HAL Id: halshs-02632791 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02632791 Sub

HAL Id: halshs-02632791 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02632791 Submitted on 27 May 2020 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Claude Lefébure (1945-2020) Dominique Casajus, Alain Messaoudi To cite this version: Dominique Casajus, Alain Messaoudi. Claude Lefébure (1945-2020). Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée, Université de Provence, 2020, 147, ￿10.4000/remmm.14052￿. ￿halshs-02632791￿ Claude Lefébure (1945-2020) Dominique Casajus (IMAF/CNRS) et Alain Messaoudi (Université de Nantes) À paraître dans la Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée Décédé ce 15 avril 2020, Claude Lefébure était né en 1945 à Dôle, le jour de Noël. Il a grandi dans le XVIe arrondissement, élevé par sa mère, gardienne d’immeuble. C’est un peu le hasard, à moins qu’il ne faille parler de la Providence, qui aura fait de lui un ethnologue éminent du pays berbère. Après avoir suivi une scolarité dans l’enseignement technique et envisagé de devenir ingénieur chimiste, il avait passé en 1967 l’examen spécial d'entrée en Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, puis obtenu en 1969 son Diplôme Universitaire d'Études Littéraires, section de Sociologie, à l’Université de Paris Sorbonne. Aux vacances de Pâques 1969, la découverte fortuite d’un pays « sec et rouge », celui des Aït ‘Atta, dans l’Atlas marocain, allait être décisive : son terrain d’étude ne serait pas l’Amazonie à laquelle il avait d’abord songé mais le monde berbère. Il aura passé plus de 24 mois chez les Aït ‘Atta de l'Atlas calcaire et du Sud-est présaharien entre 1970 et 1980, puis 9 mois en milieu berbère citadin après 1980. Son dernier voyage au Maroc a eu lieu en 2011, à l’occasion d’une exposition consacrée au peintre géographe Théophile-Jean Delaye. Il s’était préparé à ces missions dès la rentrée d’octobre 1969, en s’inscrivant comme auditeur libre à l’École Nationale des Langues Orientales (aujourd’hui l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales) où il suivit pendant deux ans l’enseignement de Lionel Galand, lequel avait succédé à André Basset dans la chaire de berbère. À partir de 1971 et jusqu’en 1976, il suivit aussi l’enseignement de libyque et berbère que le grand berbérisant dispensait également à l’École Pratique des Hautes Études où il était Directeur d’études cumulant et allait bientôt être Directeur d’études de plein exercice. Il aura fait l’essentiel de sa carrière au CNRS, comme contractuel dès 1974 puis, à partir de 1977, comme membre titulaire de l’équipe « Littérature orale, dialectologie, ethnologie du domaine arabo-berbère », qui fut dirigée successivement par sa fondatrice Germaine Tillion, (1963-1978), Camille Lacoste (1978-1994) et Arlette Roth (1994-1998). Parallèlement à ses recherches, il n’a jamais cessé d’enseigner, que ce soit à l’Université René Descartes-Paris V (1974-1977), l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (1975-1978, 1980-1983, 1987- 1990) ou l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (1978-1979, 1991-1998), et sur des sujets aussi divers que l’anthropologie des sociétés pastorales, l’ethnologie du Maghreb, la littérature orale arabo-berbère. Le temps donné à l’enseignement s’accrut encore pour lui lorsque, après la disparition de son équipe, il rejoignit en 2001, à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, le Centre d’Histoire Sociale de l’Islam Méditerranéen qu’il allait diriger de 2006 jusqu’à son départ à la retraite en 2010. Là, avec François Pouillon et Gianni Albergoni, il devait animer jusqu’en 2014 un séminaire de formation à l’anthropologie du Maghreb. À quoi s’ajouta, en 2002 et 2003, une charge de cours complémentaire qu’il avait intitulée « Mots et choses, maux et causes berbères : ethnologie, philologie, linguistique » – intitulé où s’unissaient ce qui aura été ses deux centres d’intérêt tout au long de son parcours : une attention aux choses qui pouvait se manifester aussi bien dans le souci du détail typographique ou dans les heures que nous l’avons vu passer à retoucher ses photographies sur Photoshop1, que dans ses recherches sur les faits techniques ; une attention aux mots où s’exprimait son amour de la langue et de la poésie des Berbères du Maroc, son amour de sa propre langue aussi car il avait la plume exigeante. On lui doit en particulier, publiées en 2000, des traductions de poèmes du poète chleuh Ali Sedki Azaykou (1942-2004) qui sont elles-mêmes des poèmes. Il était en effet de ceux pour qui seule la poésie peut