voie analogique en raison de leur immanence mutuelle. 4 M. NEDONCELLE, « L’intersubjectivité humaine est-elle pour saint Augustin une image de la Trinité ? », in Augustinus Magister I, Paris, 1954, p. 595-602. 5 Les quelques « textes minoritaires » présentés par M. Nédoncelle sont : Tract. in Io. eu. XIV, 9 (PL 30, col. 1508) ; XXXIX, 5 (PL 35, col. 1684) ; De Trin. VIII, 10, 14 (PL 42, 960). 6 A partir de l’étude de dix textes dans lesquels Augustin rapproche Ac 4, 32 du mystère trinitaire, M.-F. Berrouard conclut : « Augustin ne parle jamais d'image à propos de la communauté de Jérusalem et, dans son De Trinitate, il n'utilise pas non plus la phrase des Actes dans une visée trinitaire. La raison en est peut-être simple : comme tous les auteurs de la première Eglise, Augustin est très respectueux de l'Ecriture et très attentif aux mots mêmes de l'Ecriture : comment aurait-il osé appeler « image » de Dieu une réalité que l'Ecriture ne désigne pas comme telle ? », M.-F. BERROUARD, « La première communauté de Jérusalem comme image de la Trinité », in Homo spiritalis, Würzburg, Augustinus-Verlag, 1987, p. 223. 7 M. NEDONCELLE, op.cit., p. 600. 8 « Autre est la Trinité dans sa réalité même (Trinitas res ipsa), autre l’image de la Trinité dans une autre réalité […] il n’en va pas de même de cette Trinité comme de son image, l’homme, qui tout en possédant ces trois puissances est une seule personne (una persona) : en Dieu il y a trois personnes (tres personae), le Père du Fils, le Fils du Père, et l’Esprit du Père et uploads/Litterature/ lire-augustin-autrement-etudes-phenomeno.pdf
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- Publié le Jul 27, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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