Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis Département de Littérature Française
Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis Département de Littérature Française Mémoire de MASTER 2 recherche Master Lettres et Langues Littérature : Textes, Langues, Théories Spécialité : Littératures francophones Littératures francophones et Institution scolaire Sous la direction de Zineb ALI-BENALI et Nicole Blondeau Présenté par Ferroudja Allouache Juin 2010 2 Sommaire INTRODUCTION........................................................................................................ 4 I. LES LITTERATURES DITES « FRANCOPHONES » ........................................ 8 1. Littératures francophones : une définition problématique................................................................ 9 A. Littératures francophones : une définition anthropologique ................................................................... 11 B. Comment nommer et classer : les pièges de la définition....................................................................... 19 C. Une définition historiquement contextualisée......................................................................................... 21 2. Le triptyque langue, nation et narration ............................................................................................... 25 A. L’espace littéraire francophone ou l’impossibilité d’écrire la nation...................................................... 27 B. Affiliations/désaffiliations ...................................................................................................................... 31 C. Ecritures francophones : une expérience de la modernité....................................................................... 35 II. TEMPORALITE ET LIEUX DE RESISTANCE................................................. 39 1. Temporalité et lieux de résistance........................................................................................................... 40 A. Les lieux de légitimation......................................................................................................................... 41 B. Rôle des revues....................................................................................................................................... 44 C. Des œuvres qui font date ........................................................................................................................ 46 2. Reconnaissance par les pairs et légitimation....................................................................................... 53 A. Des préfaces…........................................................................................................................................ 54 B. … Aux manifestes .................................................................................................................................. 59 C. De nouveaux pactes de lecture................................................................................................................ 63 III. TEMPORALITE ET PROCESSUS DE LEGITIMATION................................... 66 1. L’Institution scolaire : lieu de légitimation des textes....................................................................... 68 A. Circulaires officielles et programmes.......................................................................................................... 70 B. Les manuels scolaires et la constitution des corpus..................................................................................... 77 C. Anthologies et dictionnaires ou l’art de fabriquer des frontières................................................................. 87 2. Le processus de légitimation.................................................................................................................... 92 A. Les classeurs classés et l’invention du lecteur............................................................................................. 92 B. La francophonie sauvée par le postcolonial ?.............................................................................................. 95 C. Comment sortir des enfermements : pour une république mondiale des lettres ? ....................................... 98 CONCLUSION ........................................................................................................101 BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................104 3 Remerciements A Zineb Ali Benali et Nicole Blondeau pour leur écoute critique, leur bienveillance et leur disponibilité A Françoise Simasotchi et Alex-Louise Tessonneau, pour leurs précieux conseils de lecture A Joanna Malina et Marie Illianeck pour leur relecture attentive 4 INTRODUCTION «Seul importe le livre, tel qu’il est, loin des genres, en dehors des rubriques, prose, poésie, roman, témoignage, sous lesquelles il refuse de se ranger et auxquelles il dénie le pouvoir de lui fixer sa place et de déterminer sa forme. » Blanchot : Le Livre à venir, p. 272 Sur le site de LIMAG (Littérature maghrébine), universitaire et spécialiste de la littérature algérienne francophone, Charles Bonn, de l’université de Lyon 2, écrit : « Il faut d'abord saluer l'événement : pour la première fois, en 2009, un grand texte fondateur de la littérature maghrébine francophone figure au programme du concours d'entrée à l'Ecole Normale Supérieure. Ce qui semblerait une évidence pour qui n'est pas familier de la frilosité du système universitaire français apparaît pourtant aux familiers de ce système comme une véritable révolution. »1 Depuis des années, Ch. Bonn a tenté, à maintes reprises, de proposer le roman d’un des plus grands auteurs algériens de langue française, Nedjma de Kateb Yacine (1956), au programme d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure, en vain. L’Institution scolaire/universitaire française adopte une attitude des plus ambiguës à l’égard des auteurs francophones issus des anciennes colonies. Le « grand texte fondateur » va de soi pour Bonn qui décrit cet « événement » comme « une véritable révolution ». C’est effectivement un geste inaugural qui a lieu ici puisqu’un texte, qui figure comme une référence dans les anthologies francophones, apparaît aux côtés des textes « canoniques » de la tradition littéraire française. L’Institution française (Académie française, maisons d’édition, presse, médias) qui a su si bien imposer le canon occidental, les Belles lettres, le texte classique, s’est peu, voire pas du tout, ouverte aux nombreux auteurs d’autres rives, l’exception étant faite pour ceux et celles qui sont nés en Europe comme Yourcenar, Kundera, Ionesco, Beckett, Todorov et dont les pays ne sont pas francophones. Seul le poète sénégalais Senghor fait partie du patrimoine. Cette « frilosité du système universitaire français » a créé inévitablement une classe d’écrivains marginaux. La non reconnaissance de la valeur littéraire de ces œuvres les exclut de fait des programmes scolaires. Combien d’auteurs étrangers écrivant en français, dont le pays est une ancienne 1 http://www.limag.refer.org/Cours/2009Nedjma/2009Nedjma.htm, site consulté en juillet, septembre et novembre 09. 5 colonie française (ou belge) figure dans une séquence didactique et sont étudiés dans les écoles ? Quel statut ont-ils ? Quelle place leur est accordée dans les manuels et anthologies littéraires ? Mon mémoire de Master « Littératures francophones et Institution scolaire » est le résultat de plusieurs années de travail et de réflexions autour des auteurs francophones, au niveau universitaire puisque je n’ai cessé de garder des liens avec l’université (la préparation au concours du CAPES qui repose sur la connaissance et la maîtrise des programmes des collège et lycée m’a amenée à prendre progressivement conscience que les textes à connaître, lire, côtoyer, apprécier, porteurs de valeurs et de références culturelles, ne concernaient que l’hexagone ou ceux d’auteurs « naturalisés ».)2 Ce travail est également mené avec les élèves en collège : les séquences proposées par les manuels scolaires en français restent souvent cantonnées aux mêmes textes, aux mêmes thèmes. Rares sont ceux qui ouvrent les frontières aux auteurs venus d’ailleurs ayant choisi le français comme langue d’écriture. Se sont alors posées quelques questions qui ne m’ont plus quittée : sur quels critères les concepteurs de manuels s’appuient-ils pour le choix de leurs textes ? Pour quelle(s) raison(s) excluent-ils les textes francophones ? Bien que le programme impose des lignes directrices, des thèmes majeurs à suivre, qu’est-ce qui freine ces concepteurs à plus d’ouverture ? Comment expliquer que lorsqu’un manuel est réédité, que du temps s’est écoulé entre deux versions d’un même livre, peu, voire aucun changement n’a eu lieu ? Qu’est-ce qui travaille dans les choix des textes en didactique ? Au lycée, la question concerne les mouvements littéraires : comment est perçu le mouvement de la Négritude : relève-t-il d’une manifestation politique et/ou littéraire ? Comment expliquer ce phénomène qui consiste à expulser les auteurs francophones des mouvements littéraires, sachant que, comme le dit Glissant, ils écrivent en présence d’autres langues, d’autres textes, d’autres genres ? Kateb Yacine, Césaire, Senghor et d’autres ont eux aussi été lecteurs/admirateurs de Dostoïevski, de Faulkner, de Joyce, de Woolf, de Flaubert, de Zola, des Surréalistes, du Nouveau roman. Comment comprendre donc cette attitude consistant à écarter de ce qui a été constitué comme le centre ceux et celles qui viennent loin de ce centre, c’est-à-dire de la périphérie ? 2 Il y a aussi un nombre conséquent d’auteurs étrangers traduits en français (Indien, Chinois, Arabes, Anglo- saxons, Russes, Polonais…). 6 Les séquences élaborées dans ma démarche pédagogique ont intégré, chaque fois que cela a été possible, des textes francophones qui ont un lien thématique avec le programme. Faire entrer la littérature francophone à l’école, faire découvrir ses auteurs, c'est, d'une certaine manière, prendre en compte la diversité des élèves dont une partie non négligeable a des familles originaires d'Afrique subsaharienne, du Maghreb, de Chine, d'Europe de l'Est, du Vietnam, d'Inde… Ils parlent français mais aussi leur(s) langue(s) maternelle(s). Cependant, ces élèves plurilingues connaissent-ils les auteurs, les artistes de leur pays ? Savent-ils que, depuis des décennies, dans la plupart de ces pays, sont nés des écrivains de grande renommée, qui ont écrit en français ? Le corpus qui m’a permis de cerner mon sujet est divers même s’il reste circonscrit au domaine littéraire : les Instructions officielles du Ministère de l’Education nationale dans le cas des collège et lycée ; l'analyse du contenu des manuels de collège et de lycée (les thématiques et les "mouvements littéraires et culturels") ; les anthologies et les dictionnaires littéraires destinés aux étudiants afin de repérer la place faite aux auteurs francophones, à leur classement, voir s’ils y figurent ou pas et regarder de près le classement des "naturalisés" (Beckett, Ionesco, Adamov, Cixous, Kundera, Wiesel...) et le processus de leur "naturalisation". Ils semblent échapper comme par miracle à la « loterie » francophone. En somme, il s’agit de déconstruire le fonctionnement des "marchands de biens culturels" (Bourdieu, 1998 : 281) qui reproduisent le savoir institué. La définition aléatoire, « floue », des littératures dites « francophones » fera l’objet de la première partie. L’épithète « francophone » réfère-t-elle à une dimension littéraire ? Qui appelle-t-on précisément auteur francophone ? Quels critères objectifs permettent de le classer sous cette catégorie qui renvoie à divers domaines (géographie, politique, linguistique) mais en aucun cas au domaine esthétique ? Ceux qui définissent ou participent au processus de définition de la littérature francophone, sont ceux-là mêmes qui trient, séparent, compartimentent, classent et participent de fait à l’inclusion/exclusion du champ littéraire francophone dans le champ littéraire français, fortement lié à la nation. La relation langue/nation/narration peut partiellement expliquer le rejet du texte écrit en français, donc le manque de reconnaissance. La seconde partie s’intéresse à la manière dont des lieux de « résistance » se sont constitués pendant la période coloniale, en France et ailleurs et ont proposé une lecture en rupture avec 7 l’idéologie dominante de l’époque, comment des mouvements comme celui de la uploads/Litterature/ litteratures-francophones-et-institution-scolaire.pdf
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- Publié le Fev 18, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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