traduire la poésie : il avait retenu les leçons de Paulette Galand-Pernet, qui fut avec Lionel Galand son guide en matière de littérature orale. L’attention aux choses s’était manifestée très tôt, dès 1976, à une époque où il faisait partie de la « douzaine d’affidés » que Robert Cresswell avait rassemblés autour de lui. Il participa avec eux à la naissance de Techniques et Culture, organe d’expression de l’équipe CNRS du même nom à laquelle il était informellement associé. Sept ans plus tard, ce qui n’était au départ qu’un bulletin dactylographié devint, avec le soutien de la Maison des Sciences de l’Homme de Clemens Heller, la revue Techniques & Culture : le titre s’ornait désormais d’une esperluette qu’il avait dessinée, offrant ainsi un logotype à la revue et à l’équipe. Un détail qu’il commenta plus tard, mi-plaisant, mi-sérieux comme il l’était souvent : « Cette esperluette-là, à mes yeux la meilleure entremetteuse du marché typographique, c’était pour insister sur l’entreprise de déchiffrage que nous nous étions donnée. À terme, mettre tout dans le et : ces relations à dévoiler entre l’instance des pratiques techniques et celle du système culturel dans une société donnée. Nos soubassements ? Moitié crypto marxisme, moitié matérialisme enchanté. » Matérialiste au pas, il aura été nettement du côté de l’enchantement. Quant à son crypto marxisme, à en juger par le bandeau maussien qu’il avait tenu à faire ajouter au titre (« Pour une ethnologie de l’acte traditionnel efficace »), il était dilué dans bien d’autres influences. L’article qu’il avait donné en 1978 au n° 3 de ce qui n’était encore que Technique et culture (« Linguistique et technologie culturelle : l’exemple du métier à tisser vertical berbère »), et qui a été réédité en 2010 au sein d’une anthologie des articles les plus marquants de la revue, est une brillante illustration de la façon très personnelle dont il voyait ce projet collectif. L’écho de cet article, devenu une référence pour plus d’un muséographe, a débordé largement le domaine de la technologie culturelle puisqu’il a retenu l’attention du Pierre Bourdieu de Sens pratique, et même le domaine berbère, puisqu’il aura été cité aussi bien par les hellénistes que par un assyriologue comme Jean-Jacques Glassner. Il faut dire que le propos était ambitieux. Un examen minutieux de la technologie et du lexique du métier à tisser berbère s’y ouvrait, lorsqu’il en venait aux connotations des termes dont il avait répertorié les dénotations, sur un univers de sens où les Berbères apparaissaient comme étonnamment proches de nous. Ainsi, tout comme en français où texte est parent de tissu, on y apprenait que la création poétique et le tissage se disent là-bas dans des mots apparentés et sont même perçus comme des opérations parentes, comme en témoigne ce chant dont il traduisait ainsi le prologue : Louange à Dieu. Sans Lui saurait-on dévider le poème. Louange à Dieu. Sans Lui saurait-on n’en pas perdre le fil. Qu’alternent les mots ! Qu’ils vous livrent mes réflexions. Qu’alternent les mots ! Leurs motifs sont à ma disposition. La tisseuse et moi, les figures sont notre lot : Nous activons-nous à l’une, c’est à la prochaine qu’il faut penser. 1 Certaines ont été exposées en 2014 dans l’exposition « Femmes berbères du Maroc » présentée à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent à Paris. Il a aussi contribué avec André Goldenberg, Ali Oudaani et Marie-Rose Rabaté à la réalisation d’un film documentaire, L’eau, le pain, la laine et l’amour. On ne s’étonnera pas, en lisant ces lignes où l’élégance du traducteur le dispute à la sagacité de l’aède, que Claude Lefébure se soit par la suite attaché à la traduction et aux commentaires de textes poétiques berbères, sans négliger, du reste, des objets langagiers plus humbles mais dont la traduction est au moins aussi épineuse : qu’on relise l’article qu’il a consacré à l’injure en 2004 dans la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée et l’on sentira combien cet amoureux de la langue s’est délecté à explorer et à traduire la langue verte de ses amis berbères. Il projetait encore un travail plus ample sur ce que, à la suite de Paulette Galand-Pernet, il appelait les « chansons-gazettes », travail qu’il n’aura pu achever mais dont il avait largement esquissé les linéaments dans son enseignement à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Chercheur polymorphe, on le voit. D’autant plus qu’il faudrait encore mentionner qu’il a contribué uploads/Litterature/ claude-lefe-bure-1945-2020.pdf

  • 18
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager